Ali
2001
Etats-Unis

Réal. : Michael Mann
Avec : Will Smith, Will Smith, Jamie Foxx, Jon Voight, Mario Van Peebles, Jada Pinkett, Mykelti Williamson, Jeffrey Wright
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Révélations

 

1.
J’ai réellement découvert le personnage d’Ali dans l’exceptionnel documentaire consacré à son combat mythique contre George Foreman au Zaïre, When We Were Kings. Le documentaire illustre merveilleusement son sens de la provocation et de la répartie, ainsi que son intelligence tactique dans le combat qui l’a opposé à Foreman. Il montre aussi comment Ali a été accueilli au Zaïre comme le porte-parole des africains, alors que Foreman, pourtant noir lui aussi, a été perçu comme un symbole de l’Amérique blanche.
Le film retrace dix ans de la vie d’Ali, depuis sa conquête du titre de champion du monde des poids lourds jusqu’à son combat contre Foreman. Outre les combats de boxe eux-mêmes, il montre l’engagement d’Ali dans la Nation de l’Islam, son amitié puis sa rupture avec Malcolm X, son refus d’incorporation pour partir au Vietman qui lui a valu la déchéance de son titre.
L’interprétation de Will Smith est exemplaire. Le rappeur signe là son premier rôle de composition au cinéma. Il y a ce mélange d’exubérance, de courage physique et d’humour dévastateur que nous connaissons bien. Il y a l’ambiguïté de l’homme dans ses choix : sa rupture soudaine avec Malcolm X (qu’Ali, de son propre aveu, regrettera jusqu’à la fin de ses jours), ses relations tumultueuses avec les femmes, son entêtement. Surtout, on découvre une autre facette d’Ali: sa solitude comme conséquence de ses choix radicaux, une certaine réserve et une pudeur lorsque le personnage public s’efface.
Le film comporte de grands moments d’émotion, comme celui où le boxeur, courant dans les rues délabrées de Kinshasa, découvre son portrait peint sur la plupart des murs des quartiers pauvres de la ville. Entouré d’une foule bigarrée d’enfants, de jeunes hommes et de vieillards, il stoppe devant l’un de ces portraits. Will Smith traduit alors parfaitement le ressenti du boxeur, qui réalise face à son portrait – naïf et touchant - que l’enjeu du combat le dépasse lui-même, qu’il n’est plus ici seulement un boxeur mais un symbole de lutte et d’émancipation.
Le film peut agacer car il n’explique pas tous les choix d’Ali et ne dissimule pas son ambiguïté. Mais il s’agit de cinéma, qui donne une lecture du personnage, complétant - avec sobriété, élégance et une photographie superbe - en ce sens utilement le documentaire. Même si j’ai préféré ce dernier, je trouve somme toute le film convaincant et réussi.

AG, vu à Grenoble en février 2002

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2.
Je sors justement de la séance d'Ali, et la critique d'Alexis me dispense de faire les présentations. Michael Mann est un réalisateur d'un grand style, et je me réjouissais à l'avance de le voir s'attaquer simultanément à deux genres typiquement américains : le biopic (biographie filmée) et le film de boxe. Il déroge un peu au premier en choisissant de se concentrer sur une période courte mais légendaire de la vie de Mohammed Ali. A ce point de vue, la scène d'exposition du début est absolument exemplaire : résumant "tout ce qui s'est passé avant", elle introduit le personnage légendaire au rythme d'un concert de musique Soul. L'articulation image et son font génialement "passer" le préambule. Je ne reviendrai pas sur les autres qualités (en particulier de mise en scène) du film, bien résumées par Alexis.
Cependant, Ali ne tient pas selon moi toutes ses promesses : péchant par son scénario, il s'essoufle assez vite, effleure un peu tous les thèmes sans vraiment les approfondir. Ali et la presse (excellentes scènes avec le journaliste interprété par Jon Voight, qui rappellent les meilleurs moments de Révélations), Ali et la politique, Ali et les femmes, autant de thèmes passionnants qui, sous l'effet de l'accumulation, font baisser le rythme général du film et l'allongent inutilement (2H38). Bref, il tombe en partie dans le travers des biographies hollywoodiennes ...vouloir trop en dire. Il reste cependant supérieur à bon nombre d'autres évocations similaires (par exemple Malcolm X de Spike Lee). Je rêve de voir When We Were Kings.

Laurent G., vu à Pau en vf en 2002