1.
J’ai réellement découvert le personnage d’Ali dans l’exceptionnel
documentaire consacré à son combat mythique contre George
Foreman au Zaïre, When We Were Kings. Le documentaire illustre
merveilleusement son sens de la provocation et de la répartie,
ainsi que son intelligence tactique dans le combat qui l’a opposé
à Foreman. Il montre aussi comment Ali a été accueilli
au Zaïre comme le porte-parole des africains, alors que Foreman,
pourtant noir lui aussi, a été perçu comme un symbole
de l’Amérique blanche.
Le film retrace dix ans
de la vie d’Ali, depuis sa conquête du titre de champion du monde
des poids lourds jusqu’à son combat contre Foreman. Outre les
combats de boxe eux-mêmes, il montre l’engagement d’Ali dans la
Nation de l’Islam, son amitié puis sa rupture avec Malcolm
X, son refus d’incorporation pour partir au Vietman qui lui a valu la
déchéance de son titre.
L’interprétation
de Will Smith est exemplaire. Le rappeur signe là son premier
rôle de composition au cinéma. Il y a ce mélange
d’exubérance, de courage physique et d’humour dévastateur
que nous connaissons bien. Il y a l’ambiguïté de l’homme
dans ses choix : sa rupture soudaine avec Malcolm X (qu’Ali, de
son propre aveu, regrettera jusqu’à la fin de ses jours), ses
relations tumultueuses avec les femmes, son entêtement. Surtout,
on découvre une autre facette d’Ali: sa solitude comme conséquence
de ses choix radicaux, une certaine réserve et une pudeur lorsque
le personnage public s’efface.
Le film comporte de grands
moments d’émotion, comme celui où le boxeur, courant dans
les rues délabrées de Kinshasa, découvre son portrait
peint sur la plupart des murs des quartiers pauvres de la ville. Entouré
d’une foule bigarrée d’enfants, de jeunes hommes et de vieillards,
il stoppe devant l’un de ces portraits. Will Smith traduit alors parfaitement
le ressenti du boxeur, qui réalise face à son portrait
– naïf et touchant - que l’enjeu du combat le dépasse lui-même,
qu’il n’est plus ici seulement un boxeur mais un symbole de lutte et
d’émancipation.
Le film peut agacer car
il n’explique pas tous les choix d’Ali et ne dissimule pas son ambiguïté.
Mais il s’agit de cinéma, qui donne une lecture
du personnage, complétant - avec sobriété, élégance
et une photographie superbe - en ce sens utilement le documentaire.
Même si j’ai préféré ce dernier, je trouve
somme toute le film convaincant et réussi.
AG, vu à
Grenoble en février 2002
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2.
Je sors justement de la séance d'Ali, et la critique d'Alexis
me dispense de faire les présentations. Michael Mann est un réalisateur
d'un grand style, et je me réjouissais à l'avance de le
voir s'attaquer simultanément à deux genres typiquement
américains : le biopic (biographie filmée) et le
film de boxe. Il déroge un peu au premier en choisissant de se
concentrer sur une période courte mais légendaire de la
vie de Mohammed Ali. A ce point de vue, la scène d'exposition
du début est absolument exemplaire : résumant "tout
ce qui s'est passé avant", elle introduit le personnage
légendaire au rythme d'un concert de musique Soul. L'articulation
image et son font génialement "passer" le préambule.
Je ne reviendrai pas sur les autres qualités (en particulier
de mise en scène) du film, bien résumées par Alexis.
Cependant, Ali ne tient pas selon moi toutes ses promesses :
péchant par son scénario, il s'essoufle assez vite, effleure
un peu tous les thèmes sans vraiment les approfondir. Ali et
la presse (excellentes scènes avec le journaliste interprété
par Jon Voight, qui rappellent les meilleurs moments de Révélations),
Ali et la politique, Ali et les femmes, autant de thèmes passionnants
qui, sous l'effet de l'accumulation, font baisser le rythme général
du film et l'allongent inutilement (2H38). Bref, il tombe en partie
dans le travers des biographies hollywoodiennes ...vouloir trop en dire.
Il reste cependant supérieur à bon nombre d'autres évocations
similaires (par exemple Malcolm X de Spike Lee). Je rêve
de voir When We Were Kings.
Laurent G., vu à
Pau en vf en 2002
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