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Revue
de presse
1.
S'il y a les pour et les contre Eric Rohmer, disons que ce film me fait
plutôt pencher dans le second groupe. Malheureusement pour moi sans doute,
je ne connaissais pour ainsi dire rien de ce cinéma très particulier et
j'ai accepté de suivre deux amis dans cette aventure que j'ai trouvé franchement
regrettable. Je ne m'attendais certes pas à ce genre de film qui vous
tient en haleine, vous émeut, vous transporte de joie... mais je m'attendais
au moins à découvrir quelques faits historiques, si ce n'est quelques
anecdotes et améliorer ainsi ma culture gé. Quelle ne fut pas mon erreur.
Je me suis prodigieusement ennuyée pendant plus de deux longues et interminables
heures et je n'ai pas appris grand chose.
La diction qui se
veut parfaite de Jean-Claude Dreyfus et Lucy Russell m'a exaspérée au
plus haut point et j'avais le sentiment d'être prise pour une simple d'esprit
incapable de comprendre rapidement des phrases bien tournées. Quand aux
personnages, ils sont encore plus exaspérants. Le comportement et le parlé
maniérés des aristocrates étaient-ils réellement ceux présentés dans ce
film ? Ou Rohmer les a-t-il volontairement déformés ? Dans ce cas pourquoi
? J'ai incontestablement préféré les traits d'esprit de "Ridicule" ou
autre "Beaumarchais l'Insolent"'. Les "effets spéciaux" ne sont guère
crédibles (les décors de Paris sont présentés sur des toiles peintes et
les personnages s'y superposent). L'idée est originale mais pourquoi,
pour une fois, ne pas utiliser les nouvelles technologies (qu'on utilise
quasi exclusivement pour le fantastique, l'horreur, ou la science fiction*)
pour faire travailler ensemble techniciens de l'image et historiens !!!
[ *NB, à noter toutefois l'effort louable mais restreinte et criticable
pour présenter une Rome vivante dans "Gladiator" -- Appels aux internautes
de ce site : faites moi découvrir des films à dimension historique utilisant
des images de synthèse).
Ceci dit, je dois
avouer, par honnêteté intellectuelle, que Rohmer donne un point de vue
particulier sur une période spécifique de l'histoire française celle de
la Terreur durant la révolution. Présenter la vision d'une aristocrate
anglaise royaliste sur ces années dominées par la violence populaire est
chose osée et pour le moins innovante. On réalise à quel point les cours
d'histoire reçus au lycée peuvent être conventionnels. Mais un court métrage
m'aurait suffi à comprendre ! Bref, vous l'aurez compris, je ne suis pas
une adepte du style Rohmer mais je ne suis pas réfractaire, non plus,
à tout autre opinion sur ce cinéma (une longue discussion avec une amie
bretonne m'a d'ailleurs éclairée sur les intentions de Rohmer et je l'en
remercie).
Morgane LD, vu en
octobre 2001.
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2.
Je conçois que l'on soit rebuté par certains aspects de
l'Anglaise et le Duc, mais il est un certain nombre de reproches que Rohmer
ne mérite pas : la comparaison avec ridicule et Beaumarchais l'Insolent,
entre autres, qui sont des films nous offrant une vision parfaitement
figée et conventionnelle de la révolution française
et de l'histoire. La vision de Rohmer, elle, est dynamique, et son but
est de nous faire nous interroger sur la représentation de l'histoire.
Certes, l'expérience est austère, et présente plus
de plaisir intellectuel que purement émotionnel...Quoi que... Et
j'en viens à la deuxième critique, celle des effets spéciaux.
Là aussi, je trouve MLD est injuste : Rohmer utilise la technologie
numérique pour plonger les personnages dans des toiles peintes,
expérience que je trouve esthétiquement passionnante, et
beaucoup plus innovante que la débauche d'effets spéciaux
destinés beaucoup plus à nous en mettre plein la vue qu'à
nous offrir une vraie perspective historique, originale. Car l'histoire
n'est évidemment pas figée et ses reprédsentations
évoluent. Rohmer contribue à cette évolution. Pour
s'habituer à la diction des personnages, je conseille un stage
intensif Rohmerien, car cette manie ne date pas d'hier : le réalisateur,
ancien prof de français, est un amoureux de la langue et exige
pour tous ses films une diction parfaite.
Le film est sans doute parfois dérangeant, parfois un peu ennuyeux
(ce n'est pas Gladiator), mais stimule la réflexion sur l'histoire
(la question de la représentation est constamment en filigrane
dans les choix du réalisateur), à la différence de
bon nombre des productions du genre.
Laurent G., vu dans
le duché de Pau en 2001
3.
Rohmer, tout comme MLD le dit avec je trouve sobriété et justesse, propose
avec ce film une œuvre originale par son point de vue- celui d'une aristocrate
effarée et désorientée par les événements, non dénuée d'un certain courage
physique - est indéniable. C'est ce point de vue- non pas l'idée d'un
apport historique qui n'était pas le propos du cinéaste - qui m'a attiré
dans la salle. Pour notre aristocrate anglaise, donc, les révolutionnaires
se divisent en deux camps : d'un côté, une populace à la bêtise crasse
et affligeante, violente, vulgaire, ce qui a sans aucun doute été le cas
pour certains ; de l'autre, leurs chefs, empêtrés dans des querelles internes,
préoccupés surtout de découvrir les nouvelles incartades au code de conduite
du bon révolutionnaire, incartades qui vont jusqu'à l'absurdité. Tout
cela n'est pas flatteur pour les idéaux mythiques qui bercent encore les
français, mais soit. A cela s'ajoute sa relation avec le dit "Duc", personnage
sincère dans ses sentiments mais non dénué de lâcheté, pris dans ses contradictions
entre un mépris pour une royauté à l'agonie et le sentiment de ménagement
d'un noblesse éclairée.
Le portrait psychologique de ces deux personnages aurait pu être intéressant.
Pour autant, je ne m'y suis guère attaché. Oui, on peut louer une diction
désuète et précieuse des acteurs, quand celle-ci éveille l'émotion, quand
celle-ci est passionnée. Mais j'ai vu un Jean-Claude Dreyfuss - physiquement
de plus en plus proche des gorets dont il est un fervent collectionneur
- et une Lucy Russel déclamant mécaniquement et avec application leurs
répliques, comme au théâtre du XVIIIème siècle où les acteurs avaient
ce type de narration. MLD est peut-être injuste vis-à-vis de Rohmer (et
moi donc ?) mais LG l'est tout autant vis à vis de Beaumarchais l'insolent
et surtout de Ridicule, qui au demeurant ne traitent aucunement de la
Révolution française ! De ses prémisses, à la limite, à travers la décadence
et le déclin de la royauté. Quels jeux de mots brillants dans ces films
! Les jeux d'acteur de Luchini (extraordinaire actuellement dans sa narration
des fables de La Fontaine) et surtout de Charles Berling sont-ils comparables
au jeu maniéré des acteurs de Rohmer ? Une belle langue mérite plus de
fougue !
Quant aux " effets spéciaux " (plutôt des trucages dans le cas de Rohmer).
Oui, on peut les saluer même s'ils sont volontairement " datés ", quand
ils sont bien maîtrisés ou tout du moins poétiques (cf. Sleepy Hollow).
Je ne suivrai pourtant pas l'invite de la presse qui s'est extasiée sur
la prétendue " modernité " nouvelle de Rohmer. Si l'on peut reconnaître
une " expérience esthétique passionnante ", pour reprendre les mots de
LG, on peut aussi considérer ce travail d'incrustation grossier et malhabile.
A tout prendre, j'aurais préféré des décors naturels.
Il est sans doute légitime de saluer ce film pour son originalité dans
un océan d'uniformité sur " les films de Révolution ". Tout autant, aussi,
de le trouver désuet dans son traitement, conservateur dans son propos,
fabuleusement ennuyeux dans son ensemble.
AG, vu en 2002 à Grenoble
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