Armée des morts (L')
(The Dawn of the Dead)
Etats-Unis
2004
Réal : Zack Snyder
Avec Hannah Lochner, Sarah Polley, Ving Rhames, Mekhi Pfiffer

 

 

 


Zombie
Etats-Unis
1978
Réal. : George A. Romero

Avec :Scott Reiniger, Ken Foree, David Emge, Gaylen Ross, Tom Savini, Clayton McKinnon

L'armée des morts

zombie

 

Voici un autre de ces innombrables remakes qui envahissent les écrans des multiplexes, nouvelle preuve que les scénaristes américains ont de plus en plus de mal à trouver de sujets originaux. Alors, recycler l'ancien, pourquoi pas, quand c'est fait avec habileté et quand le réalisateur a des idées nouvelles qui permettent d'aller au delà d'un simple copié-collé de l'oeuvre initiale, les effets spéciaux en plus. L'armée des morts est donc un remake de Zombie de George A. Romero, oeuvre culte pour certains, ovni bizarroïde pour d'autres, dans lequel nos amis les morts revenaient hanter nos vies, se traînant lamentablement dans les rues et les supermarchés avec des airs un peu bleuâtres.
Le remake proposé choisissant d'innover par le rythme, vous découvrirez que les zombies de 2004 sont beaucoup plus méchants et nettement plus rapides que leurs parents des seventies, qui subissaient sans doute post-mortem les effets des substances illicites à la mode de l'époque. Nos zombies actuels, eux semblent plutôt marcher au speed... D'ailleurs, le film démarre à 100 à l'heure, peut-être même trop vite d'ailleurs, car en une nuit les morts semblent avoir mis à sac tous les Etats-unis, ce qui est tout de même assez peu crédible. Un petit groupe de rescapés se retrouve coincé dans un supermarché et tente tant bien que mal d'organiser leur survie, malgré leurs différences.
Le problème est qu'hormis une atmosphère très pessimiste et l'évolution inattendue de certains personnages, ce remake souffre d'un cruel manque de profondeur. Visuellement intéressant, même si c'est quand même très dégoûtant, il se contente de filmer l'itinéraire de ce petit groupe (dont au moins trois personnages sont totalement négligés), exprimant vaguement de plates vérités sur la solidarité humaine mise à mal, ainsi que de constatations vibrantes de terreur (mais piquées à Romero) : par exemple, "quand les morts n'auront plus de place en enfer, ils reviendront sur terre". Ca fait peur (sursauter plutôt), mais c'est tout*. Bref, pas grand chose de neuf à se mettre sous la dent, le film ressemble étrangement au 26ème jour, sur le plan visuel comme sur celui de l'absence de message clair. Alors à quoi bon faire une critique, me direz-vous ?
Eh bien ce Dawn of the Dead a finalement ceci de bon qu'il m'a fait revoir à la hausse mon jugement sur Zombie (l'original, vu il y a quelques mois en vidéo). En effet, je me méfie généralement des films d'horreur et ce qu'on leur fait dire, des fanatiques de gore qui classent très vite des oeuvres un peu dégoulinantes dans la catégorie cultissime, etc... Zombie m'avait laissé un peu sur ma faim, rebuté entre autres par le côté daté, l'aspect un peu ridicule des pauvres hères rescapés du royaume d'Hadès et la pesanteur de la mise en scène. En fait, il y a beaucoup de choses intéressantes dans le film de Romero :
Le message politique, tout d'abord, est nettement plus clair : le début du film qui évoque le massacre sans pitié d'un groupe de... morts par des commandos laisse une impression de malaise, et pointe du doigt les répressions policières du monde entier. Ensuite, tout l'épisode du supermarché s'attaque très clairement à la société de consommation. Les morts y reviennent non pas pour la chair fraîche mais par habitude, et errent sans but dans les couloirs à la recherche d'un plaisir que l'argent et la profusion des biens n'est plus capable de leur donner. Les rescapés qui se servent et profitent provisoirement mais gratuitement des marchandises à l'abandon ont quelque chose de pathétique et de futile.
Mais c'est surtout dans la construction scénaristique que le film de Romero supplante son rejeton. L'utilisation des lieux répond à des choix précis, le film est organisé en fonction de l'espace du supermarché, de ses étages, ses ascenseurs, ses départements, si bien qu'à la fin ce mall immense n'a plus aucun secret pour nous ; il participe même du message politique du film, le temple de la consommation si familier devenant à la fois un refuge et une antichambre de l'enfer. Ce n'est pas le cas dans l'armée des morts, qui néglige par trop ce concept d'unité de lieu, ce qui est tout de même dommage pour un huis clôs...

En définitive je vous encourage à revoir Zombie (en essayant d'oublier que le film a vieilli) plutôt que son remake, mécanique bien huilée, énergique, effrayante mais, à l'image de ses morts-vivants, sans âme.

Laurent G., vu en 2004

*Pour les amateurs d'ambiances de salles obscures, j'ai vu ce film dans un cinéma cayennais avec un ami, et nous avons été assez surpris de la façon dont le public guyanais répondait au film. Les gens étaient venus pour avoir peur, mais sans y croire trop tout de même. D'où de nombreux cris dans la salle, suivis de rires, voire de réflexions du style "qu'est-ce que c'est que ce film complètement nul ?", bref, une bonne vraie salle bien réactive comme on les aime...