Voici un autre
de ces innombrables remakes qui envahissent les écrans des multiplexes,
nouvelle preuve que les scénaristes américains ont de plus
en plus de mal à trouver de sujets originaux. Alors, recycler l'ancien,
pourquoi pas, quand c'est fait avec habileté et quand le réalisateur
a des idées nouvelles qui permettent d'aller au delà d'un
simple copié-collé de l'oeuvre initiale, les effets spéciaux
en plus. L'armée des morts est donc un remake de Zombie
de George A. Romero, oeuvre culte pour certains, ovni bizarroïde
pour d'autres, dans lequel nos amis les morts revenaient hanter nos vies,
se traînant lamentablement dans les rues et les supermarchés
avec des airs un peu bleuâtres.
Le remake proposé choisissant d'innover par le rythme, vous découvrirez
que les zombies de 2004 sont beaucoup plus méchants et nettement
plus rapides que leurs parents des seventies, qui subissaient sans doute
post-mortem les effets des substances illicites à la mode de l'époque.
Nos zombies actuels, eux semblent plutôt marcher au speed... D'ailleurs,
le film démarre à 100 à l'heure, peut-être
même trop vite d'ailleurs, car en une nuit les morts semblent avoir
mis à sac tous les Etats-unis, ce qui est tout de même assez
peu crédible. Un petit groupe de rescapés se retrouve coincé
dans un supermarché et tente tant bien que mal d'organiser leur
survie, malgré leurs différences.
Le problème est qu'hormis une atmosphère très pessimiste
et l'évolution inattendue de certains personnages, ce remake souffre
d'un cruel manque de profondeur. Visuellement intéressant, même
si c'est quand même très dégoûtant, il se contente
de filmer l'itinéraire de ce petit groupe (dont au moins trois
personnages sont totalement négligés), exprimant vaguement
de plates vérités sur la solidarité humaine mise
à mal, ainsi que de constatations vibrantes de terreur (mais piquées
à Romero) : par exemple, "quand les morts n'auront plus de
place en enfer, ils reviendront sur terre". Ca fait peur (sursauter
plutôt), mais c'est tout*. Bref, pas grand chose de neuf à
se mettre sous la dent, le film ressemble étrangement au 26ème
jour, sur le plan visuel comme sur celui de l'absence de message clair.
Alors à quoi bon faire une critique, me direz-vous ?
Eh bien ce Dawn of the Dead a finalement ceci de bon qu'il m'a
fait revoir à la hausse mon jugement sur Zombie (l'original,
vu il y a quelques mois en vidéo). En effet, je me méfie
généralement des films d'horreur et ce qu'on leur fait dire,
des fanatiques de gore qui classent très vite des oeuvres un peu
dégoulinantes dans la catégorie cultissime, etc... Zombie
m'avait laissé un peu sur ma faim, rebuté entre autres par
le côté daté, l'aspect un peu ridicule des pauvres
hères rescapés du royaume d'Hadès et la pesanteur
de la mise en scène. En fait, il y a beaucoup de choses intéressantes
dans le film de Romero :
Le message politique, tout d'abord, est nettement plus clair : le début
du film qui évoque le massacre sans pitié d'un groupe de...
morts par des commandos laisse une impression de malaise, et pointe du
doigt les répressions policières du monde entier. Ensuite,
tout l'épisode du supermarché s'attaque très clairement
à la société de consommation. Les morts y reviennent
non pas pour la chair fraîche mais par habitude, et errent sans
but dans les couloirs à la recherche d'un plaisir que l'argent
et la profusion des biens n'est plus capable de leur donner. Les rescapés
qui se servent et profitent provisoirement mais gratuitement des marchandises
à l'abandon ont quelque chose de pathétique et de futile.
Mais c'est surtout dans la construction scénaristique que le film
de Romero supplante son rejeton. L'utilisation des lieux répond
à des choix précis, le film est organisé en fonction
de l'espace du supermarché, de ses étages, ses ascenseurs,
ses départements, si bien qu'à la fin ce mall immense n'a
plus aucun secret pour nous ; il participe même du message politique
du film, le temple de la consommation si familier devenant à la
fois un refuge et une antichambre de l'enfer. Ce n'est pas le cas dans
l'armée des morts, qui néglige par trop ce concept d'unité
de lieu, ce qui est tout de même dommage pour un huis clôs...
En définitive je vous encourage à revoir Zombie (en
essayant d'oublier que le film a vieilli) plutôt que son remake,
mécanique bien huilée, énergique, effrayante mais,
à l'image de ses morts-vivants, sans âme.
Laurent
G., vu en 2004
*Pour les amateurs
d'ambiances de salles obscures, j'ai vu ce film dans un cinéma
cayennais avec un ami, et nous avons été assez surpris de
la façon dont le public guyanais répondait au film. Les
gens étaient venus pour avoir peur, mais sans y croire trop tout
de même. D'où de nombreux cris dans la salle, suivis de rires,
voire de réflexions du style "qu'est-ce que c'est que ce film
complètement nul ?", bref, une bonne vraie salle bien réactive
comme on les aime...
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