MISE EN RELATION
: UN FILM / UN OPERA / UN RAP
" La Cérémonie " de CHABROL " Don Giovanni " de MOZART
Dans cette analyse,
il sera toujours question de " Don Giovanni " : le personnage de Mozart
a une personnalité bien définie qui nécessite une autre lecture que
celle du séducteur libertin, connu sous le terme " don Juan ". Le film
propose plusieurs pistes d'interprétations à partir d'autres musiques
mais cette analyse ne les aborde pas ou se contente de les évoquer.
La musique de
Don Giovanni dans ce film
Elle intervient
au moment du dénouement du drame (position stratégique).
La rupture entre le monde des Lelièvre et celui de Sophie est socialement
effective, il n'y a plus de cohabitation possible. Les scènes et les
lieux se succèdent et s'accumulent, la musique joue ici un rôle fonctionnel
important : elle structure les changements incessants de lieux
et d'actions en une unité auditive : l'opéra de Mozart.
Quelques exemples :
- Sophie et Jeanne dans l'entrée (pas de lumière)
- Les Lelièvre dans leur espace : le salon
- Sophie et Jeanne occupent progressivement l'espace de la famille
- Séparation des territoires : Mr Lelièvre est tué à l'entrée de la
cuisine il a transgressé le territoire de Sophie, son corps
sera enjambé à plusieurs reprises.
La musique de Don Giovanni sera présente jusqu'à la fin du film (même
lorsqu'elle est " off " elle garde une connotation " in ").
1ère analyse
: choisir Mozart
La musique classique
est conventionnellement reconnue comme musique de prédilection de la
classe bourgeoise. En réalité, elle ne concerne que le siècle de Mozart
(siècle des Lumières)même si la coutume donne ce nom de " musique classique
" à toute musique " académique ".
Le choix de Chabrol mérite qu'on s'y attarde.
2ème analyse
: choisir un opéra et un RAP
Opéra : dans la
langue française est un terme qui a une double signification : c'est
un lieu et une oeuvre.
L'opéra comme lieu :
2 effets de la contre-plongée
:
l'escalier
devient le lieu qu'on appelle " poulailler " à l'opéra (les places les
moins chères)
Sophie et Jeanne dominent désormais l'espace.
2 effets de la plongée :
Les Lelièvre deviennent les personnages que Chabrol nous
donne à voir.
Ils sont dépossédés de leur territoire.
-Le salon devient, pour nous spectateurs, la " scène " (c'est à dire
le lieu où évoluent les acteurs)
L'opéra comme
œuvre :
Un opéra est toujours donné en VO (= en italien pour cet opéra), il
est donc nécessaire d'en connaître l'intrigue. Il y a deux types de
spectateurs d'opéras : les mélomanes-connaisseurs et les mondains (c'est
un lieu de rencontre d'une classe sociale).
3ème analyse
: choisir Don Giovanni.
Pour comprendre
le choix de cette musique par Chabrol, il faut connaître l'intrigue
et la manière dont Mozart l'a musicalement traitée. Il s'agit d'un "
dramma giocoso " ce titre n'apparaît pas par hasard en gros plan
à l'écran. Les critiques musicaux sont eux-mêmes partagés pour analyser
cette œuvre et l'ambiguïté vient de la musique elle-même : chaque scène
est à la fois " giocoso " (légèreté) et réflexion profonde.
Bref résumé de l'histoire
:
Don Giovanni (époux de Donna Elvira) se fait passer pour le fiancé
de Donna Anna, celle ci, découvrant la supercherie, alerte son père,
le Commandeur. Selon le code d'honneur de la noblesse, celui ci exige
le duel. Don Giovanni le met en garde à cause de l'inégalité des rapports
de force : son adversaire est trop âgé. Le Commandeur est effectivement
tué. Donna Anna et son fiancé jurent vengeance et poursuivent Don Giovanni
(toujours accompagné de son valet Leporello, personnage cocasse mais
intelligent). Cet opéra est donc construit sur la montée progressive
de la tension dramatique qui trouve son achèvement avec la mort spectaculaire
de Don G. (lien avec le film)
Les rapports
avec le film : quelques pistes d'interprétations
-Ressemblances entre Leporello et Jeanne :
-L'introduction
-Les assassinats
-Cérémonie
/ la mise en dérision
-Le fantastique
// le réel
-La narration
après le drame
En conclusion
" La cérémonie
" de Chabrol ne se résume pas au passage musical de Don Giovanni. mais
celui ci occupe une position stratégique dans le film.
D'autres musiques sont présentes et pourraient faire l'objet d'une étude
à part entière (exemple : la scène de l'arrivée de Sophie sur le quai
de la gare).
Cette analyse musicale est une piste qui nous permet de voir que ce
film n'est pas une simple critique de la bourgeoisie, cette piste est
exacte mais elle n'est pas la seule.
Chabrol semble connaître parfaitement l'opéra de Mozart, il fait peut-être
une critique de sa propre culture ! je suppose que c'est tout à fait
possible.
L'analphabétisme de Sophie est un handicap social et culturel doublé
d'un dérèglement psychologique qui ne cesse de prendre de l'ampleur.
La solitude de Sophie ne vient pas seulement de sa classe sociale :
elle est capable de trouver une amie et les Lelièvre sont aussi isolés
qu'elle. Elle était psychologiquement malade avant d'entrer au service
de cette famille, le drame est lié à la personnalité des deux femmes,
l'une est introvertie, l'autre extravertie et leur amitié n'est pas
fondée sur une simple connivence sociale mais sur des traumatismes graves
(morts non élucidées dans leurs entourages respectifs…).
Ce film, comme l'opéra de Mozart, est construit sur une alternance de
passages humoristiques et graves. On peut cependant difficilement parler
de comique même si le personnage de Jeanne (comme celui de Leporello***)
conduit à des scènes drôles.
Pour terminer voici ce que dit Chabrol :
"J'essaie de comprendre pour quelle raison un support musical préexistant
peut être plus efficace ou avoir un rôle différent, qu'une musique de
film traditionnelle" les Cahiers du Cinéma 1997
Par "musique de film traditionnelle" Chabrol entend : musique composée
pour le film (ne pas confondre avec la musique traditionnelle d'une
région, d'une ethnie).
***le mot italien " leporello " signifie en français : petit
lièvre !!! étrange coïncidence.
Brigitte
Boëdec
PS. Le roman "
l'Analphabète " mérite d'être lu : l'écrivain construit le dénouement
de l'enquête policière à partir des annotations musicales portées par
Mme Lelièvre sur le livret de Don Giovanni. Judicieux et étonnant.
-La comparaison entre ce
roman et son " adaptation " pour le cinéma par Chabrol est particulièrement
intéressante.
Si
vous souhaitez lire l'analyse musicale de ce film, il suffit de cliquer
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