Vous
connaissez Ivre de femmes et de peinture ? Eh bien voici quelques
mots sur le précédent film d'Im-Kwon-Taek sorti en France.
Sachez que cet homme est un des plus grands cinéastes coréens,
ses films les plus connus en Europe sont Mandala, La Mère
porteuse, la Chanteuse de Pansori, le chant de la fidèle
Chunyang et Ivre de femmes et de peinture, qui a valu à
son réalisateur le prix de la mise en scène du festival
de Cannes 2002. Sa carrière est d'un éclectisme insolent
qui rappelle certains grands maîtres américains (même
si semble-t-il ses débuts de carrière étaient très
commerciaux)
Le film déroute au départ : seul sur une scène,
un chanteur de Pansori se tient face à un public réceptif,
scandant une histoire du passé, accompagné simplement
d'une guitare. L'exercice, qui semble ravir les spectateurs, dont beaucoup
réagissent bruyamment au spectacle (c'est la coutume), surprend
le non-initié, et l'inquiète, car la caméra reste
inexorablement fixe, comme si le réalisateur voulait nous faire
partager un spectacle qui peut durer plusieurs heures... Pourtant, une
fois le récit installé, les mots du conteur se traduisent
progressivement en images... et quelles images ! Devant le décor
médiéval féérique, où les couleurs
explosent littéralement à chaque coin de l'image, où
de jeunes femmes d'une grande beauté et aux parures parfaites
tanguent joyeusement sur des balançoires fleuries, dans un troubillon
de feuilles et de pétales multicolores, on reste bouche bée.
L'histoire, très manichéenne, est d'une très grande
simplicité. Choisie comme épouse par un jeune prince,
la belle Chunhyang, une roturière, résiste aux avances
du gouverneur corrompu de la province en l'absence de son promis. Battue
et humiliée publiquement, elle sera sauvée in extremis
par son bel amoureux. A la beauté des images correspond la pureté
des sentiments des deux protagonistes,
On n'oubliera pas de sitôt la scène de la première
nuit des deux amants, d'une très grande sensualité et
d'un érotisme discret.
Comme je l'ai dit plus haut, le génie du film repose tout entier
dans l'articulation entre la voix du narrateur, d'une puissance expressive
inégalée et les images qui l'illustrent. L'élément
sonore et l'élément visuel, tous deux parfaits, finissent
par se fondre totalement l'un dans l'autre dans un hommage sublime et
émouvant rendu aux conteurs et aux histoires du monde entier.
La marque d'un grand cinéaste à découvrir absolument
!
Laurent
G., vu à Nantes en 2000
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