Chicago, 1927.
Roxie Hart, une jeune femme en quête de notoriété,
tue son amant d'un coup de revolver. Elle est arrêtée puis
incarcérée dans un pénitencier avec d'autres meurtrières.
La plus célèbre, Velma Kelly, a perpétré
un double meurtre (sa soeur et son mari). Billy Flynn, avocat marron
toujours en quête d'affaires juteuses, accepte de défendre
Roxie, ce qui suscite la jalousie de Velma...
1.
Voici un film agréable, sympathique, voire intéressant.
Oui, oui, j'assume ma fougue et je m'explique.
Il est vrai que je redoutais légèrement de subir 2 heures de musiques
ininterrompues, et puis dans l'inconscient collectif, les comédies musicales
peuvent rimer avec un certain niveau de ringardise.
Mais en fait, le film est agréable à regarder et à écouter. Jeux de
lumière, jeux des caméras, changements de style, de rythme. Oui, nous
sommes dans le monde du spectacle. Ca va vite, fort, c'est relevé. Bien
sûr, le revers a sa médaille, nos yeux sont parfois à la limite
de la saturation (quand il faut regarder les scènes et lire la traduction),
sans toute fois atteindre la nausée lacrimale. Je conseille donc aux
futurs spectateurs de ne pas se mettre au premier rang.
Je trouve aussi les chorégraphies agréables, variées et pour certaines
très réussies. Je pense ainsi aux passages de Mister Cellophane, au
jeu des marionnettes orchestré par Richard ou bien à la plaidoirie du
tribunal. Je serai pratiquement prêt à revoir ce film rien que pour
étudier cet aspect, et si un visiteur de site avait les capacités d'y
apporter un regard éclairé, je serai ravi de lire sa critique.
La musique en elle même, sans être un dingue de ce genre, passe bien
et n'est pas trop lourde. Je me suis même parfois surpris à tapoter
légèrement mon siège.
Une mention spéciale au texte de certaines chansons. L'argot est omniprésent
et certaines expressions méritent d'être retenues (j'ai d'ailleurs déjà
tout oublié, merde alors). Il est parfois difficile d'écouter, de traduire,
de lire la traduction, de se rendre compte que ça rime en anglais et
que c'est drôle mais ça vaut le coup.
J'ai également trouvé ce film sympathique, ouiouioui. Tout d'abord,
j'ai souvent souri et presque ri. De plus le jeu d'acteur est bien tenu.
Je trouve que la petite blonde joue bien le rôle du gentil, mais bête
papillon attiré par les lumières. Elle ne montre une certaine intelligence
que lorsqu'elle sent son rêve s'éloigner, et ses réflexes de survie
sont alors logiquement brusques et froids.
La brune, j'ai nommmmméééé Katia (et oui, c'est le show bizzz), joue
aussi un rôle " sympathique ". Tout d'abord starlette, attractive et
immondément supérieure aux autres filles, elle montre comment il est
rapide de sombrer derrière les rideaux (de fer et de strass). Son numéro,
où elle présente son projet à blondine, est d'ailleurs bien mené. En
effet, assez finement, on voit que la lumière ne lui va plus aussi bien,
qu'elle n'est plus vraiment sexy mais bientôt vulgaire et que son numéro
ne fait plus partie des succés de Chicago mais est plutôt le futur d'un
numéro mi-strip mi-déhanchement d'un bar à whisky yankee.
Enfin, le bô Richard. Et bien oui, mister Colgate m'a agréablement surpris.
J'ai eu un peu peur au tout début, car lors de la première scène,
il ne cesse d'afficher son smile intemporel et il danse vraiment comme
un pingouin. Et puis, tout est devenu plus fluide, une certaine alchimie
s'est opérée. On pourrait appeler cela, la magie des porte-chaussettes.
Il arrive à se mettre en danger sans nier totalement ce qui fait ses
caractéristiques propres (très lourdes au demeurant), et je trouve que
cela rajoute à la légitimité de son rôle. Cher Laurent, j'aimerais d'ailleurs
tant lire une critique sur le procés de ce film. Grosso modo, à mes
yeux, il a déjà joué ce rôle, à savoir il a déjà été l'avocat d'une
personne impliquée dans un meurtre (certes, avant il toujours volé au
secours des opprimés) et il a souvent fait appel aux sentiments des
jurés pour obtenir la non culpabilité de son client. Ici, il tire les
mêmes ficelles et se fout éperdument de la vérité. C'est une plaidoirie-show
qui aboutit à la libération de l'accusée. Ainsi, ne montre-t-il pas
les défaillances des autres films, mettant bien souvent en avant la
subjectivité plus que les faits ? Moi, j'ai trouvé cela plutôt intéressant.
Enfin, dernier aspect intéressant, le film montre une ambiance crue,
pleine de vie et de violence d'une Amérique des années trente et du
rôle des médias (déjà ?). Seulement, je ne connais pas suffisamment
cette partie de l'histoire pour dire où le faux commence à trop se séparer
du vrai.
Pour clore, je conseille ce film aux autres, car je l'ai trouvé agréable,
sympathique et, sous certains angles, intéressant.
Mikaël
L., Vu à Lyon Bellecour, le 8 mars 2003
2.
Mikaël L. a déjà évoqué l'aspect " déjanté " du film pour les plans,
les mises en scène (hors chorégraphiques autant que chorégraphiques)
les couleurs, la lumière etc… ce sont, paraît-il, des " stratagèmes
" abusifs et ils ont été largement critiqués.
Pour ma part, je n'ai pas été perturbée, au contraire. Je fais partie
des spectateurs imbéciles dont parle VinCy dans " Ecran Noir " je suis
donc une imbécile heureuse et ravie de l'assumer.
A mon avis, il y a autre chose à se mettre sous la dent, à commencer
par la dérision " folle-dingue " de la sempiternelle scène judiciaire
dans le ciné américain.( Mikaël L. en parle) je reviens seulement sur
un point : les spécialistes de la danse de claquettes n'y trouveront
certainement pas leur compte. Rob Marshall avait évidemment la possibilité
de " truquer " et de proposer une " perfect dance " mais…installée dans
la dérision je me sens à l'aise dans son choix. C'est une comédie musicale,
ambiance " Cotton Club " et j'ai bien aimé la façon dont ce style
a été détourné.
Danny Elfman a même réussi à se faire discret pour la musique de film
( offf , oufff ).
Je recommande les mille et un clins d'ouïe autant que d'œil ( Mikaël
L. a raison : pour le confort des yeux, mieux vaut se mettre au fond
de la salle… Laurent serait malheureux !!!)
Un exemple auditif : - Le bruitage de la goutte d'eau qui tombe du robinet
dans l'univers carcéral : tout le monde sait que c'est un cliché, là
n'est pas l'intérêt de la séquence.
Cet " objet sonore " s'enrichit dans une polyphonie rythmique désopilante
(à condition de l'entendre au second degré… pour moi nous sommes une
fois de plus dans la dérision) prélude à des chorégraphies sauvages
dans leur esthétique, qui s'acharnent à être réglées au " compte-gouttes…
millimétré " chantées par les six criminelles (déconnade / nection…)
On est en droit de penser que ce procédé sonore est facile mais la démence
qui s'affiche dans les enchaînements audio-visuels m'a séduite.
OK c'est une Super prod… OK " pour le coup de la pendaison… " : il peut
ne pas plaire, en ce qui me concerne, il m'a plutôt donné envie de revoir
Magnolia d'Anderson… et on peut alimenter à l'infini la litanie, je
m'en remets à une vision plaisante.
PS à l'égard de Mikaël L. : Finalement, je suis assez d'accord avec
sa conception de la vulgarité dans le film. Je n'ai pas réussi à capter
les rimes dans les chansons, film à revoir ?
Brigitte
Boëdec Lyon, mars 2003
3.
Chicago, comédie musicale de Rob Marshall, c'est une vieille
histoire. Ce film a pour origine une pièce à succès
de Maurine Watkins, adaptée en 1927 par Frank Urson (un film
muet). En 1941, William Wellman tourna une nouvelle version appelée
Roxie Hart, écrite par Nunally Johnson et Ben Hecht, avec
dans le rôle-titre Ginger Rogers accompagnée par Adolphe
Menjou en Billy Flynn lyrique et survolté. Cette comédie
satirique réjouissante, parfois un peu "lourde", connut
une brillante carrière commerciale à l'époque.
Sa principale qualité (à mon avis) est qu'elle tournait
en dérision le système judiciaire américain au
cours d'un procès qui est une de ses scènes clés.
Dans les années 70, Bob Fosse en fit un spectacle de music-hall
(il y avait déjà quelques morceaux dansés dans
le film de 1941). C'est ce spectacle (tout aussi célèbre)
que Rob Marshall, venu de Broadway, a décidé d'adapter
pour le grand écran tout en reprenant (parfois très fidèlement),
certaines lignes du scénario de Hecht et Johnson, supprimant
certains personnages (le journaliste) et gonflant l'importance d'autres
(Velma).
Ayant une certaine tendresse pour le film de Wellman, je ne suis peut-être
pas très objectif vis-à vis de Chicago, et j'ai
passé une bonne partie du film à comparer les deux versions.
Mais je vais essayer de rassembler mes impressions en me focalisant
sur les qualités et les défauts de la version récente.
Je garderai les comparaisons pour la fin.
Tout d'abord, la comédie musicale : j'ai été dans
l'ensemble déçu. Sur le plan esthétique, Chicago
m'a fait regretter Moulin Rouge (que je
n'avais pourtant pas défendu avec ferveur sur le forum) : ici
les costumes, censés dévoiler la chair qui se libérait
dans les années trente, sont d'une rare laideur (dans le genre
paillettes-cuir-sado-maso) ; les numéros dansés sont inégaux
(on nous refait pour la cent millième fois le coup du Diamonds
Are the Girls' Best Friends), et le chorégraphe confond souvent
le cadre avec un fourre-tout bordélique ou (plus souvent) une
revue du Lido. Restent quelques bons moments : la première chanson
de Roxie sur son mari, et peut-être le duo final, énergique
et pétillant.
Un petit mot sur les acteurs : tout ce qu'a dit Mikaël sur Richard
Gere est juste, sauf que je n'ai pas vu chez lui une quelconque évolution
au cours du film. 60 ans après, Richard Gere n'arrive pas à
la cheville d'Adolphe Menjou (en concédant que ce dernier en
faisait aussi des tonnes) et s'avère particulièrement
fâlot et inexpressif, visiblement peu à l'aise dans les
chorégraphies et dans l'exercice du chant, ce qui pose tout de
même un grave problème dans une comédie musicale.
Où alors fallait-il faire dans l'autoparodie totale. Les femmes
elles s'en tirent plutôt bien (Catherine Zeta-Jones, tout en force
- un peu trop ? - joue les musclors des pistes de danse, et Catherine
Zellwegger, un peu moins énergique, balade son charmant minois
)...
Mais le reproche majeur que je ferai au film lui-même est lié
à ce traitement de la comédie musicale : a force de frénésie
et d'outrance, les numéros s'enchaînent beaucoup trop vite
pour que l'on s'intéresse un tant soit peu à l'histoire.
En définitive, on est plus face à du Music-Hall filmé
plutôt que du cinéma. Par ailleurs, l'outrance des personnages,
qui était une caractéristiques de la pièce et du
film d'origine, s'accommodent assez mal du cinéma du 21ème
siècle.
Quant à l'aspect subversif du film dans la représentation
du procès, c'est un sujet intéressant, même passionnant.
Mikaël a noté que le film mettait en avant la subjectivité
d'un procès, au détriment de l'examen strict des faits.
C'est tout à fait juste et c'est un des grands thèmes
du film judiciaire hollywoodien. On aurait tort de croire que l'image
de la justice que véhicule Hollywood soit celle d'un mécanisme
parfait et bien rôdé. Bien sûr, il est rare que les
innocents soient condamnés à tort. Mais, mais, le procès
hollywoodien a toujours été une affaire de manipulation
dont l'avocat est souvent un des grands ordonnateurs (Souvenons nous
du génial Autopsie d'un meurtre de Preminger). Ce dernier
a toujours oscillé entre le cynisme absolu et l'angélisme
le plus total, à la fois héros et salaud, sans qu'on puisse
vraiment distinguer l'un de l'autre. Un des plus beaux personnages d'avocats
du cinéma récent est sans doute celui de The
Barber, extraordinaire maître de marionnettes (comme Gere
ici). Quant à ce cher Richard, en effet il a déjà
joué ce type de rôle : mais déjà dans Peur
Primale, son personnage restait très ambigu : séducteur
et cynique, il évoluait au cours du film pour devenir un héros
un peu plus pur, avant de se faire berner par son propre client.
Il n'y a donc dans le ton du film rien de bien innovant ici, même
s'il est vrai que la satire est particulièrement féroce
: mais là encore, cette attitude n'a rien de moderne ni d'original,
car le cynisme ambiant était déjà présent
dans la pièce et le film de 1941.
Un petit plus tout de même : avec le numéro de claquettes,
la manipulation verbale est ici élevée au rang d'art,
à défaut de permettre d'atteindre la vérité.
Je regrette cependant la réalisation très maladroite de
cette séquence.**
Enfin, dans l'ensemble la mise en scène du procès me semble
un peu grossière et pas très réussie. J'avais apprécié
la façon dont Lars Von trier s'était approprié
les murs étriqués du tribunal dans Dancer
in the Dark pour y développer une danse tragi-comique, fantasme
de l'héroïne. Ici, Rob Marshall refuse d'utiliser les éléments
de la salle d'audience et met en parallèle deux décors,
l'un imaginaire et l'autre réel. Le premier est une piste de
cirque où s'entassent pêle-mêle trapézistes,
animaux, jongleurs, et ne ressemble plus vraiment à un tribunal.
Le second est tout à fait conforme aux canons du genre : jurés,
juge, table des accusés, journalistes... Le film se contente
de les mettre en parallèle, ce qui est lourd et gâche totalement
le rythme et le suspense qu'on pouvait légitimement attendre
d'un procès.
Dommage aussi que l'on ne se soit pas intéressé plus aux
jurés, qui étaient source de comique dans le film de Wellman
et qui sont quasiment absents du film de Marshall. Le procès
est sous-traité dans son rôle dramatique : à part
Flynn et Roxie, les autres protagonistes n'existent pas. Masqué
par la musique, Le dialogue est quasiment absent, ce qui est un comble
; on est privé des très bons jeux de mots du script original,
et du jonglage des personnages avec le vocabulaire judiciaire. Les effets
de manche de l'avocat vieille école disparaissent ici au milieu
de changements de plans incessants.
Sur un autre point, je ne peux m'empêcher aussi de rendre à
César ce qui est à César, à savoir quelques
"trouvailles" de Chicago qui se trouvaient déjà
dans Roxie Hart :
- l'annonce du verdict par journaux interposés
- le dialogue entre le mari et l'avocat (identiques à celui de
1941) : "quand vous êtes venu me voir vous ai-je demandé
: 'est-elle innocente ou coupable ?' Non, je vous Je vous ai demandé
: 'avez-vous 5000 dollars ?"
- Les décorateurs du film ont fait un clin d'oeil à Roxie
Hart en reprenant l'arche qui domine le fauteuil du juge.
- Le problème de la culpabilité de Roxie, qui restait
non résolu dans le film de W, est vite évacué ici,
ce qui prive d'un élément de suspense intéressant.
- Manque aussi la réaction des parents de Roxie, qui, quand on
leur annonce qu'elle risque la corde, répondent que cela ne les
étonne pas du tout et continuent à se balancer tranquillement
dans leurs rocking-chairs.
Bon je m'arrête, encore une fois désolé pour ces
comparaisons qui paraîtront un peu lourdes à ceux qui n'ont
pas vu le film de Wellman... Mais, après tout, Chicago est une
sorte de remake.
Pour finir, si je peux me permettre de tenter de répondre à
la question de Mikaël sur l'attitude des médias réels
à l'époque, je dirai que la presse écrite des années
trente était aussi frénétique que le décrit
le film : la montée du crime organisé et la guerre des
gangs des grandes métropoles (Chicago, New York) faisaient la
une des journaux ; certains grands criminels raffolaient des interviews
et se voyaient obtenir de pleines pages où ils exprimaient leurs
points de vue sur la société américaine... Par
ailleurs des magnats de la presse comme W. R. Hearst avaient des liens
avec les gangsters. Cet ensemble aboutit à donner des criminels
comme Al Capone une image mythique. Quant aux avocats, ils jouissaient
d'une assez mauvaise réputation à une période ou
le crime organisé faisait régner la terreur et se jouait
facilement des procédures grâce aux juristes marrons. Ajoutons
quand même que Billy Flynn n'est pas présenté dans
Chicago comme un avocat de la pègre. il aime surtout les
belles femmes et la notoriété.
Un dernier mot : si vous aimez les procès au cinéma, quelques
uns sont évoqués ou décortiqués sur le site
: Crimes et pouvoir, The
Barber
Laurent
Goualle, vu à Pau en 2003
*La scène
est un pauvre clin d'oeil à une scène du génial
Cotton Club construite sur le même principe : montage parallèle
entre un splendide numéro de claquettes de Gregory Hines et une
scène de meurtre. Dans le film de Coppola, Richard Gere se contentait
de jouer de la trompette !
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