4.
Le cauchemar de l'Amérique
Cassandre: "Je vois un désastre. Je vois une catastrophe. Pire, je
vois des avocats!"
Maudite Aphrodite (1995)
Le cynisme n'est qu'une caractéristique parmi d'autres chez cette ultime
et sinistre incarnation de l'avocat. Le procureur sadique fait souvent
office de repoussoir dans les procès, mais l'avocat possède bien d'autres
défauts, dont le premier est peut être l'absence totale de scrupules.
Si l'on range parmi les shysters l'avocat déçu ayant gardé une étincelle
d'humanité, un autre tout aussi corrompu se pose moins de questions :
conseiller juridique de gangsters, rompu à toutes les astuces de procédure,
il utilise à merveille ses dons d'acteur ou sa connaissance du droit pour
faire libérer ses "amis" ou leurs acolytes, comme dans Le carrefour
de la mort d'Henry Hathaway (1947). Il a découvert peu à peu qu'on
ne peut survivre qu'en se rangeant du côté des nouveaux gagnants du système
: ceux qui en profitent. Dans Femmes marquées de Lloyd Bacon (1937),
l'avocat cultive une ressemblance physique et vestimentaire avec son client,
le gangster Vanning, symptomatique de la collusion des avocats avec la
pègre : on ne fait plus la différence entre le juriste et le bandit.
Outre sa propension à l'avilissement, l'avocat a bien d'autres défauts
: le lawyer n'est-il pas, par nature, un liar (menteur) invétéré ? C'est
en tout cas ce qu'insinue la comédie de Tom Shadyac Menteur menteur,
interprétée par Jim Carrey en 1997. Il peut aussi se montrer mesquin et
incapable, comme le défenseur de Barbara Graham dans Je veux vivre
! (Robert Wise, 1958), persécuteur infirme dans La dame de Shangaï
(Orson Welles, 1948). De même, son extrême lâcheté lui vaut de finir dans
l'estomac du tyrannosaure de Jurassic Park ! Parfois c'est le conseiller
du héros lui-même qui rend la vie impossible à son client. Dans un sketch
cauchemardesque de Ziegfeld Folies, Vincente Minnelli nous explique
comment les avis d'un avocat obsédé par les plaidoiries peuvent se retourner
contre son propre client. Walter Matthau interprète un personnage semblable
dans La grande combine de Billy Wilder, obligeant son beau-frère,
victime d'un accident, à simuler la paralysie pour toucher des dommages
et intérêts. Le juré amateur de base-ball de Douze hommes en colère
se plaint lui aussi d'avoir un beau-frère avocat. Procédurier, spécialisé
dans la récupération de dommages et intérêts, il est souvent représenté
comme la lie de la profession.
L'avocat est alors rendu responsable de l'inflation des procès et des
litiges portés en justice. Même Denzel Washington, exemplaire dans Philadelphia,
est avant tout un parfait "chasseur d'ambulances" (ambulance chaser),
prêt à accepter n'importe quelle affaire pourvu qu'elle lui rapporte de
l'argent. Enfin, la figure la plus extrême n'est-elle pas le Diable en
personne, qui a choisi ce métier pour répandre le Mal ? Le costume d'avocat
est celui qui sied le mieux au Malin : faire acquitter les coupables et
les meurtriers fait partie de son travail, comme le démontre le scénario
de L'associé du diable.
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