Bacri for ever
Le nouveau Jaoui se déguste comme un bon cru. Le film propose une variation
moderne du misanthrope servi par un Bacri au sommet de son art. L'histoire
présente en effet des itinéraires qui vont se croiser, se heurter. Au
centre du système, Bacri incarne un écrivain, éditeur célèbre et égocentrique.
L'homme ressemble à Alceste et à Don Juan dans la mesure où il ne peut
s'empêcher de dire ce qu'il pense sans se soucier de l'effet de ces paroles
sur son entourage. Il s'abstient de toute règle élémentaire de sociabilité.
Il vit pour lui, même si à la différence des personnages de Molière il
n'a pas consciemment choisi cette voie. Il ne maîtrise pas on caractère.
Et force est de constater que le personnage est jouissif. Il incarne le
niveau zéro de la psychologie, multipliant les maladresses, blessant,
tourmentant. Il fascine car il révèle la part de liberté extrême qui sommeille
en nous. Et en même temps il apitoie car c'est un homme qui se sent vieillir,
qui se sent décliner et qui recherche dans sa contemplation des raisons
d'espérer. Et si nous pouvions nous libérer de nos contingences sociales
? Autour de ce maelström gravite une galerie de personnages en crise.
D'abord la fille de Bacri qui assume mal son physique et surtout son héritage.
Son drame est d'arriver à faire confiance à ses amis : sont-ils là pour
elle ou simplement pour approcher son père ? Marilou Berry s'en sort à
merveille dans cette quête de son identité et de modèle. Agnès Jaoui,
plus en retrait, devient la "mère" spirituelle de cette petite en perdition.
Elle observe quasi étonnée la décomposition de ce petit monde où sombre
son mari et son couple. Film ironique donc, film cynique sur la quête
de soi.
Hervé L.
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