1. L'ombre du guerrier
L'Histoire du Japon revue à la sauce hollywoodienne, le projet avait
de quoi laisser sceptique. Confier le projet au réalisateur du dérangeant
Couvre Feu, porté par Tom Cruise qui depuis Eyes
wide Shut a singulièrement amélioré ses choix, le film partait sur
de meilleures bases confirmées par la mise en scène. C'est avec surprise
que j'ai découvert une grosse production intelligente, subtile et épique.
Première force, le scénario. Le regard sur les Etats Unis malades de
leur propre violence, bourreau de la nation indienne est sans concessions.
Le message est très vindicatif et dresse un portrait au vitriol de la
"la plus grande démocratie" partie détruire une culture pour satisfaire
ses intérêts financiers (thème d'actualité….). L'âpreté du discours
surprend, étonne par sa lucidité. Le combat final est porteur de sens
: il montre l'atrocité de cette politique au travers de japonais dressés
les uns contre les autres. Tom Cruise est lumineux d'émotion et de justesse
dans la peau de cet officier tueur d'indiens devenu héros malgré lui
et sa conscience. Sa rencontre avec l'âme ancestrale japonaise lui permet
de se reconstruire, de trouver chez l'Autre son image (syndrome très
américain). Le film brille égalementnpar sa précision historique. Zwick
cerne avec talent ce Japon de l'ère Meiji qui en 20 ans passe d'une
nation médiévale à un Etat moderne. Il présente le choc psychologique
et le conflit indépassable entre le monde des samouraïs et celui des
capitalistes. La grande bataille finale est dramatique : mort d'une
société, survie des valeurs du bushido. Toutes les contradictions du
Japon rejaillissent : mélange de modernité et d'éthique guerrière et
de sens de l'honneur poussé à son paroxysme. Dernier point : les combats.
L'affrontement final est un hommage à peine caché au Ran de Kurosawa.
Les batailles sont extrêmement bien filmées et réalistes. Citons la
charge des samouraïs à travers le brouillard (dans une tradition wagnérienne)
ou l'attaque des ninjas réellement impressionnante tant au niveau visuel
qu'émotionnel. Reste quelques effets hollywoodiens (le héros survit)
pour relativiser la qualité du film. Grande réussite qui honore la voie
du samouraï.
Hervé
L.
2. L'ombre
d'un film
Le film que nous décrit Hervé est bel et bien celui qu'on
aurait aimé voir à l'écran. En effet, la plupart
des thèmes abordés sont passionnants, la mise en scène
est dans l'ensemble réussie et certains combats haletants. Hélas,
on est quand même très loin d'une fresque historique originale
et d'une vision hollywoodienne inédite sur la culture japonaise.
En effet le film surfe sur la vague de l'engouement pour l'Asie et s'empare
du thème rebattu des samouraïs, sans jamais vraiment dépasser
les clichés sur les guerriers japonais. Par ailleurs, cette manie
très hollywoodienne d'essayer de décrypter une autre culture
à travers un héros bien académique est aussi particulièrement
irritante. Si on ajoute l'étouffante omniprésence de Tom
Cruise, qui envahit et phagocyte chaque scène, dominant les autres
samouraïs au combat, séduisant la belle japonaise en passant,
donnant de belles leçons tactiques à tout le monde, puis
sauvant le Japon politiquement sur la fin. C'est tout de même
assez insupportable, tant sur le plan du récit que du discours
sous-jacent : on condamne en apparence l'intervention cynique des Américains,
mais dans le fond, ce sont bien leurs valeurs qui triomphent : un petit
bain d'occident, représenté par le héros Cruise,
ne ferait pas de mal à nos amis japonais incapables de se dépétrer
de leur passé sans sombrer politiquement. Ne nous voilons pas
la face : ce film nous en dit plus sur un certain discours idéologique
véhiculé par Hollywood que sur le Japon de l'ère
Meiji, même si, je l'accorde, on suit sans déplaisir les
belles scènes de combat et si l'historien pourra parfois y trouver
son compte.
Laurent
G.
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