Le dernier samouraï
(The Last Samourai)
Etats-Unis
Réalisateur : Edward Zwick
Année : 2004
Avec : Tom Cruise, Billy Connolly, Tony Goldwyn

 


1. L'ombre du guerrier
L'Histoire du Japon revue à la sauce hollywoodienne, le projet avait de quoi laisser sceptique. Confier le projet au réalisateur du dérangeant Couvre Feu, porté par Tom Cruise qui depuis Eyes wide Shut a singulièrement amélioré ses choix, le film partait sur de meilleures bases confirmées par la mise en scène. C'est avec surprise que j'ai découvert une grosse production intelligente, subtile et épique. Première force, le scénario. Le regard sur les Etats Unis malades de leur propre violence, bourreau de la nation indienne est sans concessions. Le message est très vindicatif et dresse un portrait au vitriol de la "la plus grande démocratie" partie détruire une culture pour satisfaire ses intérêts financiers (thème d'actualité….). L'âpreté du discours surprend, étonne par sa lucidité. Le combat final est porteur de sens : il montre l'atrocité de cette politique au travers de japonais dressés les uns contre les autres. Tom Cruise est lumineux d'émotion et de justesse dans la peau de cet officier tueur d'indiens devenu héros malgré lui et sa conscience. Sa rencontre avec l'âme ancestrale japonaise lui permet de se reconstruire, de trouver chez l'Autre son image (syndrome très américain). Le film brille égalementnpar sa précision historique. Zwick cerne avec talent ce Japon de l'ère Meiji qui en 20 ans passe d'une nation médiévale à un Etat moderne. Il présente le choc psychologique et le conflit indépassable entre le monde des samouraïs et celui des capitalistes. La grande bataille finale est dramatique : mort d'une société, survie des valeurs du bushido. Toutes les contradictions du Japon rejaillissent : mélange de modernité et d'éthique guerrière et de sens de l'honneur poussé à son paroxysme. Dernier point : les combats. L'affrontement final est un hommage à peine caché au Ran de Kurosawa. Les batailles sont extrêmement bien filmées et réalistes. Citons la charge des samouraïs à travers le brouillard (dans une tradition wagnérienne) ou l'attaque des ninjas réellement impressionnante tant au niveau visuel qu'émotionnel. Reste quelques effets hollywoodiens (le héros survit) pour relativiser la qualité du film. Grande réussite qui honore la voie du samouraï.

Hervé L.


2. L'ombre d'un film
Le film que nous décrit Hervé est bel et bien celui qu'on aurait aimé voir à l'écran. En effet, la plupart des thèmes abordés sont passionnants, la mise en scène est dans l'ensemble réussie et certains combats haletants. Hélas, on est quand même très loin d'une fresque historique originale et d'une vision hollywoodienne inédite sur la culture japonaise. En effet le film surfe sur la vague de l'engouement pour l'Asie et s'empare du thème rebattu des samouraïs, sans jamais vraiment dépasser les clichés sur les guerriers japonais. Par ailleurs, cette manie très hollywoodienne d'essayer de décrypter une autre culture à travers un héros bien académique est aussi particulièrement irritante. Si on ajoute l'étouffante omniprésence de Tom Cruise, qui envahit et phagocyte chaque scène, dominant les autres samouraïs au combat, séduisant la belle japonaise en passant, donnant de belles leçons tactiques à tout le monde, puis sauvant le Japon politiquement sur la fin. C'est tout de même assez insupportable, tant sur le plan du récit que du discours sous-jacent : on condamne en apparence l'intervention cynique des Américains, mais dans le fond, ce sont bien leurs valeurs qui triomphent : un petit bain d'occident, représenté par le héros Cruise, ne ferait pas de mal à nos amis japonais incapables de se dépétrer de leur passé sans sombrer politiquement. Ne nous voilons pas la face : ce film nous en dit plus sur un certain discours idéologique véhiculé par Hollywood que sur le Japon de l'ère Meiji, même si, je l'accorde, on suit sans déplaisir les belles scènes de combat et si l'historien pourra parfois y trouver son compte.

Laurent G.

 

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