El Bola
(La Boule)
Espagne
2001
Réal. : Achero Mañas
Musique : Eduaro Arbide
Interprètes : Pablo dit "el bola" : Juan José Ballesta
Alfredo : Pablo Galan
Le père de Pablo : Manuel moron
Le père d'Alfredo : Alberto Jimenes.
Les interprètes adultes viennent du théâtre et les enfants ont été choisis parmi les enfants de la rue.
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Ce film a obtenu 4 Goyas (équivalents des Césars français) ainsi que l'European Awards 2001 (Prix de la découverte européenne de l'année)
Il s'agit du 1er long métrage du jeune réalisateur Achero Mañas (34 ans au moment du tournage).


pistes musicales
Le thème de la mort et du deuil


SYNOPSIS
Pablo (appelé El Bola) est un pré-adolescent que nous découvrons dans l'univers qu'il fréquente : le long de la voie ferrée avec le risque de la mort, dans sa classe à l'école où il apparaît comme un élève plutôt sage, dans la quincaillerie de son père ( froideur et indifférence de ce dernier à l'égard de l'enfant) dans l'appartement familial qui semble sans histoire (mais nous sentons déjà une tension psychologique). La situation sociale et familiale de Pablo semble sans histoire en début de film. Arrivée d'Alfredo : il arrive dans la classe en cours d'année, plus grand physiquement que ses camarades, il semble en retard. Il s'isole dans la cour de récréation, fume des cigarettes et semble appartenir à une famille éclatée. Dés l'arrivée d'Alfredo, le paradoxe s'installe : Pablo découvre un autre vécu familial chez son ami : amour, dialogue, respect des autres et de leurs différences. Cette confrontation avec son propre milieu familial va bouleverser la façon dont Pablo a jusqu'à présent appréhendé sa vie, le mener à la révolte ouverte contre son père, pour gagner sa liberté.

ANALYSE (Ce film existe en DVD mais introuvable en France à l'heure actuelle.)
Cette analyse tente de ne pas totalement divulguer la fin du film qui n'est que progression dramatique.
*Il s'agit d'un film réaliste qui, de manière paradoxale est construit sur un art de la suggestion parfaitement maîtrisé. Le réalisateur nous conduit sans cesse sur de fausses pistes et nous découvrons à chaque tournant du film que nous nous sommes trompés.
Il en est ainsi pour les vies familiales des deux enfants, dans leurs intimités qui ne sont pas ce qu'elles semblent être et qui ne sont pas non plus ce qu'elles donnent à voir d'un point de vue extérieur. Jusqu'à la fin Mañas soutient le suspens, la dramatisation va crescendo, ne tombe jamais dans le " larmoyant " ni dans le manichéisme et la scène finale (Pablo établit sa déposition au poste de police) est d'une sobriété insoutenable.

*Une histoire d'amitié :
Une amitié authentique s'installe entre Pablo et Alfredo qui sont aux antipodes sur les questions fondamentales de la vie et de la mort. Ce film traite aussi de l'amitié entre adultes (dans la famille d'Alfredo) et de la rencontre avec la mort des amis chers.

*Cependant, Manãs nous dit lui même qu'il a voulu faire un film sur le drame urbain, sur la maltraitance des enfants, sur la confrontation et les interactions entre les milieux culturels.

*D'autres thèmes très forts sont récurrents dans le film :
*la violence psychique cachée, la violence physique dans la famille de Pablo s'oppose à l'ouverture d'esprit et l'acceptation des différences dans la famille d'Alfredo.
*Le thème de la mort qui se conjugue au passé (le frère de Pablo), au présent (la mort de Félix) au futur (le jeu des enfants sur la voie ferrée). Enfin il ne faut pas omettre le long passage poétique et philosophique entre les deux enfants dont la conception de la vie et de la mort sont en totale opposition.
Omniprésente dans le film, la mort constitue un leitmotiv qui revient sans cesse (récurrence des scènes avec le train). Dès le début, le spectateur est persuadé que c'est là que se déroulera le drame et le film s'achève sur ce leitmotiv visuel qui est celui du générique du début. Ce leitmotiv visuel est nourri par un leitmotiv musical digne d'intérêt : il faut souligner la sobriété musicale de ce film et c'est une marque de richesse. La musique est cependant beaucoup plus présente que ce que l'on perçoit d'elle parce qu'elle n'alourdit jamais et ne fait pas redondance. Elle fait tout simplement partie de l'ossature du film, en outre elle contribue largement à une interprétation possible de la fin du film.

Dans la 1ère partie du film, le drame véritable nous est inconnu alors que nous sommes persuadés que nous le connaissons, le réalisateur nous entraîne déjà sur une fausse piste : les rails de la voie ferrée (qui sont cependant d'une violence extrême).
Manãs nous empêche sans cesse toute tendance à des jugements moraux hâtifs sur ses personnages.
- Ainsi en est il de la famille de Pablo, elle semble conventionnelle et sans histoire, par petites touches de détails (scènes avec la grand mère) nous sommes confrontés à une chape de plomb psychologique qui évolue dans le film.
- Chez Alfredo, non seulement nous pensons dans un 1er temps qu'il s'agit d'une famille à problème (mono parentale : la mère apparaît seule) puis le père est seul et parle avec une sorte d'ambiguïté de ses amis homosexuels. Alfredo vit, en réalité dans un monde d'amour, de dialogues, ouvert sur l'extérieur (les parents ont des amis) tandis que la famille de Pablo est complètement repliée sur elle même. Pablo lui même est enfermé au sens matériel (portes fermées) et fermé dans son psychisme comme tous les enfants battus car sa souffrance n'est pas racontable.

LE SYMBOLE de la boule :
Pablo dit qu'elle lui porte chance, elle est en réalité le symbole de son enfermement dans la sphère familiale qui n'a pas fait le deuil du fils ainé.
L'attitude du père de Pablo, sa brutalité d'homme omnipotent ne supporte aucune complaisance de la part du spectateur, cependant, la finesse du réalisateur consiste à éviter tout manichéisme, cette finesse s'exerce donc à l'égard du père brutal.
Manãs refuse délibérément d'opposer le " bon " père au " mauvais " père. Même si tout au long du film, le père d'Alfredo transporte l'image paternelle positive, il ne tient pas sa promesse à Pablo et gifle son fils.
Quant au père de Pablo, son image est transfigurée quand on comprend son drame, la douleur vive dont il n'a pas pu faire le deuil, ses tremblements et son attitude désemparée dans la voiture, quand il part à la recherche de son fils.

D'autres thèmes sont traités dans le film :
La réalité inéluctable du sida
L'homosexualité, la marginalisation.
La faiblesse du système social dans son aide à l'humain ( on peut penser à l'assistante sociale dans " My name is Joe " de K.Loach)
Les thèmes traités sont tous très forts et dépassent largement les frontières espagnoles comme le dit lui même Manãs : "El Bola est un film sur le drame urbain qui pourrait se déouler dans n'importe quel pays" (propos du réalisateur extrait du dossier de presse, document Les Films du Safran)

En conclusion Je citerai Raoul Rodriguez dans le dossier de l'AcrirA : "Le regard de Manãs nous renvoie à une réflexion sur notre propre enfance et aux marques qu'elle a pu laisser en nous."

PLAN DES PISTES MUSICALES ET DE LEUR INTERPRETATION : dans la rubrique l'univers sonore au cinéma

BB, octobre 2003 .


 

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