Ce film a été
une surprise pour moi (quelqu'un se reconnaîtra parmi les familiers
du site). Cet été, on me l'a recommandé et depuis je voulais le voir.
Je ne savais pas à quoi m'attendre et pourtant je partais avec un préjugé
positif. Le meilleur moyen pour être déçue ou du moins sortir avec moins
d'enthousiasme que lorsqu'on est rentré. - Quatre lignes sans un
mot sur le film de Gondry : parler du cinéma, serait-ce une occasion
pour parler de soi ?- Derrière ce très beau titre, qui nous est
heureusement parvenu en anglais, il y a l'histoire de Joel et Clementine
qui s'aiment et se souviennent s'être aimés dans une chronologie et
un espace complètement déstructurés, c'est donc une histoire d'amour
et de mémoire ou plutôt de lutte contre l'oubli.
Pour oublier les complications de leur idylle passionnée, Clementine
(Kate Winslet) demande les services d'un cabinet médical mystérieux
qui pénètre la mémoire des gens et y efface des personnes ou des événements.
Meurtri par cette décision et leur rupture, Joel (Jim Carrey), sans
esprit vengeur, fait appel aux mêmes services, un docteur fait le diagnostic
de ses souvenirs. Alors qu'il est endormi, une équipe s'immisce dans
son appartement avant de commencer à effacer de sa mémoire tous les
moments passés avec Clementine. Mais à mesure que les images, comme
des diapositives lumineuses, s'enchaînent, Joel prend conscience de
l'horreur d'une vie où il ne souviendrait plus d'elle. Il lutte alors
dans un état semi conscient et cherche à entraîner la jeune femme dans
des souvenirs où elle n'apparaissait pas et ainsi à brouiller les pistes…
C'est une course folle et douloureuse que Michel Gondry mène d'une façon
très efficace. Les images sont ici des retours ou des créations dans
l'imagination au sens propre, la photographie est éclatante et les couleurs
surprenantes (notamment dans les cheveux de Clementine). Le réalisateur
fait s'effondrer des murs, disparaître les traits des visages, on entend
plus les bruits ou les voix qui symbolisaient un moment ; Clementine
disparaît pour être retrouvée de justesse sous un drap ou sur une plage.
Les souvenirs de Joel s'évanouissent et s'envolent dans l'urgence :
l'urgence de remplir leur mission pour l'équipe des "oublieurs" et celle
de s'enfuir et de se réveiller pour l' "oubliant" Joel et l' "oubliée"
Clementine. La bande son (superbe Everybody's gotta learn sometimes
par Beck) et le montage renforcent cette impression du spectateur. Les
acteurs, aussi déjantés que le temps, sont dans cette urgence comme
dans l'émotion très touchants. Jim Carrey semble sincère et fragile,
Kate Winslet aussi colorée qu'angélique.
C'est un film poétique comme l'est son titre, bien plus réussi que l'affiche…
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Julie
S., 2003
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