1.
Dans un petit village d'Auvergne, le documentariste Nicolas Philibert
s'est immiscé pendant quelques semaines dans la vie de la classe unique
de Mr Lopez, l'instituteur.
Comment un documentaire
qui aurait dû être programmé sur Arte à 1h 50 du matin arrive t-il
à être distribué en salle et rencontrer un tel succès ?
Pourtant point de musique tapageuse, ni rythme échevelé et encore moins
de montage tonitruant... juste Mr Lopez l'instit (pas du tout le style
Gérard Klein) et ses quelques élèves (à peine une dizaine)...des scènes
d'apprentissage de lecture, calculs...et des plans de vaches et de tempête
de neige (on est quelque part dans le Puy de Dôme).
Et dire qu'au 21ème
siècle le spectateur peut encore s'enthousiasmer et s'émouvoir d'un programme
si simple mais qui recèle pourtant d'innombrables richesses : poésie,
humour (le cinquième doigt de la main s'appelle "l'aurizontale" d'après
Jojo le petit espiègle de la classe), tendresse, psychologie (quel art
de faire parler les élèves et de les écouter), passion (il y a encore
des enseignants qui aiment leur métier et qui ne pensent pas qu'aux vacances
: voir la larme à l'oeil de Mr Lopez le dernier jour de classe, suspense
(qui va passer en sixième et donc quitter l'école ?)...et plein d'autres
bons moments...comme on les aime au cinéma sont au rendez vous.
Qu'il fait bon sortir
de la salle avec ce sentiment de quitter les personnages de l'écran avec
regret.
Message à
l'intention de l'éducation nationale : pas la peine de dépenser des budgets
colossaux pour faire des pubs niaiseuses, avec des pauv types déguisés
en superprof !!! il faut montrer Mr Lopez, il est sûrement pas labellisé
IUFM mais quelle humanité !
Marco,
vu à Lyon en 2002 moyenne d'âge des spectateurs 68 ans !!! ?
2.
Ce qui m'a le plus ému dans ce documentaire, c'est moins le message
éducatif (qui plaira pourtant aux enseignants -ou pourra générer
chez eux de riches débats) que l'humanité profonde qui se
dégage de ces portraits d'enfants en phase d'apprentissage. Qu'y
a-t-il de plus beau que ces petits hommes et ces petites femmes confrontés
à l'école, aux devoirs, à la complexité du
monde, et qui affrontent chacun à leur manière les différents
problèmes qu'ils rencontrent? La caméra de Philibert est
suffisamment discrète et
familière pour capter le naturel
de la vie de cette classe unique. On
sent une volonté de sa part de "tricher" le moins possible.
Il affirme (et on le croit volontiers) n'
avoir jamais caché la caméra aux enfants, ni "mis en
scène" les situations. Enfin, il faut le répéter,
Etre et avoir récèle des moments comiques absolument
irrésistibles, que seules l'innocence et la spontanéité
des protagonistes pouvaient provoquer ! un bain de jouvence pour tous
ceux qui aiment l'enfance, avec en filigrane un questionnement sur le
mode de fonctionnement de ces écoles uniques, petits cocons protecteurs
en voie de disparition.
Laurent Goualle,
vu à Pau en septembre 2002
3.
Quelque part en Auvergne, une petite école primaire composée d'une unique
classe où se côtoient les élèves de la maternelle au CM2, enfants d'agriculteurs
pour la plupart. A partir de ces éléments-là, il était sans doute possible
de concocter un reportage à sensation, dans la veine de ceux qui, régulièrement,
sont consacrés à l'école en banlieue. Le documentaire aurait eu pour but
de faire comprendre pourquoi et comment les enfants de la France profonde
(ou France d'en bas si l'on préfère) ne peuvent jamais tout à fait
se débarrasser des oripeaux de leurs origines sociales qui les empêchent
d'accéder à la réussite scolaire. On se prend alors à imaginer les interventions
de doctes pédagogues, éminents spécialistes des sciences de l'éducation,
repus de la prose de Bourdieu et suintants de bons sentiments, qui nous
auraient expliqué que l'école est un instrument aux mains des classes
dominantes et qu'il faudrait donc transformer radicalement l'enseignement
afin de l'adapter aux publics défavorisés (des banlieues et des campagnes).
Au lieu d'avoir à se plonger dans les Fables de La Fontaine - que
les petits Auvergnats ne sont nullement préparés à aborder - ces pauvres
hères des campagnes reculées pourraient par exemple étudier des textes
(à visée plus pratique) en relation avec la vie et les activités
de la ferme, ou mieux encore parce que plus ludique, fabriquer une maquette
de la ferme où ils vivent … On peut sans peine imaginer les élucubrations
des autres intervenants, destinées à nourrir les futures réformes de l'éducation
nationale.
Nicolas Philibert, lui, ne donne pas dans le lieu commun et le redondant.
Il ne filme pas pour illustrer ses idées, encore moins pour conforter
une idéologie ; il scrute les visages et laisse parler les images, patiemment
recueillies jour après jour dans l'intimité d'une classe. Le tableau qui
s'élabore peu à peu, par délicates retouches successives, n'est pas idyllique
bien sûr. Les difficultés des enfants ne sont pas éludées. Ainsi certains
doivent-ils aider aux travaux de la ferme en rentrant chez eux le soir,
et les parents n'ont souvent ni le temps ni les capacités de suivre la
scolarité de leurs enfants. La résolution d'une multiplication en famille
donne d'ailleurs lieu à une très belle scène qui oscille entre gravité
et comique. Les drames intimes et familiaux que vivent les enfants ne
sont pas non plus passés sous silence. Sans jamais s'appesantir, Nicolas
Philibert les laisse entrevoir au détour d'une phrase ou d'un plan sur
un visage d'enfant. Tout n'est donc pas pour le mieux dans la meilleure
des classes possibles ; pour un éloge de la ruralité sur fond de nostalgie
rousseauiste, il faudra repasser ! La classe de M. Lopez est néanmoins
un univers passionnant. On est sidéré par le calme qui y règne. Epoustouflant
ce silence, rarement interrompu dans le documentaire par une bouffée musicale,
qui rend presque palpable l'activité d'apprendre et nous renvoie immanquablement
à notre expérience intime de l'acquisition des connaissances. Magnifique,
cette relation du maître à ses élèves (espèce aujourd'hui rebaptisée apprenant)
qui nous rappelle que l'éducation est affaire de relations humaines et
pas seulement de techniques pédagogiques novatrices. On se prend à les
envier, ces élèves-là, d'avoir un maître d'une telle qualité. Le film,
consacré en premier lieu aux enfants (qui doivent, comme l'ont tout récemment
découvert nos ministres, être au cœur du système) est aussi un
magnifique portrait en creux de ce fils d'immigrés devenu instituteur
pour essayer de transmettre à d'autres sa foi dans l'école et qui nous
touche par son savoir-faire et sa bienveillance.
On est reconnaissant à Nicolas Philibert pour cette approche très personnelle,
discrète et subtile de la vie dans une école. Etre et Avoir est
un documentaire étincelant d'humour, de tendresse et de sobriété que l'on
est heureux d'avoir vu et qui donne beaucoup à réfléchir.
Sophie
V, vu en 2002
4.
Pourquoi Etre et avoir ne passe pas dans toutes les salles (pas
chez moi, par exemple), et pourquoi il n'y avait que des mamies dans la
salle où je suis allée le voir? Nan, mais c'est vrai: un film comme celui-là
devrait être montré à tout le monde!
Bref, je ne vais pas écrire des tonnes sur ce film, tout d'abord, parce
que je suis totalement d'accord avec les critiques qui précèdent la mienne,
et aussi, parce qu'il faut voir ce film pour comprendre en quoi il est
si génial: c'est un film simple, humain, rafraichissant, ... qui apporte
rire et émotion (tout cela sans jamais être moralisateur): bref, un film
parfait quoi!
L'instit (Mr Lopez) est celui qu'on aurait tous aimé avoir, et ce film
est un hommage au plus beau métier du monde (selon moi): je pense d'ailleurs
qu'il fera naître des vocations (oui, oui, c'est vrai, c'est mieux
qu'une pub pour l'IUFM, Marco a raison.) Tout est extrêmement bien
filmé: la nature (hiver rude) comme les enfants. Certes, le film peut
paraître un peu lent (j'avoue que je trouvais les plans fixes un
peu longs, au début), mais c'est pour insister sur le fait que l'instit
donne aux enfants ce rythme lent, qui leur permet de mieux apprendre (cf.
la scène où l'adorable Jojo découvre l'infini: Mr Lopez le laisse prendre
son temps, il lui fait "vivre" l'infini...)
Pour conclure, ce film est émouvant (grâce notamment à Olivier et à Nathalie)
et nous fait rire, aussi (cf. la scène mémorable de l'énumération des
doigts de la main par le petit Jojo!) De plus, le réalisateur (Nicolas
Philibert) reste extérieur, et ne juge à aucun moment : il reste neutre.
Bref, si ce n'est pas encore fait, courez voir ce film: c'est un vrai
petit chef d'oeuvre!
Marion,
vu en 2002
5.
quelle fraicheur et quelle sagesse ! un instit aimant les enfants qui
lui sont confiés, s'intéressant à leur vie, avec discrétion et empathie,
exigeant, mais d'une patience à toute épreuve (dans l'écoute entre autres),
faisant réfléchir et grandir ces enfants d'âges divers au fil des évènements
quotidiens d'une vie rurale rude et isolée : on croit rêver et pourtant
c'est vrai ! L'émotion perceptible du départ en vacances révèle à quel
point l'homme aime ce métier choisi dans ce pays perdu où chaque saison
laisse sa trace en variant les activités.
Belle leçon d'amour et de poésie ! Un peu surprenant si on ne sait que
c'est un documentaire mais absolument à ne pas manquer !
Michelle G., vu en
2002
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