Gettysburg
1991
Etats-Unis
Ronald F. Maxwell
vf

 

Projet énorme, cette reconstitution de la plus célèbre des batailles de la guerre de Sécession mit 15 ans à voir le jour ! Pour les amateurs d'histoire américaine, c'est une véritable aubaine, car elle nous transpose avec une grande précision sur les lieux de la bataille, décortiquant chaque mouvement de troupes (mais pas tous), examinant les tactiques respectives des généraux. C'est très long (plus de 4 heures), parfois assez ennuyeux, mais, si l'on suit le film la carte des lieux dans une main et un bouquin d'histoire dans l'autre, l'exercice est très stimulant et enrichissant. En revanche, sur le plan du plaisir cinématographique, on a de quoi être frustré.

D'abord, un tel film pose le problème de toute reconstitution cinématographique. Que fut vraiment la bataille de Gettysburg ? Comment les généraux l'ont-ils vécue ? Comment les soldats l'ont-ils vécue ? Quels que que soient les choix effectués, le résultat sera loin de LA réalité (ou plutôt DES réalités).

Maxwell choisit hélas, l'option de "tout" montrer. On a l'impression de lire un livre d'histoire avec de belles images en mouvement. Dès lors qu'il choisit l'option de la "grosse" mise en scène, avec force mouvements de troupes, cannonades à répétition, plans larges du champ de bataille, il reste à la surface, échoue à nous faire partager le destin des tous ces hommes. Il en oublie l'aspect "boucherie" que fut cette bataille. Les soldats qui tombent ne sont pour le spectateur que de simples pions. Trop loin de l'action, Maxwell échoue le plus souvent à les rendre humains (contrairement à The Red Badge of Courage, de Huston).
Spielberg, dans ses scènes de débarquement de Saving Private Ryan, avait totalement réussi à nous faire partager la terrible atmosphère de mort d'une attaque. Dans Gettysburg on se trouve plutôt devant un jeu de stratégie ou chacun avance ses forces, prend des risques, perd ou gagne. Maxwell se plaît à filmer la colline de Gettysburg envahie de soldats, sous toutes ses coutures ; il peine en revanche à diriger ses acteurs (lancés dans d'assommants et interminables dialogues).
La remarque vaut bien sûr pour les généraux, personnages pourtant centraux : ces derniers manquent singulièrement d'humanité, de "réalité" : même s'ils hésitent, font de tragiques erreurs, ils restent campés dans leur position icônique, dans la silhouette figée que le temps leur a forgée. Le réalisateur le démontre d'ailleurs involontairement dans les génériques de début et de fin, en superposant les photos des acteurs et celles, jaunies, des vrais "héros" de la bataille.

Parfois cependant, dans ce que je considère comme la meilleure partie du film, il arrive à planter quelques personnages magnifiques, comme le colonel Chamberlain, professeur idéaliste, parfaitement interprété par Jeff Daniels. La résistance héroïque de ses troupes sur Little Round Top est sans nul doute le clou de l'action. Hélàs, il abandonne son personnage en chemin, coincé par son souci de "vérisme", essayant vaguement d'en faire un témoin de la charge finale. Mais le stratagème est un peu artificiel.

Par ailleurs, Maxwell use et abuse de la musique off (merci BB), déclinant à n'en plus finir Dixie et The Battle Hymn of The Republic. Il semble par là nous répéter sans cesse que Gettysburg décida du sort de la nation américaine, que c'est une bataille symbole, fratricide, presque "sacrée", chose que le spectateur moyen est capable de comprendre sans que cela soit souligné par les "sanglots longs des violons". Là encore, cela s'inscrit dans la stratégie de l'élève appliqué : tout est conforme aux canons historiques du moment.

En bref, Maxwell se contente de mettre en scène les pages d'un livre fort édifiant, mais la plupart du temps, sans âme : or un tel film ne fait pas avancer l'histoire : il la fige.

 

PS. Deux détails :
- Comme beaucoup de reconstitutions historiques, le scénario donne à certaines remarques, états d'esprit de personnages, une dimension prophétique : Longstreet semble, avant l'assaut final, convaincu de la défaite. D'autres généraux sudistes adoptent la même attitude. C'est bien sûr, historiquement discutable, et c'est un peu énervant pour le spectateur (on lui donne d'avance les clés d'une bataille... dont il connaît déjà l'issue !).

- Une dernière observation, qui nous rappelle que tout cela n'est que du cinéma : les barbes postiches des acteurs, assez mal collées (Tom Berenger semble tout droit sorti d'un magasin de farces et attrapes), échouent (et c'est bien dommage) à nous persuader qu'à l'époque, la plupart des généraux se distinguaient par l'abondance de leur système pileux.

L.G., vu en vidéo, en 2001

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