1.
Sweet Sixteen est l'histoire tristement exemplaire d'un ado écossais
qui entretient un rêve bien ordinaire (vivre une vie de famille "normale"),
mais qui se fait manipuler par des gangsters profiteurs. Ce film est un
miroir de la société, c'est un regard lucide sur les laissés-pour-compte
du libéralisme britannique (les dérives de la société britanique sur la
working-class, thème favori de Ken Loach). Le portrait de ce petit dealer
bientôt embauché dans la mafia du coin ne peut pas vous laissez de marbre
: il est simple, sincère et touchant (sans jamais sombrer dans le mélo).
Les comédiens, en majeure partie amateurs, sont remarquables : le jeune
Martin Compston m'a coupé le souffle! On avait surtout entendu parler
de ce film par la polémique sur la censure cinématographique qu'il a soulevée
: en effet, Sweet Sixteen a été interdit aux moins de 18 ans en
Grande-Bretagne pour son langage, je cite "outrageusement grossier". Mais
pourquoi interdire un film où on parle comme dans la vraie vie? Où est
la logique d'interdire ce film aux ados britanniques qui parlent comme
Liam?
Marion
2.
Eléments d'analyse concernant la réaction de Marion au sujet de la censure
exercée sur le film Sweet Sixteen.
Je fais peut-être partie de la race " honnie ? ou privilégiée ? " des
intello-branchés, dans les deux cas, je ne peux que m'excuser et faire
profil bas, en tous cas j'ai la chance de pouvoir voir des films en VO
dans ma minable ville-dortoir de province où il n'y a plus une seule librairie.
Mais… il reste des bénévoles et des travailleurs sociaux payés au lance
pierre qui comptent sur nous et pour continuer à faire vivre un ciné
club, et qui nous permettent d'y emmener nos élèves, contre vents
et marrées, pour des tarifs abordables et font concurrence autant qu'ils
le peuvent aux Hyper Marchés du cinéma (sans VO) qui ont réussi à s'implanter
: proximité de la population friquée de Genève.
Que ces inconditionnels du cinéma de quartier soient donc remerciés.
Marion peut s'inquiéter (ou se rassurer, c'est selon les goûts de chacun..
) son questionnement sur la censure exercée sur le film Sweet Sixteen
en GB est des plus judicieux - serait elle aussi une intello ? En tous
cas la lecture de sa critique sur le forum m'a donné envie de voir ce
film, trop tard c'est raté pour moi : il a disparu de l'affiche à la vitesse
Grand V. J'ai ratissé large : dans le département, et hors département,
y compris Lyon et Grenoble, c'est fichu semble-t-il.
Je propose cependant des éléments de réponses concernant cette fameuse
censure qui a provoqué la réaction chez Marion (réaction qui continue
à m'intéresser même si j'ai raté le film).
Les parcours de K.Loach à travers les méandres de la censure [et de la
non-censure] sont absolument paradoxaux et dignes d'intérêt.
Sweet Sixteen (2002) est le 2ème volet d'une trilogie dont " My
Name is Joe " (1998) est la 1ère partie. Le traitement réservé à ce film
en l'espace de 4 ans permet un éclairage sur le couperet de la censure
exercée en GB sur Sweet S. que Marion nous a signalée.
1998 : Après avoir échappé à la censure totale, " My name .. "
ne fut visible que dans 2 salles à Paris alors même qu'il recevait à Cannes,
le prix de !!! l'Education Nationale.
2002 : alors que " Sweet S. " est censuré en GB aux moins de 18
ans, en France, le CNC, les ministères de la Jeunesse, de l'Education
Nationale viennent de programmer " My name… " pour.. !!! les moins de
14 ans, sur temps scolaire, en VOST non épurée, avec un sous-titrage qui
en rajoute (le soft mot " stupid " est remplacé par " con ").
Or dans ce film rien n'est épargné aux enfants : vocabulaire trivial pour
quasiment chaque dialogue, scènes et blagues hard, explications vaginales,
mafia, drogue, prostitution, violences morales, sexuelles et physiques
etc …bref tous les ingrédients qui font l'objet des réflexions menées
sur la censure en France. Pas très intello que tout cela isn't it ? et
pourtant…tout est relatif.
Ce que j'ai pu constater sur le terrain :
90 enfants concentrés, pas un mot pendant la projection et des commentaires
graves et sensés pendant 1 heure, après projection. Les enfants français
ne sont sans doute pas plus intello ni moins sensibles que les enfants
anglais.
Je me pose dès lors plusieurs questions :
Qu'en aurait il été de la censure en France si K Loach avait été un réalisateur
français, traitant des mêmes sujets sur notre territoire? Et il y aurait
de quoi faire.
Les prises de positions de Loach sont claires et politiquement incorrectes
en GB. Il ne s'en cache pas : " de M.Thatcher à T.Blair rien n'a changé
" " Les Travaillistes ne se préoccupent pas davantage des déshérités que
ne le faisaient les Conservateurs "…(entretiens de Loach avec différents
journaux : "Le Soir " " Le Progrès " " Télérama " etc...)
En conséquence, il est logique de se demander si la censure ne vise pas
l'homme en prenant pour cible son œuvre sous des prétextes aussi dérisoires
que fallacieux. Ne soyons cependant pas dupes, pas de Cocorico pour la
" liberté d'expression " du cinéma français, il y a bien d'autres stratagèmes
pour le museler, et puis …c'est si agréable de se gargariSer des défaillances
des systèmes sociaux voisins… on en oublie les nôtres.
Une analyse plus précise de " My name is Joe " est en préparation pour
le forum avec le regret de ne pas avoir vu " Sweet sixteen ", j'ai eu,
au moment ad hoc, la trouille de me plonger dans l'univers de Loach :
il n'est pas un réalisateur qui aide à se retaper le moral. *
Brigitte
Boëdec En VOST Ciné club 2003
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