1.
Kill Bill...
En deux mots, Tarantino a résumé l'essentiel de son film
:
Kill...ça n'arrête pas et de préférence
a l'arme blanche avec beaucoup de sang pour bien appuyer l'acte et la
quête de l'héroine...(la scène ou elle massacre 80
yakusas... en devient ennuyeuse...)
Bill... la cible de la vengeance mais aussi les références
a la "contre"-culture populaire américaine (Bill... fait penser
aux hillbillies et autres rednecks qui ponctuent le film de leur présence
et de leurs accents traînants pendant les scènes à
l'hôpital ou après le massacre du mariage au Texas), mais
aussi lors des références au Japon, icône de la sous-culture
branchée populaire occidentale (référence aux mangas,
référence aux récents films d'action stylisée
US comme Charlie's angels, Mission impossible, Matrix
etc... et aux anciens classiques de Kurosawa...)
Au bout du compte.. faut-il l'aimer ou le détester?
Contre : la violence est parodique mais parait souvent inutile et gratuite
et en devient dérangeante... L'histoire cousue de fil blanc et
tres linéaire...et les opus suivants semblent déja prévisibles...les
références à la sous culture branchée donnent
l'impression de voir un film d'ados pour les ados... - à quand
les collectors kill bill et autres poupées en résine d'Uma
thurman?
Pour : l'esthétique de l'image... un jeu de couleurs impressionnant...
une bonne idée de mêler films et cartoons ... une bande son
très intéressante et à contre-point des scènes
visuelles (mais bon ce n'est plus très original chez Tarantino...),
l'utilisation des accents et des langages en VO ce qui est original dans
le cinéma commercial US (Uma Thurman parlant japonais vaut le déplacement
et la voir se faire traiter de sale blonde en Francais par une franco-japonaise
qu'elle torture vaut aussi son pesant d'or...)
bilan : je suis sorti déçu et écoeuré du film
car il attire visiblement les foules mais ne montre pour le moment qu'une
violence esthétisée sans grand chose d'autre... C'est pas
grave... il faut le prendre au second degré... oui peut-être
lorsque l'on peut encore le faire... Est-ce vraiment le cas de la majorité
des spectateurs US qui vont aux multiplexes où ne sont joués
que des films d'action violents et autres nanars pseudo-comiques ou romantiques?...
c'est moins sûr... mais bon, tout n'est pas à jeter... notamment
au niveau esthétique et packaging, mais est-ce suffisant pour faire
un bon film? pas évident... en tous cas Kill Bill sera certainement
un bon produit de consommation si on ne craint pas l'hémoglobine...
.
Nicolas
P., vu en 2003
2.
La violence des films de Tarantino m'a moi aussi souvent mis mal à
l'aise, et celle de Kill Bill ne fait pas exception. Cinéaste
joueur et un peu infantile, Tarantino expose la torture et le meurtre
dans ses films avec une délectation sadique un peu systématique
(l'oreille de Réservoir dogs, la cave de Pulp fiction, le déferlement
de membres coupés et le meurtre d'une mère devant les yeux
de son enfant dans Kill Bill, j'en oublie....), et il faut tout de même
un sacré recul pour encaisser tout cela. Ce n'est que du cinéma,
bien sûr : le réalisateur nous indique sans cesse que ce
n'est pas sérieux, que c'est du second degré, etc. Tarantino
s'intéresse à la forme plus qu'au contenu lui-même,
c'est de plus en plus vrai au fil de ses films, mais sa désinvolture
dans le traitement de la violence rend son discours trouble.
Pour ce qui est de Kill Bill, passée cette réserve
habituelle, le plaisir est immense : la forme est parfaite, la mise en
scène époustouflante ; l'hommage permanent au film de genre
(kung-fu, western, film de samouraïs, contre-culture - cf. critique
précédente) est génialement distillé, contrairement
à tant de films américains aux références
lourdes et empesées : ici tout est clin d'oeil, un clin d'oeil
gourmand, amusé et passionné. Quant à la bande-son,
c'est un patchwork hallucinant mêlant musiques, langues et sons
bigarrés.
Il faut donc apprécier Kill Bill comme un pur exercice de style
brillantissime ; le scénario tiendrait en effet sur une feuille
de papier à cigarette : le réalisateur lui-même s'en
amuse dans les scènes ou Uma Thurman (divine) dresse la liste de
ses prochaines cibles sur un cahier propre à spirale, liste qui
n'est rien d'autre que le fil conducteur du film.
On doit se délecter
de la mise en scène géniale (en acceptant les longueurs
de la scène du massacre des 88 yakuzas) et de l'esthétique
parfaite de cet ovni tarantinesque, et oublier le reste.
Laurent
Goualle, vu en 2003
3.
Pourquoi défendre Kill Bill de Tarantino ? Cela fait un certain
temps que je n'ai pas écrit de critique, mais quand j'ai vu Kill
Bill, j'ai senti que je devais m'exprimer sur ce film. Pourquoi ?
Parce qu'il s'agit en fait d'un événement cinématographique.
Chaque fois que l'on voit un film de Tarantino, qu'on aime ou qu'on n'aime
pas, on a le sentiment d'assister à quelque chose d'important sur
le plan filmique. Peut-être mon jugement est-il faussé par
le mythe auto-créé par Tarantino sur son propre parcours
: il a commencé sa carrière en travaillant dans le magasin
vidéo d'un centre commercial, alimentant son appétit vorace
pour les pulp fictions (films
de karaté, de science-fiction d'horreur, etc...). Mais je pense,
comme Laurent le mentionne, que son instinct, son génie et sa gourmandise
pour ces genres apporte à ses images et à son action un
éclat rare chez les autres réalisateurs.. Comment y parvient-il
? Assez simplement, il fait des films techniquement et symboliquement
parlants (des films qui utilisent des images comme Michael Moore utilise
la rhétorique). Les images sont-elles une forme inférieure
de pensée ? Ne dites pas de bêtises.
Par exemple, en temps normal le contenu d'un tel film m'aurait dégoûté.
Intéressons-nous à la fameuse scène du massacre (sans
mentionner celle de la décapitation finale hannibalesque) : la
violence est gratuite ; il semble évident de dire une telle chose.
Elle est ridicule. Elle vous fait reculer dans le fond de votre fauteuil.
Tarantino va un peu trop loin, je vous l'accorde. Mais je veux défendre
ce type parce que les personnages de son film sont formidables. Ils débordent
de force, de charisme et de sexe. Ce sont des héros populaires.
Elitistes "socialement corrects", demandez-vous pourquoi.
Par la virtuosité de sa mise en scène, la qualité
et l'allure naturelle de ses acteurs (Uma, Travolta - le vieux sex-symbol
a connu une renaissance, tout comme Bruce Willis, Samuel Jackson... qui
fut le premier Jedi noir grâce à Tarantino qui l'engagea
pour Pulp Fiction), vous finissez par être envoûté
par ces héros ultra rapide, excentriques, violents et stylés.
Le sang, selon moi, est supposé ressembler à celui d'une
bande dessinée ou d'un film d'horreur. Pourquoi ce sang ne nous
choque pas dans un comic par exemple ? Peut-être parce que nous
y sommes habitués. Il reste que d'habitude chez Tarantino ce côté
pulp est moins développé et il y en a plus pour le spectateur
intellectuel. Cette fois-ci il est allé jusqu'au bout. Et, comme
d'autres critiques l'ont suggéré plus haut, son côté
puéril commence à voir le jour.
Mais pour sa défense, tout n'a pas à être socialement
et politiquement correct. Quand nous tombons dans ce piège, nous
devenons des élitistes moralisateurs qui essayons de pulvériser
du désinfectant sur les aspects les plus déroutants de l'humanité.
Et personnellement, je ne crois pas que toute la propagande du monde pourra
nous pacifier et nous transformer en créatures plus proches du
mouton. Etre un mouton est peut-être plus dangereux qu'être
un tigre. Je crois au mouton, mais aussi au tigre qui est en l'homme.
C'est exactement ce que Uma, Sonny Chiba (Hattori Hanzo), Vernita Green
et Daryl Hannah représentent : des tigres. C'est purement du Bonnie
and Clyde. Ce sont des hors-la loi. Des héros populaires. Pas des
héros comme chez Huxley, pas des criminels répondant à
la définition conventionnelle des pouvoirs publics. Seulement,
comment peut-on prendre au sérieux des personnages appelés
A. Fox et Elle Driver? Ce n'est pas un film sérieux,
excepté pour sa qualité, la popularité de son réalisateur
et sa capacité à secouer nos paradigmes confortables.
Oui, c'est un film dangereux. C'est pour cela que Tarantino l'a fait.
Parce que nous sommes les animaux les plus dangereux de la planète,
mais plus par notre conformisme dormant que par notre goût pour
la chasse. Tarantino ne se cache pas du chasseur qui est en l'humanité.
Il s'en délecte. Je pense que la bonne question, qui est peut-être
celle que pose Tarantino à chacun de ses films, est la suivante
: est-ce mal d'admirer un gangster? Un bandit armé ? Un hors-la
loi ? Un rénégat ? C'est la même question que pose
Michael Moore, avec une réponse différente mais tout aussi
valable.
Andrew
F., Vu en 2004.
(traduit de l'américain)
Vous pouvez aussi lire la version originale
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