Kill Bill (volume 1)
2003
Réal. : Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino
Producteur : Lawrence Bender
Avec : Uma Thurman : The Bride
David Carradine : Bill
Michael Madsen : Budd
Sonny Chiba : Hattori Hanzo
Julie Dreyfus : Sofie Fatale
Vivica A. Fox : Vernita Green
Daryl Hannah : Elle Driver


1.
Kill Bill...

En deux mots, Tarantino a résumé l'essentiel de son film :

Kill
...ça n'arrête pas et de préférence a l'arme blanche avec beaucoup de sang pour bien appuyer l'acte et la quête de l'héroine...(la scène ou elle massacre 80 yakusas... en devient ennuyeuse...)

Bill
... la cible de la vengeance mais aussi les références a la "contre"-culture populaire américaine (Bill... fait penser aux hillbillies et autres rednecks qui ponctuent le film de leur présence et de leurs accents traînants pendant les scènes à l'hôpital ou après le massacre du mariage au Texas), mais aussi lors des références au Japon, icône de la sous-culture branchée populaire occidentale (référence aux mangas, référence aux récents films d'action stylisée US comme Charlie's angels, Mission impossible, Matrix etc... et aux anciens classiques de Kurosawa...)

Au bout du compte.. faut-il l'aimer ou le détester?

Contre : la violence est parodique mais parait souvent inutile et gratuite et en devient dérangeante... L'histoire cousue de fil blanc et tres linéaire...et les opus suivants semblent déja prévisibles...les références à la sous culture branchée donnent l'impression de voir un film d'ados pour les ados... - à quand les collectors kill bill et autres poupées en résine d'Uma thurman?

Pour : l'esthétique de l'image... un jeu de couleurs impressionnant... une bonne idée de mêler films et cartoons ... une bande son très intéressante et à contre-point des scènes visuelles (mais bon ce n'est plus très original chez Tarantino...), l'utilisation des accents et des langages en VO ce qui est original dans le cinéma commercial US (Uma Thurman parlant japonais vaut le déplacement et la voir se faire traiter de sale blonde en Francais par une franco-japonaise qu'elle torture vaut aussi son pesant d'or...)

bilan : je suis sorti déçu et écoeuré du film car il attire visiblement les foules mais ne montre pour le moment qu'une violence esthétisée sans grand chose d'autre... C'est pas grave... il faut le prendre au second degré... oui peut-être lorsque l'on peut encore le faire... Est-ce vraiment le cas de la majorité des spectateurs US qui vont aux multiplexes où ne sont joués que des films d'action violents et autres nanars pseudo-comiques ou romantiques?... c'est moins sûr... mais bon, tout n'est pas à jeter... notamment au niveau esthétique et packaging, mais est-ce suffisant pour faire un bon film? pas évident... en tous cas Kill Bill sera certainement un bon produit de consommation si on ne craint pas l'hémoglobine... .

Nicolas P., vu en 2003


2.
La violence des films de Tarantino m'a moi aussi souvent mis mal à l'aise, et celle de Kill Bill ne fait pas exception. Cinéaste joueur et un peu infantile, Tarantino expose la torture et le meurtre dans ses films avec une délectation sadique un peu systématique (l'oreille de Réservoir dogs, la cave de Pulp fiction, le déferlement de membres coupés et le meurtre d'une mère devant les yeux de son enfant dans Kill Bill, j'en oublie....), et il faut tout de même un sacré recul pour encaisser tout cela. Ce n'est que du cinéma, bien sûr : le réalisateur nous indique sans cesse que ce n'est pas sérieux, que c'est du second degré, etc. Tarantino s'intéresse à la forme plus qu'au contenu lui-même, c'est de plus en plus vrai au fil de ses films, mais sa désinvolture dans le traitement de la violence rend son discours trouble.
Pour ce qui est de Kill Bill, passée cette réserve habituelle, le plaisir est immense : la forme est parfaite, la mise en scène époustouflante ; l'hommage permanent au film de genre (kung-fu, western, film de samouraïs, contre-culture - cf. critique précédente) est génialement distillé, contrairement à tant de films américains aux références lourdes et empesées : ici tout est clin d'oeil, un clin d'oeil gourmand, amusé et passionné. Quant à la bande-son, c'est un patchwork hallucinant mêlant musiques, langues et sons bigarrés.
Il faut donc apprécier Kill Bill comme un pur exercice de style brillantissime ; le scénario tiendrait en effet sur une feuille de papier à cigarette : le réalisateur lui-même s'en amuse dans les scènes ou Uma Thurman (divine) dresse la liste de ses prochaines cibles sur un cahier propre à spirale, liste qui n'est rien d'autre que le fil conducteur du film.
On doit se délecter de la mise en scène géniale (en acceptant les longueurs de la scène du massacre des 88 yakuzas) et de l'esthétique parfaite de cet ovni tarantinesque, et oublier le reste.

Laurent Goualle, vu en 2003


3.
Pourquoi défendre Kill Bill de Tarantino ? Cela fait un certain temps que je n'ai pas écrit de critique, mais quand j'ai vu Kill Bill, j'ai senti que je devais m'exprimer sur ce film. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit en fait d'un événement cinématographique. Chaque fois que l'on voit un film de Tarantino, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, on a le sentiment d'assister à quelque chose d'important sur le plan filmique. Peut-être mon jugement est-il faussé par le mythe auto-créé par Tarantino sur son propre parcours : il a commencé sa carrière en travaillant dans le magasin vidéo d'un centre commercial, alimentant son appétit vorace pour les
pulp fictions (films de karaté, de science-fiction d'horreur, etc...). Mais je pense, comme Laurent le mentionne, que son instinct, son génie et sa gourmandise pour ces genres apporte à ses images et à son action un éclat rare chez les autres réalisateurs.. Comment y parvient-il ? Assez simplement, il fait des films techniquement et symboliquement parlants (des films qui utilisent des images comme Michael Moore utilise la rhétorique). Les images sont-elles une forme inférieure de pensée ? Ne dites pas de bêtises.
Par exemple, en temps normal le contenu d'un tel film m'aurait dégoûté. Intéressons-nous à la fameuse scène du massacre (sans mentionner celle de la décapitation finale hannibalesque) : la violence est gratuite ; il semble évident de dire une telle chose. Elle est ridicule. Elle vous fait reculer dans le fond de votre fauteuil. Tarantino va un peu trop loin, je vous l'accorde. Mais je veux défendre ce type parce que les personnages de son film sont formidables. Ils débordent de force, de charisme et de sexe. Ce sont des héros populaires. Elitistes "socialement corrects", demandez-vous pourquoi.
Par la virtuosité de sa mise en scène, la qualité et l'allure naturelle de ses acteurs (Uma, Travolta - le vieux sex-symbol a connu une renaissance, tout comme Bruce Willis, Samuel Jackson... qui fut le premier Jedi noir grâce à Tarantino qui l'engagea pour Pulp Fiction), vous finissez par être envoûté par ces héros ultra rapide, excentriques, violents et stylés. Le sang, selon moi, est supposé ressembler à celui d'une bande dessinée ou d'un film d'horreur. Pourquoi ce sang ne nous choque pas dans un comic par exemple ? Peut-être parce que nous y sommes habitués. Il reste que d'habitude chez Tarantino ce côté pulp est moins développé et il y en a plus pour le spectateur intellectuel. Cette fois-ci il est allé jusqu'au bout. Et, comme d'autres critiques l'ont suggéré plus haut, son côté puéril commence à voir le jour.
Mais pour sa défense, tout n'a pas à être socialement et politiquement correct. Quand nous tombons dans ce piège, nous devenons des élitistes moralisateurs qui essayons de pulvériser du désinfectant sur les aspects les plus déroutants de l'humanité. Et personnellement, je ne crois pas que toute la propagande du monde pourra nous pacifier et nous transformer en créatures plus proches du mouton. Etre un mouton est peut-être plus dangereux qu'être un tigre. Je crois au mouton, mais aussi au tigre qui est en l'homme. C'est exactement ce que Uma, Sonny Chiba (Hattori Hanzo), Vernita Green et Daryl Hannah représentent : des tigres. C'est purement du Bonnie and Clyde. Ce sont des hors-la loi. Des héros populaires. Pas des héros comme chez Huxley, pas des criminels répondant à la définition conventionnelle des pouvoirs publics. Seulement, comment peut-on prendre au sérieux des personnages appelés A. Fox et Elle Driver? Ce n'est pas un film sérieux, excepté pour sa qualité, la popularité de son réalisateur et sa capacité à secouer nos paradigmes confortables.
Oui, c'est un film dangereux. C'est pour cela que Tarantino l'a fait. Parce que nous sommes les animaux les plus dangereux de la planète, mais plus par notre conformisme dormant que par notre goût pour la chasse. Tarantino ne se cache pas du chasseur qui est en l'humanité. Il s'en délecte. Je pense que la bonne question, qui est peut-être celle que pose Tarantino à chacun de ses films, est la suivante : est-ce mal d'admirer un gangster? Un bandit armé ? Un hors-la loi ? Un rénégat ? C'est la même question que pose Michael Moore, avec une réponse différente mais tout aussi valable.


Andrew F., Vu en 2004.
(traduit de l'américain)
Vous pouvez aussi lire la version originale

 

 

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