La mauvaise éducation
Espagne
2004 / 1H50
Réal. : Pedro Almodovar
Avec : Gael Garcia Bernal,
Fele Martinez, Javier Camara

 

1.
Si j'avais été très touchée par Tout sur ma Mère, et très émue, voire bouleversée, par Parle avec elle, je crois que le dernier film du grand Almodovar m'a un peu déçue. Je dis "je crois" car, en sortant de la salle, je ne savais qu'en penser, je ne pouvais dire si j'avais ou pas aimé. J'avais, certes, passé un bon moment, apprécié les acteurs, leurs personnages, retrouvé avec beaucoup de plaisir le magnifique Gael Garcia Bernal, que j'avais adoré dans Amours Chiennes, mais je ne ressentais pas cette sensation que je ressens habituellement en sortant d'une séance qui m'a plu. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à me dire que j'avais été déçue, et à l'heure où j'écris, j'ai encore du mal à être aussi catégorique. Peut-être parce que j'en attendais trop, parce que je voulais être transportée, parce que je suis devenue trop exigeante par rapport à ce réalisateur que j'aime tant et qui m'a jusqu'à présent tellement impressionnée. J'aimerais alors avoir un"déclic", saisir quelque chose que je n'aurais pas saisi lors de la projection du film, et qui me ferait dire : "Ce film est à la hauteur de ses autres films. Je ne suis pas déçue." J'attends, je cherche... mais le "déclic" ne vient pas. C'en est frustrant!
L'ensemble reste flou dans ma tête, je me souviens d'un film "fouillis", où trop de choses se mélangent, où rien n'est suffisamment clair (mis à part, bien sûr, les allusions à la corruption du prêtre ; ces scènes sont justement remarquables car elles arrivent à tout dire, tout dénoncer, à travers l'implicite seul). Les personnages restent confus, semblent ne pas se connaître eux-mêmes, se découvrir sans cesse... Mais tout cela me semble si peu fidèle à ce que j'ai jusqu'à présent ressenti devant les films du réalisateur espagnol que je serais tentée de revoir ce film, ne serait-ce que pour confirmer ma présente impression, ou au contraire pour découvrir ce à côté de quoi je suis certainement passée la première fois. Avis à suivre !

Audrey N, 2004


2.
Un peu comme Audrey (voir critique précédente), 48h après, je n'arrive pas à savoir si j'ai vraiment aimé ce film, et surtout, ni pourquoi. Conclusion qui s'impose: il ne m'a pas laissée indifférente. Et je devrais rajouter que je suis sortie de la salle très très émue (mais il faut dire qu'au cinéma je suis remuée par peu de choses, une vraie fontaine!!)
Côté technique, c'est remarquable, Almodovar maîtrise parfaitement son art. Tout est dit à travers l'implicite seul. "Les personnages restent confus, semblent ne pas se connaître eux-mêmes, se découvrir sans cesse... Mais tout cela me semble si peu fidèle à ce que j'ai jusqu'à présent ressenti devant les films du réalisateur espagnol que je serais tentée de revoir ce film, ne serait- ce que pour confirmer ma présente impression, ou au contraire pour découvrir ce à côté de quoi je suis certainement passée la première fois" (dixit Audrey).
Pour ma part, je ne comprends pas aujoud'hui pourquoi ce film m'a tant touchée. Seule explication entrevue : il touche à des registres universels, le retour sur l'enfance, les amitiés du collège, l'influence du passé sur le présent ... A travers des situations que peu de nous ont connus (collège privé, religieux, pour garçons, tenu par un prêtre corrrompu, homosexuel), l'auteur arrive à remuer des souvenirs d'enfance extrêmement forts et universels. Je pense que le traitement implicite des situations réelles (harcèlement sexuel des enfants, relations troubles, ...) permet à chacun de projeter ce film dans son univers propre. C'est probablement pourquoi j'ai trouvé ce film très fort et émouvant.
A voir! A ressentir! A méditer!

Béatrice DV


3.
Je dédie cette critique à mon copain Philippe qui est le sosie de Pedro Almodovar...


Générique magique...on s'attend au meilleur. Le début est plutôt réussi et prometteur : cette rencontre entre deux anciens amis d'enfance séparés par le temps, réunis à nouveau par un manuscrit énigmatique "la visite"...
Le film part alors dans une enfance blessée et là, Almodovar nous offre de grands moments d'émotion et de beauté, sachant manier le ralenti, la musique, les effets de lumière.
Certains diront que c'est un peu facile mais il arrive à dégager ici une sensualité de l'enfance presque palpable, rare. Les scènes de ces corps heureux dans l'eau ou courant après un ballon sont les meilleures du film car il parvient à faire adopter à la caméra et donc au spectateur le point de vue de ce prêtre sensible au charme des enfants en ne montrant pas seulement la perversité de cet homme abusé par son désir et abusant du corps des enfants dont il brise l'avenir. La grande prouesse d'Almodovar et la force de ce film -qui peut choquer-, c'est qu'il ne montre pas qu'un prêtre pédophile de plus, mais un homme amoureux d'un enfant, un homme qui souffre pour lequel, pendant quelques instants au début du film, on peut même avoir de la compassion. L'acteur est d'ailleurs talentueux pour parvenir à faire transparaître cette attirance douloureuse qui lui fait monter les larmes aux yeux quand il entend la voix cristalline de cet enfant qui l'émeut tant.
La scène où ce même prêtre fait une veillée de nuit et découvre les deux enfants ensemble dans les toilettes est également fort réussie car un autre visage de cet homme multiple apparaît, celui qui effraie, celui qui abuse de son pouvoir, celui qui est injuste. Toute la fragilité de l'enfance apparaît alors par contraste. Et l'on se met alors à regretter vivement qu'Almodovar n'ait pas plus centré son film sur ces moments de l'enfance ...peut-être a-t-il fui malgré lui ce qu'il essayait de retrouver ?...
Après, le film s'égare en se compliquant dans une histoire policière comme si Almodovar avait voulu faire plusieurs films en un seul. Certes, on ne s'ennuie pas ; on s'amuse même parfois de certains dialogues ou situations mais, au bout du compte, cela n'a pas grand intérêt car on n'a pas l'impression que c'est ce qui a motivé Almodovar alors que, paradoxalement, c'est à cette partie qu'il consacre le plus de temps.
Alors, oui, Pedro Almodovar est un grand metteur en scène mais La mauvaise éducation n'est pas un grand film. Retournez voir le superbe Parle avec elle et le très émouvant Tout sur ma mère pour mesurer toute la différence qu'il y a entre ces oeuvres.

Béatrice A-C., 2004


4.
J'ai profité de la fête du cinéma pour aller revoir La mauvaise éducation. Je me suis dit, si je m'ennuie, je pourrai toujours sortir. Eh bien j'ai davantage apprécié que la première fois ! J'ai pris le temps de redécouvrir les personnages, de faire attention à la musique, à la mise en scène, à l'implicite. et surtout, j'ai fait attention à chaque menu détail, tous ces détails que l'on ne saisit pas la première fois parce qu'on n'en a pas le temps. C'est un film qui, à mes yeux, gagne à être revu, et gagnerait à être étudié. il est trop riche, trop complet pour qu'on puisse le comprendre en le voyant une seule fois. Comme une personne que l'on ne peut découvrir et apprécier réellement qu'au bout de plusieurs rencontres. Ce film me semblait 'fouilli' ; il s'avère étonnamment bien ficelé. Je pensais être déçue du grand Almodovar, mais je n'avais en fait pas eu le temps d'apprécier son dernier film. J'étais dépassée par ce scénario complexe, par ces personnages à faces multiples. J'étais même passée au-dessus du côté 'humain' du père Manolo, que j'avais bien mal jugé, certainement à cause des préjugés que l'on peut avoir sur ces adultes qui abusent d'êtres innocents. Lors de cette deuxième séance, ce personnage s'est révélé sous un tout autre aspect : celui d'un être qui souffre et qui, loin d'être un bourreau sans pitié, devient presque une victime. Rien que pour cela, je suis heureuse d'avoir revu ce film. Je savais que j'étais passée à côté de quelque chose.

Audrey N, 2004

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