1.
Millenium Mambo fait partie de ces films étranges (mais fascinants)
qui s'interrogent sur la narration cinématographique, ainsi que
sur la notion même de mise en scène.
Cela demande au spectateur de faire un effort, de ne pas seulement se
laisser porter par le récit, mais d'observer les choix du réalisateur,
son étrange mode de narration, ses flash-backs inopinés,
or c'est une position active indispensable qu'on n'est pas forcément
venu chercher quand on vient s'asseoir dans une salle obscure. Hou Hsiao
Hsien a l'habitude de bousculer les habitudes du spectateur et de le perdre
dans les méandres de sa narration. D'où un certain nombre
de réactions négatives, contrastées, compréhensibles
au sortir des séances. Pour ma part, je suis arrivé dans
la salle détendu, mais d'entrée méfiant vis-à-vis
du cinéma de Hsien. Jusqu'ici, j'avais été complètement
désarçonné par ses films, incapable de reconnaître
ses personnages d'une scène à l'autre, incapable de me repérer
dans la chronologie chaotique des différentes histoires. Bref,
j'avais perdu pied dans les trois longs-métrages vus auparavant,
sauf peut-être dans La Cité des douleurs (qui demanderait
néanmoins une seconde vision); ma plus belle noyade ayant été
celle de Good Men, Good Women, d'où j'étais sorti
abasourdi d'incompréhension.
Or, dans Millenium Mambo, le nombre relativement limité
des personnages, la simplicité de l'intrigue, m'a enfin permis
de m'intéresser à la forme sans être accaparé
par le fond, porté par la musique techno véritablement hypnotique
; j'ai alors eu le loisir d'apprécier l'originalité des
différentes scènes, filmées pour la plupart en plans-séquences
magistralement orchestrés (marqués, entre autres, par l'apparition
de clés narratives -personnages, objets-dissimulés dans
le décor ou arrivant subitement dans le champ de la caméra
; par le jeu très habile sur la mise au point, par l'organisation
de l'espace et les mouvements des personnages), d'observer les partis-pris
du scénario, le décalage troublant entre le texte-off et
les images (la voix féminine commente des scènes qui n'apparaîtront
que plus tard), la narration en un flashback sophistiqué (là
encore, la chronologie est chamboulée, sans que vous soyez prévenu
par un quelconque signe de la mise en scène).
Par certains aspects, Millenium Mambo ressemble au dernier film
de Rohmer (L'Anglaise et le duc), dans la mesure où ce n'est
pas vraiment ce qui est raconté qui importe, mais bien la manière
dont le metteur en scène s'exécute, comment il met en forme
une histoire.
Et en définitive,
ce chaos organisé est aussi d'une certaine manière, parfaitement
en phase avec la jeunesse taïwannaise que le réalisateur dépeint
(et on appréciera de surcroît le très beau portrait
de femme proposé).
Alors, des amateurs ?
Laurent
G., vu au Méliès à Pau en 2001
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2.
Avis à ceux qui n'ont pas encore vu le film : si vous venez juste d'arrêter
le tabac , c'est un film à éviter. Description pour le moins crue de l'univers
de la défonce, le film rôde autour de deux personnages: Vicky et Hao-
Hao, en détresse sociale, probablement physique mais surtout psychologique
. Ils sont jeunes, elle est belle, ils sont perdus et cela semble irrémédiable.
Un troisième personnage prend de plus en plus d'importance: Jack, plus
mûr et on peut imaginer un bref instant qu'il sera une aide réelle pour
la jeune femme. Pure illusion :il appartient lui aussi, d'une autre manière,
à cet univers glauque. L'objectif du réalisateur n'est certainement pas
de nous raconter une histoire, bien qu'il y en ait une puisque nous suivons
Vicky dans son quotidien. Le film peint davantage une ambiance, le sordide
est complètement évoqué: les couleurs, les images dont la mise au point
se fait avec une immense lenteur, la musique de night-club. Elle est tellement
présente qu'elle en devient lancinante et réussit à elle seule à nous
empêcher de sortir (ne serait-ce qu'un instant) de ce monde de tristesse,
dans lequel, finalement rien ne se passe. Bref un film sans énergie véritable,
il ne m'a pas laissé un grand enthousiasme, ça n'était probablement pas
le but.
Brigitte B. en V.O
2002, en ciné-club
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3.
Ce film (je ne connais pas la signification du titre) nous transporte
dans un milieu de désespérance. L'histoire est celle d'une femme en dérive.
C'est un quasi documentaire qui nous est proposé ou tout du moins en apparence
(narration, éclairages, mouvements de caméra, plans séquence) une description
d'un monde aux couleurs nuit, peuplé de personnages qui tentent, comme
Vicky, de se prouver qu'ils existent. Comme l'a justement indiqué LG dans
sa critique sur le site, l'intrigue est simple, il s'agit d'une femme
qui traîne sa vie. La caméra s'attache longuement sur ses errances et
le réalisateur s'emploie habilement à nous ballotter dans ce monde où
rien n'est important, juste le temps pour Vicky de voir les jours s'écouler
sans trop souffrir, toujours à la recherche d'une solution pour sa détresse.
Ce film ne nous montre pas une descente aux enfers mais, par sa narration
et son écriture singulières, il nous entraine dans un sentiment de lassitude
extrême, sans espoir de solution. Vicky erre dans cet univers citadin
et ne trouve, malgré les échappatoires qu'elle entrevoie (sa relation
avec Jack, avec les deux frères) que des voies sans issues. La dernière
image est une confirmation de cette situation, un long plan fixe sur une
rue enneigée qui n'offre aucune perspective.
FG vu en V.O en 2002
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