Millenium Mambo
Taïwan
Réal. : Hou Hsiao Hsien
2001

Avec : Shu Qi, Kao Jack

hips !

 

1.
Millenium Mambo fait partie de ces films étranges (mais fascinants) qui s'interrogent sur la narration cinématographique, ainsi que sur la notion même de mise en scène.
Cela demande au spectateur de faire un effort, de ne pas seulement se laisser porter par le récit, mais d'observer les choix du réalisateur, son étrange mode de narration, ses flash-backs inopinés, or c'est une position active indispensable qu'on n'est pas forcément venu chercher quand on vient s'asseoir dans une salle obscure. Hou Hsiao Hsien a l'habitude de bousculer les habitudes du spectateur et de le perdre dans les méandres de sa narration. D'où un certain nombre de réactions négatives, contrastées, compréhensibles au sortir des séances. Pour ma part, je suis arrivé dans la salle détendu, mais d'entrée méfiant vis-à-vis du cinéma de Hsien. Jusqu'ici, j'avais été complètement désarçonné par ses films, incapable de reconnaître ses personnages d'une scène à l'autre, incapable de me repérer dans la chronologie chaotique des différentes histoires. Bref, j'avais perdu pied dans les trois longs-métrages vus auparavant, sauf peut-être dans La Cité des douleurs (qui demanderait néanmoins une seconde vision); ma plus belle noyade ayant été celle de Good Men, Good Women, d'où j'étais sorti abasourdi d'incompréhension.
Or, dans Millenium Mambo, le nombre relativement limité des personnages, la simplicité de l'intrigue, m'a enfin permis de m'intéresser à la forme sans être accaparé par le fond, porté par la musique techno véritablement hypnotique ; j'ai alors eu le loisir d'apprécier l'originalité des différentes scènes, filmées pour la plupart en plans-séquences magistralement orchestrés (marqués, entre autres, par l'apparition de clés narratives -personnages, objets-dissimulés dans le décor ou arrivant subitement dans le champ de la caméra ; par le jeu très habile sur la mise au point, par l'organisation de l'espace et les mouvements des personnages), d'observer les partis-pris du scénario, le décalage troublant entre le texte-off et les images (la voix féminine commente des scènes qui n'apparaîtront que plus tard), la narration en un flashback sophistiqué (là encore, la chronologie est chamboulée, sans que vous soyez prévenu par un quelconque signe de la mise en scène).
Par certains aspects, Millenium Mambo ressemble au dernier film de Rohmer (L'Anglaise et le duc), dans la mesure où ce n'est pas vraiment ce qui est raconté qui importe, mais bien la manière dont le metteur en scène s'exécute, comment il met en forme une histoire.

Et en définitive, ce chaos organisé est aussi d'une certaine manière, parfaitement en phase avec la jeunesse taïwannaise que le réalisateur dépeint (et on appréciera de surcroît le très beau portrait de femme proposé).
Alors, des amateurs ?

Laurent G., vu au Méliès à Pau en 2001


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2.
Avis à ceux qui n'ont pas encore vu le film : si vous venez juste d'arrêter le tabac , c'est un film à éviter. Description pour le moins crue de l'univers de la défonce, le film rôde autour de deux personnages: Vicky et Hao- Hao, en détresse sociale, probablement physique mais surtout psychologique . Ils sont jeunes, elle est belle, ils sont perdus et cela semble irrémédiable. Un troisième personnage prend de plus en plus d'importance: Jack, plus mûr et on peut imaginer un bref instant qu'il sera une aide réelle pour la jeune femme. Pure illusion :il appartient lui aussi, d'une autre manière, à cet univers glauque. L'objectif du réalisateur n'est certainement pas de nous raconter une histoire, bien qu'il y en ait une puisque nous suivons Vicky dans son quotidien. Le film peint davantage une ambiance, le sordide est complètement évoqué: les couleurs, les images dont la mise au point se fait avec une immense lenteur, la musique de night-club. Elle est tellement présente qu'elle en devient lancinante et réussit à elle seule à nous empêcher de sortir (ne serait-ce qu'un instant) de ce monde de tristesse, dans lequel, finalement rien ne se passe. Bref un film sans énergie véritable, il ne m'a pas laissé un grand enthousiasme, ça n'était probablement pas le but.

Brigitte B. en V.O 2002, en ciné-club

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3.
Ce film (je ne connais pas la signification du titre) nous transporte dans un milieu de désespérance. L'histoire est celle d'une femme en dérive. C'est un quasi documentaire qui nous est proposé ou tout du moins en apparence (narration, éclairages, mouvements de caméra, plans séquence) une description d'un monde aux couleurs nuit, peuplé de personnages qui tentent, comme Vicky, de se prouver qu'ils existent. Comme l'a justement indiqué LG dans sa critique sur le site, l'intrigue est simple, il s'agit d'une femme qui traîne sa vie. La caméra s'attache longuement sur ses errances et le réalisateur s'emploie habilement à nous ballotter dans ce monde où rien n'est important, juste le temps pour Vicky de voir les jours s'écouler sans trop souffrir, toujours à la recherche d'une solution pour sa détresse. Ce film ne nous montre pas une descente aux enfers mais, par sa narration et son écriture singulières, il nous entraine dans un sentiment de lassitude extrême, sans espoir de solution. Vicky erre dans cet univers citadin et ne trouve, malgré les échappatoires qu'elle entrevoie (sa relation avec Jack, avec les deux frères) que des voies sans issues. La dernière image est une confirmation de cette situation, un long plan fixe sur une rue enneigée qui n'offre aucune perspective.

FG vu en V.O en 2002