Coup de gueule : LES MULTIPLEXES


Je tenais simplement à vous faire part de ma stupeur lorsque je suis entrée dans le Gaumont multiplex près d'Annemasse ! Quelle abomination ! Je ne comprenais qu'à moitié les réticences de Brigitte, allant moi-même dans celui du centre ville de Grenoble et n'y trouvant pas de quoi crier "horreur". Après tout, un cinéma est un cinéma, tant que le film est bon et que la projection est de bonne qualité, je ne voyais pas trop l'intérêt de se restreindre au ciné-club. Et bien ce multiplex donne l'impression d'être réellement dans une société consommatrice de films, le but majeur étant de sortir les gosses et se goinfrer de pop-corn (la salle est une poubelle à la fin de chaque séance). Abominaffreux ! Le hall d'entrée est immense, sans âme, froid, totalitaire. Je ne me rendais pas compte à quel point les petits cinés du centre ville sont conviviaux et entraînent cette légère excitation précédant tout spectacle attendu. Même si parfois il faut rebrousser chemin parce que la salle est déjà pleine ½ heure avant la projection (ce qui fut le cas pour Parle avec elle...), un ciné à taille humaine est une chose à préserver... Mais je me dis que je ne suis certainement pas la seule à le ressentir ainsi et cela me semble de bonne augure pour la survie des petits ! Je reste donc optimiste!

Morgane LD.


Je ne peux que souscrire totalement à ce coup de gueule, tout en ajoutant deux ou trois réflexions sur le fonctionnement et la configuration de ces lieux qui tiennent plus du supermarché que de la salle de cinéma. Le concept d'un cinéma multisalle n'est pas, en soi, critiquable, et il faut bien avouer qu'il a le mérite de drainer un large public. Ajoutons que certains multiplexes comme l'UGC cité-cinés à Paris, passe même des films en version originale (j'y reviendrai un peu plus loin). Mais aussitôt entré, on voit tout de suite, comme l'observe Morgane, que le but de ces salles géantes est de vendre un maximum de produits dérivés, de l'alimentaire (popcorns et coca-cola hors de prix), le film étant véritablement un élément secondaire au sein de cette entreprise commerciale. Oh bien sûr, elles sont conviviales, ces salles d'attente aux fauteuils confortables qui permettent au spectateur de patienter avant le film. Mais elles n'ont pour seul but que d'immobiliser le chaland face aux comptoirs dégoulinants de sucre où un jeune boutonneux en uniforme n'hésitent pas à vous alpaguer au passage pour vous proposer un paquet de "happy blurp" ou une canette d'acoc aloc.
L'éclosion de ces multiplexes a considérablement transformé le paysage de l'exploitation cinématographique. Le danger immédiat est bien évidemment l'engloutissement des salles indépendantes, souvent incapables de soutenir la concurrence de ces groupes financiers, qui n'hésitent pas à se lancer dans des guerres des prix assassines pour les petits exploitants. A Nantes, par exemple, l'UGC propose des places à 10 francs pourtout le monde, ce qui ne manque pas d'attirer la population étudiante de la ville. L'entreprise se rattrape sur le pop corn. Pour en revenir aux films en vo proposés par
UGC, cette stratégie ne répond pas à un souci de "faire dans le culturel", mais bien vise bien à piquer la clientèle aux petits cinéma d'art et essai du centre parisien. On peut parier qu'une fois les petits concurrents élmiminés, UGC cesseront de faire de la vo et de passer de l'art et essai.
Bref, si on peut parler d'exception culturelle française en matière de cinéma, on ne peut pas dire que l'évolution du réseau de salles contribue à sa préservation. Ce n'est pas gai mais c'est comme ça.
Alors, allons dans les cinémas d'art et essai !

Laurent Goualle

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Brigitte en rajoute une couche :
Je suis bien placée pour comprendre le "haut le cœur" de Morgane L D. et j'adhère complètement à ce qu'elle dit, l'éclairage de Laurent sur la question ne m'a pas réconfortée : j'avais pensé aux implications réellement dangereuses pour la survie des petits cinémas de quartiers mais pas au réel problème que Laurent soulève et qui concerne notre accès à la VO dans les années à venir. J'en étais restée à une impression désagréable et très subjective sans penser à l'aspect pieuvre tentaculaire de ces implantations. Effectivement le multiplexe draine très bien la clientèle : dans mon coin, il est parfaitement situé pour s'octroyer le public des petites agglomération environnantes mais aussi de Genève : accès facile direct par bretelle d'autoroute, sans péage !! parking assuré. Chez nous les places ne sont pas à 10f : une étude de marché a certainement été faite, il n'y a pas d'étudiants et la Suisse toute proche permet aux Helvètes de voir les films aussi rapidement qu'à Genève pour un moindre prix, le taux de change n'est pas encore en faveur de l'euro. Bref, tout est prévu selon les bassins d'exploitation dans lesquels s'installent ces super-marchés du cinéma.

Brigitte B Mai 2002