Navigators
(The) autres films de Ken Loach sur le
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1. Michelle G., vu en 2001 à Rennes (vo) 2. Il s'attaque dans "the navigators" aux multiples dysfonctionnements provoqués par la privatisation et le morcellement en multiples concessions de la british rail (la sncf locale). C'est quelquefois risible (la scène du début est irrésistible de drôlerie : le responsable du dépôt annonce au personnel que leur employeur a changé dans un discours à la Messier), incohérent (plusieurs équipes concurrentes doivent effectuer le même travail au même moment) et pour finir écoeurant (mais je ne vous dévoilerai pas la fin). Les acteurs sont très crédibles (je crois qu'il y a des vrais cheminots dans le lot), on a par moment l'impression de visionner un documentaire tellement les situations apparaissent réalistes (cf. son docu sur la grève des dockers). Ken Loach s'applique à montrer tous les travers de cette économie moderne soit disant plus rentable et productiviste en suivant la vie de ces salariés du "nouveau rail". Au final on a vraiment envie de détester ce train là. Marco S., vu au Zola à Villeurbanne au cours du festival du film Britannique 3. Laurent G., vu en Océania, année 2002 4. CAR C'EST BIEN DE CELA QU'IL S'AGIT Le
film est fait à partir de détails de vies quotidiennes, familiales, avec
ces petits morceaux de vies humaines ( Mick devient insupportable pour
sa femme quand il se retrouve sans travail, la petite Rose a besoin d'un
verre de lait au moment " hot"…) Ces vies ne sont jamais larmoyantes,
le réalisateur a définitivement adopté le ton de l'humour : scène des
fleurs dans la boîte à lettres, les épisodes avec Harpic, le déversement
des WC sur la voie.. et on ne peut tout citer car l'humour est présent
dans la quasi totalité du film. BB, Vu en VO en ciné club 5. Chacun s'en sort comme il peut, il reste entre les hommes la simple complicité des hommes d'une même corporation qui se tapent les cuisses en se moquant amicalement entre eux. C'est sans concession mais également sans insistance sur l'aspect dramatique de la situation que le réalisateur nous glisse dans cette mascarade, (je n'ai vraiment pas vu passer le temps !) mais ce film n'est pas une caricature, c'est le parfait reflet d'une logique implacable (économique) qui laisse peu à peu les hommes s'égarer loin du sens véritable que le travail peut leur donner. François G. vu en V.O en 2002 6. Je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit par Brigitte, Laurent, Marco... car je partage pleinement leur point de vue mais je souhaiterais, malgré tout, montrer que derrière l’arbre se cache une forêt….. Je vais tenter de donner le point de vue d’une économiste qui a travaillé sur le système éducatif anglais, considéré comme un quasi-marché, c’est à dire ni complètement privatisé ni complètement public … Oui, ce pays est un lieu d’observation et d’expérimentation pour les chercheurs en économie au détriment, certes, de la qualité de vie d’une partie de la population (et pas uniquement les ouvriers). C’est cynique mais c’est vrai. Tous les gouvernements anglais (conservateurs ou travaillistes, cf le projet de Tony Blair concernant le tube (métro) londonnien) depuis plus d’une décennie se lancent à tour de bras dans la déréglementation, la libéralisation, la privatisation, la marchéisation (les termes ne manquent pas) des entreprises ou organismes publics. Ken Loach a choisi la maintenance des voies de chemin de fer, il aurait pu choisir de décrire les conséquences de la mise en concurrence des transports en commun de la ville Newcastle upon time dans le nord de l’Angleterre (bus à gogo, absence de coordination dans les correspondances, ou encore bouchons assurés dans tous les coins de la ville pendant des mois), ou encore la mise en concurrence des Colleges anglais (publicité ventant les mérites de tel ou tel collège sur les bus scolaires, publication annuelle dans la presse locale des performances des élèves de tous les établissements scolaires, risque élevé de ségrégation sociale entre les écoles). Mais ce n’est finalement pas un hasard qu’il ait choisi ce secteur. La privatisation met en péril la vie des salariés de la maintenance.Il aurait pu aller plus loin et montrer que cela touche également la sécurité et donc la vie des citoyens-voyageurs. Mais cela n’est pas vraiment nécessaire, inconsciemment ou consciemment, cette idée nous a sans doute tous effleuré l’esprit. Bref, il est malin Ken Loach : dans ce secteur, les conséquences sont dramatiques ! Mais Ken Loach reste
relativement prudent et il a raison. Il n’explique pas, par exemple, le
processus de privatisation: qui décide, comment, en combien de temps,
quel tarif, quel air géographique. Il esquive le pourquoi! Normal, c’est
un sujet d’une extrême complexité, très convoité par les chercheurs en
économie (cf Alexis G). Tomber dans l’idéologie (d’un bord ou de l’autre)
est chose facile mais tenter de déterminer réellement ce qui sera le mieux
pour la société est une autre pair de manche (passez moi l’expression). Bref, to privatize or not to privatize, that is the question! Et pour répondre à cette question : il faut s’en poser bien d’autres : quels sont les biens indubitablement publics? Que fait on de ceux qui sont à mi chemin? Dans la théorie économique, un bien public doit être financer publiquement. Ok, mais la production doit-elle resté publique? Pas forcément: les producteurs peuvent recevoir un financement public mais être soumis à concurrence (il passe alors un contrat avec l’Etat ou les collectivités territoriales de 2 à 5 ans, après quoi, leur refinancement est soumis à discussion). Vous aurez compris, j’espère, mon message: l’affaire est complexe. Ken Loach traite ce sujet avec une extrême humilité en ne cherchant pas à expliquer les tenant et les aboutissants, il ne tombe ni dans la patos, ni réellement dans l’idéologie. A mon sens, il reste pragmatique et réaliste : c’est une position très sage sur un sujet aussi brûlant. Morgane, vu en 2002, à Grenoble. 7. Aux Etats-Unis, en Californie, une réflexion insuffisante quant aux institutions d’enchère et de coordination adéquates à la dérégulation s’est traduite par des sous-capacités chroniques dans le réseau électrique (pannes d’électricité pendant plusieurs heures, réquisitions de centrales par l’Etat californien pour fournir la Silicon Valley…). Au Pays de Galles, la dérégulation s’est avérée d’un grande complexité, faisant intervenir un régulateur qui gère toutes les 2 minutes des appels d’offre à une quinzaine de producteurs, en évaluant en temps réel les besoins de consommation. Après l’échec d’une première réforme, le régulateur anglo-gallois a engagé une campagne de réflexion sur les institutions d’échange alternatives susceptibles d’améliorer la performance du réseau. En France, la dérégulation d’EDF n’est plus non plus un tabou. Une équipe d’économistes… grenoblois s’est engagée dans une recherche, notamment pour le compte de EDF, afin d’examiner les conditions d’efficacité et d’application des institutions envisageables pour la dérégulation. En un mot, si la dérégulation est légitime, elle peut rapidement aboutir à des situations incontrôlables si les besoins de coordination sont mal évalués par le régulateur public. C’est précisément ce qui s’est passé en Angleterre avec les transports ferroviaires, ou la privatisation du gouvernement Thatcher a été menée sans modération ni précautions préalables. Le résultat a été désastreux. Le film illustre très bien les problèmes de coordination entre les différentes compagnies, les vagues de changement de propriétaire qui frôlent l’absurdité, la perte de compétence et la démotivation résultant de ce démembrement hâtif et – cela est plus grave – de non respect des normes de sécurité. Déréguler une industrie de réseau, c’est supprimer les standards de compatibilité en vigueur dans le réseau lorsqu’un monopole réglementaire les détient. Le problème se pose par exemple avec Microsoft. Si d’aucuns s’accordent sur son démembrement, les modalités de celui-ci achoppent justement sur la question de la suppression éventuelle du standard Windows, devenu standard mondial. Dans les transports ferroviaires anglais, la suppression du standard d’un billet unique se transforme alors en tracasseries quotidiennes pour l’usager anglais, contraint d’acquérir des tickets différents pour des portions de trajet parfois minimes (mais acquises par des compagnies privées car rentables). Les tarifs n’ont alors plus de lisibilité, les prix perdent leur pouvoir informatif. Voilà un point de vue d’économiste. Revenons sur le film de Ken Loach. Naturellement Ken Loach se situe bien en aval de ces débats et problèmes, qui sont une toile de fond de son film. Il filme ceux qu’il sait filmer : les travailleurs. Leur trajectoire individuelle face à une réforme qu’ils subissent. L’incrédulité joyeuse face aux premiers pas maladroits de la privatisation laisse peu à peu la place à la désunion, au réalisme, à l’individualisme. A cet égard le parcours le plus marquant est sans doute celui de (Jimmy ? Je ne m’en souviens plus de son prénom). Il reste d’abord le chantre du travail de qualité et respectueux des normes de sécurité, subissant pour cela les foudres de ses employeurs occasionnels privés. Il dérive progressivement, sous la pression de la nouvelle de son environnement de travail, vers le reniement de ses convictions, jusqu’au dénouement tragique où il se trouve le plus virulent pour masquer un travail au noir et conserver sa rémunération. Cela peut-être au prix de la vie d’un de ses amis. L’image finale est celle de trois cheminots – le sont-ils encore -, scellés dans une vie de mensonge autour d’un syndicaliste resté seul dans le dépôt désormais désert. Le temps des messages grandiloquents d’un avenir rayonnant par leurs éphémères employeurs a vécu. Il ne reste plus qu’une poignée d’hommes qui se sont adaptés à un système qui les a changés, sur fond de ciel grisâtre. Qu’en est-il après cette vision du point de vue de l’économiste ? Reste-t-il convaincu de la légitimité de la dérégulation ? Du point de théorique, oui. De plus, la réflexion sur les bonnes institutions permettant cette dérégulation avec efficacité reste un enjeu passionnant. Du point de vue politique, cependant, il est amer face à l’usage qui a été fait des préconisations de sa théorie. Du point de vue social, enfin, il réalise que les grandes questions économiques qui le passionnent reposent (encore ?) sur le travail humain. Les hommes, certains de ses collègues les représentent dans leurs équations et leurs modèles d’équilibre sous la forme d’une variable, le " facteur travail ". Parfois, ceux-ci ont souvenance que ce facteur regroupe des individus, des êtres humains. Des vrais gens. Parfois, on doit le leur rappeler. Comme le fait Loach. AG. Vu à Grenoble en janvier 2002. |