1. No man's
land : Où comment se retrouver chat noir chat blanc dans une tranchée
délaissée du front bosnio-serbe ?
A la suite d'une
erreur d'orientation deux soldats bosniaques se retrouvent malgré eux
emprisonnés dans une tranchée au beau milieu du front avec pour compagnie
un soldat serbe envoyé en patrouille dans ce même trou. Le hic est que
l'un des deux bosniaques est couché sur une mine (un seul geste la ferait
exploser). C'est donc le conflit insoluble qui réapparaît à l'échelle
de ces individus, dans ce boyau misérable, ils se haïssent, mais vont
réussir malgré tout à se trouver des points communs (une maîtresse commune
?) avant de se trahir à nouveau. Et L'affaire se compliquera encore lors
de l'intervention de la Forpronu (des soldats francais qui se demandent
à tout moment quel est le sens de leur mission).
Une vision grinçante de cette guerre où chaque camp accuse l'autre d'avoir
commencer les hostilités et où les instances internationales sont ridiculisées
: "les chefs absents, sont en séminaire de communication à Genève". Le
film n'épargne pas non plus les médias compatissants, mais "vautours"
toujours avides de montrer à leurs spectateurs "en direct live" les pires
atrocités.
Marco
S., vu en 2001
2.
On pourrait dire de ce film que son scénario
(primé au festival de Cannes 2001) constitue à la fois son
plus grand défaut et son meilleur atout. En effet, on pouvait redouter
que le schématisme de l'histoire (un Serbe et un bosniaque réunis
dans une tranchée entre les deux lignes) ne vienne alourdir le
discours. En effet, No Man's Land n'échappe pas à
certains de ces travers, et au bout d'un quart d'heure on se demande comment
le film va pouvoir rebondir. Mais il y parvient de façon tout à
fait originale, dès que la Forpronu et les médias s'en mêlent.
On se rend compte finalement que les options scénaristiques étaient
justifiées et parfaitement adaptées au sujet : l'horreur
et l'absurdité du conflit s'expriment à merveille au fond
de cette tranchée, devenue le point de focalisation tragi-comique
d'un drame où viennent se succéder les acteurs extrémistes,
les arbitres impuissants et les spectateurs avides du conflit.
Laurent
G., vu en 2001
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3.
Puisqu'il ne faut surtout pas laisser filer No Man's Land sans
participer au débat, j'ai envie de dire combien j'ai ri et pleuré devant
ce film. Oui, on est malmené(e), trituré(e) par cette histoire (que vous
connaissez déjà) parce que finalement, nous étions tous là quand c'est
arrivé. Mais si, mais si, rappelez-vous, les bombardements, les exodes,
les enfants hagards sur les routes... on les a tous vus. Bon, nous n'étions
pas dans cette tranchée mais il faut vraiment être borné(e) pour se rassurer
en se disant que c'est de la fiction. Bien sûr que non ! C'est arrivé.
En tout cas, moi j'y étais et je n'ai rien fait. C'est mon premier constat,
triste à pleurer. Et pourtant on rit, invité que l'on est dans ce trou
à rats, en quatrième larron. Devant la brutalité de la situation, le ridicule
des propos, l'humanité et la bestialité qui se partagent le coeur des
hommes, le sordide rôle joué par les média ou encore la grandiloquente
inutilité de l'ONU, on rit... de la connerie de la guerre. (Poncif ? Cliché
? Merde, ça fait quand même du bien de le redire.) ça n'est pas une farce,
ça n'est pas trucculent comme les films de Kusturica ; c'est un film honnête
et vrai sur une guerre qui fut très bien "couverte" par les média et "encadrée"
par la Forpronu. Et dont on a tout vu. Et dont on ne savait rien.
Cécile L.,
vu en 2001
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4.
Allo ! ici B.B : armez vous de patience, je n'ai pas la capacité
d'être concise.
A PROPOS DE No Man's
Land
Il ne s'agit pas seulement
de l'histoire d 'un serbe et d'un bosniaque dans une tranchée. C'est l'histoire
des serbes et des bosniaques, celle des serbes et bosniaques vivants.
C'est aussi l'histoire
des morts : ceux que les vivants ne pourront pas oublier parce que ces
gens là, ils les ont connus, ils les ont aimés… qu'avons nous à dire à
cela ??? C'est encore l'histoire d'une bombe "rebondissante" sous un être
humain (à la tombée du jour). Cette bombe là : c'est notre histoire, à
nous, les "occidentaux " !
Tanovic nous le dit,
c'est très discret mais très vrai : les accords de paix dans l'ex-Yougoslavie
nous rassurent-ils? nous avons tort, le réalisateur nous le rappelle de
manière symbolique : nous sommes dans l'illusion. Nous attendions tous
la tombée du jour, mais " de quoi sera fait DEMAIN ? C'est la dernière
image du film.
Les médias sont mis en cause, mais finalement on se rend bien compte que
la journaliste de base, sur le terrain, est tout de même un peu plus"
clean" que ses patrons, au chaud, dans les bureaux (même si elle n'est
pas parfaite, cette femme de scoop ! !) Les forces de l'ONU sont mises
en cause, mais pas le soldat de base. Il n'est pas ridicule, le sergent
et il est le seul.
Le scénario est-il
trop " bien écrit" ? Des détails d'une précision de rasoir sont quelque
chose que j'aime, en voici un exemple : l'inquiétude des bosniaques à
l'égard du Rwanda est d'un humour aussi noir que le destin rwandais et
cet humour est plus noir que la nuit qui va tomber sur la tranchée : à
nous de traduire :pourquoi cette référence au Rwanda !
C'est ça notre responsabilité et Tanovic nous dit : voilà les dégâts
de l'ONU sur la planète. Est-ce trop bien écrit ? à mon avis les choses
sont à peine suggérées.
Danis Tanovic est bosniaque,
étudiant en 1ére année de cinéma, lorsque la guerre civile s'installe,
il s'engage, par la force des choses, dans l'armée bosniaque de résistance
qui se constitue. L'armée yougoslave était en quasi totalité serbe. Ceci
explique pourquoi, dans le film, les bosniaques sont en tee-shirts et
baskets et les serbes en " costumes " militaires mais Tanovic nous montre
aussi que, dans cette armée serbe, il y a des gens qui sont des " paumés
" de la guerre civile, ceux qui n'ont rien à voir avec le nationalisme
exacerbé, l'un des héros : Nino, est un serbe dont la soldatesque se moque
et on l' envoie le plus vite possible à la tuerie pour s'en débarrasser
(il y a ici aussi l'ombre de la guerre 14/ 18 )
Il n'est pas possible de voir ce film sans penser à toute la symbolique
qu'il transporte. Il m'est sans doute un peu facile de m'exprimer car
j'ai posé un certain nombre de questions au co- scénariste du film (chez
Noé- prod) ami de Danis Tanovic. Au fil de l'histoire, la situation s'est
transformée et il nous reste, dans la tranchée :
*un Serbe mort (on a tendance à l'oublier celui là , mais son geste a
été déterminant : c'est tout de même lui qui a posé la bombe) ceci demande
une traduction : sur le plan de la politique internationale, la répartition
des territoires entre serbes, croates et bosniaques est une véritable
bombe et cette répartition a donné raison aux serbes.
*un serbe survivant : Nino. Il sera sauvé… pour être tué
* deux bosniaques vivants (l'un, condamné à l'immobilisme est loin d'être
mort : c'est lui la bombe vivante : celle qui est encore d'actualité là
bas, celle qui a été acceptée par l'occident et ses" pseudo" accords de
paix). Ce bosniaque , sur sa bombe , est une entité très forte: il ne
peut rien, même sa parole ne sert à rien, il est un simple symbole : la
situation en ex-Yougoslavie reste "posée sur une bombe rebondissante"
même si cela nous arrange de l'oublier. Ciki : est lui aussi " sauvé"…
pour être tué.
Absurdité totale.
La musique
Elle aussi est riche d'enseignements : Tanovic en est le compositeur.
La berceuse
du début est " a capella " (c'est à dire dans la solitude de la voix humaine)
elle se transforme en une nostalgique mélopée accompagnée par des percussions
lourdes ! ! ! Nous devons attendre la fin du film pour la retrouver
: la boucle est bouclée.
Elle est la seule musique " off" de ce film : pas question de rêver !
Pour les musiques
" in", Tanovic a fait des choix de précision : la technologie du Walkman
(et son individualisme) pour la présence occidentale (le jeune casque
bleu).
La musique traditionnelle pour les nationalistes serbes (l'accordéon du
gamin qui agace d'ailleurs !!! un des soldat de la force Pronu) l'apparition
de cette musique à l'écran : ce jeune garçon avec son immense accordéon
, n'est pas sans suggérer la décadence des empereurs romains (vision très
personnelle).
Pour le camp des bosniaques : la musique qu'ils entendent est celle de
la radio. Ce choix est révélateur : ils sont tournés vers l' extérieur
, ils attendent beaucoup de l'occident .
J'ai quelque chose
à dire à ceux qui n'ont pas encore vu le film : écoutez pour moi le chant
du "rossignol bosniaque" (je l'ai raté ! !) C'est un véritable oiseau
qu'on ne rencontre pas ailleurs. Le film ayant été tourné en Slovénie
, c'est Tanovic lui même qui l'a imité en sifflant ce chant de rossignolet.
(il est musicien et fils de musicienne).
Vu en novembre 2001
B.B
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