A
observer une Amérique auto-proclamée en guerre depuis le
11 septembre 2001, on pouvait se demander quel serait l'effet des attentats
du World Trade Center sur la représentation de l'armée américaine
au cinéma.
D'une part, en effet, cette image est souvent tributaire du contexte politique
et international (Deuxième guerre mondiale, guerre froide) ; d'autre
part on pouvait aussi s'attendre à ce que les réunions des
membres du cabinet Bush avec les producteurs hollywoodiens sur le contenu
des films post-11 septembre produisent leur effet.
Après Ridley Scott et le thème de la défaite (La
fin du Faucon noir), Nous étions soldats apporte un
début de réponse. Rappelant les films de propagande tournés
pendant la seconde guerrre mondiale sous la houlette de l'Office of War
Information, il s'efforce de mettre en valeur la bravoure d'une troupe
de soldats partis se faire massacrer sur une colline du Vietnam du Sud.
Il semble ainsi inaugurer un retour du patriotisme guerrier au cinéma,
tendance qui n'avait jamais vraiment totalement disparu des écrans,
mais que le Vietnam et la fin de la guerre froide avaient considérablement
entamée.
Ici, la thématique de la défaite traumatisante, généralement
développée dans les films sur le Vietnam, est totalement
évacuée (la victoire conclut la bataille).
Le personnage interprété par Mel Gibson est, à tous
égards, un modèle : il traite ses boys comme ses 5 enfants
(c'est un bon papa gâteau, protecteur et tolérant : le parallèle
est particulièrement appuyé)
Sa femme (Madeleine Stowe, attiffée comme dans un film d'Almodovar)
est un modèle de courage, distribuant les faire-parts de décès
à ses voisines la larme à l'oeil, mais le pas vaillant.
Tous les personnages se font trucider avec un parfait sens du devoir,
en toute connaissance de cause, tous fiers de donner leur sang pour leur
patrie, et pour finir Mel l'invincible regrette même de ne pas être
mort avec ses boys...
Une nouveauté : le scénario ménage les Vietnamiens,
dont les officiers mènent une intelligente bataille tactique contre
notre héros-colonel : on retrouve un peu cette complicité
entre officiers qui apparaissait de manière si déplaisante
dans L'enfer du devoir de William Friedkin). D'ailleurs l'armée
est un modèle d'intégration et d'assimilation. La preuve
: les noirs eux aussi meurent avec le sourire.
Par ailleurs,
le film multiplie les scènes de combat assez spectaculaires et
plutôt réussies, même si Wallace, le réalisateur,
ne s'est pas gêné pour emprunter des idées (et des
scènes entières) à Raoul Walsh (Aventures en Birmanie).
Tout semble
donc plaider pour l'efficacité des G.I's, dont le sens du sacrifice
et l'efficacité ne sont plus à démontrer.
Il ne fait guère de doute qu'un tel discours a pour but de rassurer
le public américain, car l'exploit des hommes de Gibson en territoire
ennemi, contre un adversaire caché dans les collines et terré
dans des tunnels, peut être interprété comme un clin
d'oeil à peine déguisé au combat des troupes américaines
en Afghanistan : un conflit long et difficile, avec des morts, mais la
victoire au bout. On verra donc dans ce film une oeuvre de propagande,
certes plus réussie et moins grossière que les films du
sinistre Roland Emmerich (Independence Day, Stargate, The
Patriot - tiens, aussi avec Mel Gibson), mais rappelant l'époque
40-45, quand Hollywood soutenait l'effort de guerre.
Parions que
d'autres films plus explicites encore viendront bientôt renforcer
ce discours patriotique (Behind Enemy Lines de John Moore, déjà
sorti aux Etats-Unis,
par exemple).
Laurent
Goualle, vu en 2001
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