Nous étions soldats
(We Were Soldiers)
2002
Etats-Unis
Réal. : Randall Wallace
avec : Mel Gibson, Madeleine Stowe



A observer une Amérique auto-proclamée en guerre depuis le 11 septembre 2001, on pouvait se demander quel serait l'effet des attentats du World Trade Center sur la représentation de l'armée américaine au cinéma.
D'une part, en effet, cette image est souvent tributaire du contexte politique et international (Deuxième guerre mondiale, guerre froide) ; d'autre part on pouvait aussi s'attendre à ce que les réunions des membres du cabinet Bush avec les producteurs hollywoodiens sur le contenu des films post-11 septembre produisent leur effet.
Après Ridley Scott et le thème de la défaite (La fin du Faucon noir), Nous étions soldats apporte un début de réponse. Rappelant les films de propagande tournés pendant la seconde guerrre mondiale sous la houlette de l'Office of War Information, il s'efforce de mettre en valeur la bravoure d'une troupe de soldats partis se faire massacrer sur une colline du Vietnam du Sud. Il semble ainsi inaugurer un retour du patriotisme guerrier au cinéma, tendance qui n'avait jamais vraiment totalement disparu des écrans, mais que le Vietnam et la fin de la guerre froide avaient considérablement entamée.
Ici, la thématique de la défaite traumatisante, généralement développée dans les films sur le Vietnam, est totalement évacuée (la victoire conclut la bataille).
Le personnage interprété par Mel Gibson est, à tous égards, un modèle : il traite ses boys comme ses 5 enfants (c'est un bon papa gâteau, protecteur et tolérant : le parallèle est particulièrement appuyé)
Sa femme (Madeleine Stowe, attiffée comme dans un film d'Almodovar) est un modèle de courage, distribuant les faire-parts de décès à ses voisines la larme à l'oeil, mais le pas vaillant.
Tous les personnages se font trucider avec un parfait sens du devoir, en toute connaissance de cause, tous fiers de donner leur sang pour leur patrie, et pour finir Mel l'invincible regrette même de ne pas être mort avec ses boys...
Une nouveauté : le scénario ménage les Vietnamiens, dont les officiers mènent une intelligente bataille tactique contre notre héros-colonel : on retrouve un peu cette complicité entre officiers qui apparaissait de manière si déplaisante dans L'enfer du devoir de William Friedkin). D'ailleurs l'armée est un modèle d'intégration et d'assimilation. La preuve : les noirs eux aussi meurent avec le sourire.
Par ailleurs, le film multiplie les scènes de combat assez spectaculaires et plutôt réussies, même si Wallace, le réalisateur, ne s'est pas gêné pour emprunter des idées (et des scènes entières) à Raoul Walsh (Aventures en Birmanie).
Tout semble donc plaider pour l'efficacité des G.I's, dont le sens du sacrifice et l'efficacité ne sont plus à démontrer.
Il ne fait guère de doute qu'un tel discours a pour but de rassurer le public américain, car l'exploit des hommes de Gibson en territoire ennemi, contre un adversaire caché dans les collines et terré dans des tunnels, peut être interprété comme un clin d'oeil à peine déguisé au combat des troupes américaines en Afghanistan : un conflit long et difficile, avec des morts, mais la victoire au bout. On verra donc dans ce film une oeuvre de propagande, certes plus réussie et moins grossière que les films du sinistre Roland Emmerich (Independence Day, Stargate, The Patriot - tiens, aussi avec Mel Gibson), mais rappelant l'époque 40-45, quand Hollywood soutenait l'effort de guerre.
Parions que d'autres films plus explicites encore viendront bientôt renforcer ce discours patriotique (Behind Enemy Lines de John Moore, déjà sorti aux Etats-Unis, par exemple).

Laurent Goualle, vu en 2001

Retour liste