Objet voguant
non identifié
Le nouveau film de Wes Anderson nous projette dans un univers aussi loufoque
qu'attachant. Difficile de faire le point sur une œuvre complexe, véritable
kaléidoscope visuel et mental.
Le film propose une focalisation interne très intéressante : le tournage
du dernier film du commandant Zissou, clone burlesque et mégalo du regretté
commandant Cousteau. C'est un peu comme si Ed Wood se lançait dans le
documentaire océanographique. Wes Anderson nous entraîne dans une comédie
décalée au rythme très particulier (qui pourra rebuter certains). Comique
de situation. On ne se lasse pas de la poésie du tanker/baleine ; des
errements scientifiques d'un commandant chasseur de licornes et autre
créatures farfelues ; du look complètement déjanté de l'équipe Zissou
: du caméraman indien enturbanné de rouge au chanteur brésilien préférant
composer au lieu de surveiller l'océan en passant par le second allemand
en plein conflit oedipien. Comique de parodie dans la présentation de
la calypso version Steve Zissou sorte de navire expérimental qui flotte
on ne sait comment ou la délirante opération de secours menée contre des
pirates philippins à la croisée du Soldat Ryan et Des bronzés.
Comique par la succession de déveines : rien ne fonctionne dans l'entreprise
des pieds nickelés de la mer à commencer par l'arrivée du fils présumé
du commandant (qui d'après sa femme est stérile) achevant la ruine du
couple Murray-Huston. La néo-famille Zissou est au final très touchante
entre ce fils et ce père totalement déconnecté : ne pas manquer les interrogations
du mari sur l'aspiration maternelle de sa femme !!! Wes Anderson arrive
à garder le cap entre dérision, peur, parodie et tendresse. On rit de
ses personnages (cf Jeff Godblum en scientifique playboy ) mais on s'attendrit.
Chaque personnage est taillé par l'humour corrosif de la fable et en sort
grandi.
Le film se construit comme un voyage vers nulle part. Difficile de savoir
en effet où chaque scène nous emmène : chasse au requin, expédition de
sauvetage. Toute la mécanique s'emballe derrière la douce folie d'un capitaine.
Chacun y va de sa petite crise de nerfs. L'humanité embarquée sur ce bateau-fantôme
semble désenchantée. Un conglomérat de frustrations et de problèmes existentiels.
Le bateau parait à chaque plan au bord de la crise de nerfs. Seulement
l'océan opère une magistrale thérapie de groupe. Totalement psychédélique,
ce monde sous marin sort tout droit d'un Némo qui aurait fusionné
avec Abyss. Le tout illumine, déconcerte mais au final nous apporte
une extase à nulle autre pareille. Wes Anderson entre dans le cercle fermé
des créateurs de rêve. Son film ne se laisse pas dompter facilement mais
il procure une irrésistible sensation de plaisir.
Hervé
L., Vu en 2005.
Retour
liste
|