La vie aquatique
(The Life Aquatic with Steve Zissou)
2004
Réal. : Wes Anderson
Avec : Bill Murray, Angelica Huston, Jeff Goldblum, Willem Dafoe


Objet voguant non identifié
Le nouveau film de Wes Anderson nous projette dans un univers aussi loufoque qu'attachant. Difficile de faire le point sur une œuvre complexe, véritable kaléidoscope visuel et mental.
Le film propose une focalisation interne très intéressante : le tournage du dernier film du commandant Zissou, clone burlesque et mégalo du regretté commandant Cousteau. C'est un peu comme si Ed Wood se lançait dans le documentaire océanographique. Wes Anderson nous entraîne dans une comédie décalée au rythme très particulier (qui pourra rebuter certains). Comique de situation. On ne se lasse pas de la poésie du tanker/baleine ; des errements scientifiques d'un commandant chasseur de licornes et autre créatures farfelues ; du look complètement déjanté de l'équipe Zissou : du caméraman indien enturbanné de rouge au chanteur brésilien préférant composer au lieu de surveiller l'océan en passant par le second allemand en plein conflit oedipien. Comique de parodie dans la présentation de la calypso version Steve Zissou sorte de navire expérimental qui flotte on ne sait comment ou la délirante opération de secours menée contre des pirates philippins à la croisée du Soldat Ryan et Des bronzés. Comique par la succession de déveines : rien ne fonctionne dans l'entreprise des pieds nickelés de la mer à commencer par l'arrivée du fils présumé du commandant (qui d'après sa femme est stérile) achevant la ruine du couple Murray-Huston. La néo-famille Zissou est au final très touchante entre ce fils et ce père totalement déconnecté : ne pas manquer les interrogations du mari sur l'aspiration maternelle de sa femme !!! Wes Anderson arrive à garder le cap entre dérision, peur, parodie et tendresse. On rit de ses personnages (cf Jeff Godblum en scientifique playboy ) mais on s'attendrit. Chaque personnage est taillé par l'humour corrosif de la fable et en sort grandi.
Le film se construit comme un voyage vers nulle part. Difficile de savoir en effet où chaque scène nous emmène : chasse au requin, expédition de sauvetage. Toute la mécanique s'emballe derrière la douce folie d'un capitaine. Chacun y va de sa petite crise de nerfs. L'humanité embarquée sur ce bateau-fantôme semble désenchantée. Un conglomérat de frustrations et de problèmes existentiels. Le bateau parait à chaque plan au bord de la crise de nerfs. Seulement l'océan opère une magistrale thérapie de groupe. Totalement psychédélique, ce monde sous marin sort tout droit d'un Némo qui aurait fusionné avec Abyss. Le tout illumine, déconcerte mais au final nous apporte une extase à nulle autre pareille. Wes Anderson entre dans le cercle fermé des créateurs de rêve. Son film ne se laisse pas dompter facilement mais il procure une irrésistible sensation de plaisir.


Hervé L., Vu en 2005.

 

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