1.
Du même réalisateur que Dans la peau de John Malkovich,
voici l'histoire d'un scénariste à qui l'on confie la
tâche d'adapter un roman profond et honnête au sein d'une
industrie hollywoodienne qui veut de l'action, de l'amour et une histoire
conforme aux recettes traditionnelles.
Normalement je déteste les histoires sur l'"inspiration
de l'écrivain" (cela semble trop facile), mais celle-ci
n'est pas mal du tout car elle est racontée de façon originale.
Qu'est-ce qui est nouveau? La réalisation (les étonnantes
séquences d'ouverture et de fin sur la nature), les personnages
(par exemple Nick Cage jouant à la fois un scénariste
vieillissant, gras et chauve et son frère jumeau-repoussoir),
les idées (les orchidées, la passion, la théorie
de l'évolution, l'amour et la séparation) et les dialogues
(tout ce qui sort de la bouche des acteurs est divertissant).
Malgré tout, quelque chose me fait hésiter à écrire
dans ma critique qu'il s'agit d'un film "génial" ;
il m'a divertit mais ne m'a pas totalement enflammé. La chute
m'a semblé être un peu trop bien empaquetée, le
film semble alors se trahir lui-même, à l'image du personnage
principal : incapable d'échapper à son destin, il "grandit",
trouve une morale, l'amour et puis des gens meurent au cours d'une poursuite
en voiture.
Je recommanderais fortement ce film si je ne lui trouvais en même
temps beaucoup de défauts. Là encore, je déteste
les histoires du type "Je suis l'écrivain, j'ai un blocage
d'écrivain." Je suppose que si vous êtes scénariste
vous l'apprécierez peut-être. Le scénariste du film
semble avoir beaucoup de talent, un blocage dans l'inspiration et une
obsession narcissique pour ses propres névroses. C'est un film
sur l'adaptation, d'accord, mais aussi sur la masturbation : physique,
émotionnelle et intellectuelle. Il est sans doute drôle
de voir un Nicolas Cage gras et à moitié chauve se masturber,
d'écouter un scénariste vieillissant se cogner la tête
contre sa machine à écrire et faire de touchantes remarques
sur sa propre "inadaptation" à la chaîne de l'évolution
humaine (il est aussi drôle d'observer son double inversé
: une brillante journaliste du New Yorker qui, au milieu des décombres
de son brillant mariage, tombe amoureuse d'un rôdeur des marais
chasseur d'orchidées un peu louche), mais c'est aussi un peu
morbide et triste.
Qu'est-ce que c'est que cette foutue histoire ? Une histoire authentique,
je suppose. La question est la suivante : veux-t-on vraiment voir cette
réalité soigneusement enrobée dans une fin formatée
à l'hollywoodienne? Une certaine adaptation pourrait bien être
nécessaire au public avant qu'il ne s'enflamme pour cette étrange
fleur des marais. En guise de consolation pour sa trahison de ses principes
artistiques, le scénariste introduit de force une fin vaguement
triste : Dieu empêche que la fille tombe dans les bras du héros
dans la scène finale !... donc, sur le plan de l'intrigue, nous
somme obligés d'être légèrement satisfaits,
d'une manière qui nous est assez familière (il est possible,
probable, qu'elle tombe dans ses bras). C'est un peu comme essayer de
faire un hamburger au foie gras arrosé de ketchup à emporter
au drive-in : c'est fabriqué avec de bons ingrédients
(acteurs, écriture, réalisation) mais comme ça
ne correspond pas au format, quand on l'engloutit trop vite, ça
laisse une boule dans la gorge et un arrière goût étrange
pour quelques jours.
Andrew
F.
(Traduit de l'américain)
version originale
2.
Le film de Spike Jonze se caractérise tout d'abord par son originalité
poussée à l'extrême.
Cette fois-ci, on se retrouve "dans la peau" d'un scénariste, Charlie
Kaufman (Nicolas Cage), en manque d'inspiration alors qu'il doit adapter
pour l'écran un roman à succès. Trois histoires s'entrecroisent : celle
du scénariste, celle de Susan Orlean (Meryl Streep), l'auteur du roman,
et celle du protagoniste de ce roman, John Laroche (Chris Cooper). Ces
existences vont être troublées à partir du moment où le scénariste viendra
s'immiscer dans la relation qui unit les deux autres.
La qualité des images, notamment celles d'une nature luxuriante, et
la capacité à surprendre le spectateur en permanence du film le démarque
des productions hollywoodiennes habituelles.
L'industrie cinématographique américaine est d'ailleurs au centre de
l'histoire. Nous suivons les errances d'un scénariste dont le travail
semble incompatible avec les notions de rentabilité et de spectaculaire
promises par Hollywood.
Les jeux d'acteurs sont également un des intérêts principaux du film.
Nicolas Cage est méconnaissable en vieux garçon aigri, gros et chauve,
ainsi que Meryl Streep en écrivain(e) B.C.B.G. qui devient cocaïnomane
après sa rencontre avec Chris Cooper. Celui-ci a été métamorphosé physiquement
pour son rôle, ce qui lui a valu dernièrement l'Oscar du meilleur second
rôle.
Le tourbillon de l'histoire emportera le spectateur. Les scènes se suivent
sans véritablement se ressembler (petit bémol peut-être pour les images
de violence, bien que nécessaires…).
Frédéric
G.
|