Cienaga (La)
Argentine
Réal. : Lucrecia Martel
Avec : Gracelia Borges, Mercedes Moran, Martin Adjeman.

c'est baignable?

 

Ca commence très fort, peut être trop fort. Une piscine sale. Une chaleur étouffante. Des membres gras et suants, engoncés dans des maillots de bain aux couleurs passées, encombrent l'avant-plan. Leurs propriétaires se servent en tremblant des verres de mauvais vin ou flottent quelques glaçons, font racler leurs chaises longues sur le carrelage, titubent, puis tombent, emportés par leur maladresse ethylique. Le décor est planté : la ciénaga (marécage), c'est à la fois la ville à proximité de laquelle évolue les différents membres de deux familles, c'est aussi la détresse morale qui engloutit peu à peu ces personnages, c'est aussi une métaphore de l'Argentine juste avant la crise. Si la première scène peut faire craindre un maniérisme et une mise en scène trop voyante, le reste du film passionne, car saisissant à la perfection, de façon à la fois (sur)réaliste et poétique l'existence d'une foule de personnages de plusieurs générations, et leurs relations chaotiques. Une constante impression de menace semble peser sur tout ce petit monde en décrépitude, qui s'enfonce peu à peu dans une résignation triste, dans une boue morale que ni la religion, ni l'innocence de la jeunesse ne parviendront à repousser. Il y a des accents bunueliens dans ce superbe mais désespéré film de la jeune réalisatrice Lucrecia Martel, qui a reçu le prix du meilleur scénario à Sundance, ainsi que le prix de la première oeuvre au festival de Berlin en 2001. Avec Pablo Trapero et son Mundo Grua, elle prouve que le cinéma argentin regorge de talents, malgré les difficultés économiques.

Laurent G., vu en 2002 à Pau