Elephant
2003
Etats-Unis
Réal. Gus Van Sant
Prix de la mise en scène, palme d'or et prix de l'éducation nationale à Cannes 2003
Interprètes : John Robinson (John), Elias Mac CONNELL (Elias), Alex Frost (Alex), Eric Deulen (Eric), Nathan Tyson (Nathan), Carrie Finklea (Carrie) Bennie Dixon (Benny), Thimothy Bottoms (le père de John), Matt Malloy (Mr Luce)

Autres films de Gus Van sant sur le forum :

Last Days

 

Bref synopsis : La vie dans un établissement scolaire aux Usa qui va vivre un véritable carnage

1.
Dans le cadre de l'ECJS (cours pour la citoyenneté, en gros), on a eu droit à "Elephant" ! Pffffff.....la plaie, je me suis dit ! Je résume : Dans ce film; nous sommes placés comme témoins des dégats de la société sur les ados. Résultat : C'est un carnage ! On sort du cinéma les jambes tremblantes et déboussolés. La première chose que je me suis dit, c'est un film de malade ! mais après coup, une heure de math plus loin et une heure de cocottes en papier on se rend compte que le malaise des ados est très bien exposé, on est mal à l'aise devant tant de désespoir. J'avais envie de pleurer mais je me suis retenue bien entendu, j'ai ma fierté ! C'est un film très dur à cause de la sérénité avec laquelle les jeunes passent aux actes lorsque les "pétasses" se font vomir et lorsque les matrix amateurs tuent leurs camarades et le personnel du lycée et tout ça rapporté par des personnages réels dans une ambiance suréaliste. Bref, pour aller voir ce film je vous recommande un entraînement à la Rocky I II et III. Il faut aller le voir, ne serait-ce que pour comprendre ces nouveaux ados ! sinon y a un personnage qui est trop beau c'est le photographe amateur qui avant de mourir réussira sa plus belle photo !

Madalen P., vu en 2003


2.
Après l'analyse sur le site, d'une adolescente : Magdalen, voici la vision d'un prof.
Difficile de parler du " néant " de la pensée et des émotions c'est pourtant ce que je retiens à ma sortie de ce film. Comme Madalen, je suis restée quelques heures à me demander à quoi rimait un tel film. Par contre je n'ai pas été perturbée par mes émotions, je n'en ai pas eu…. à croire que la déshumanisation mise en exergue dans ce film a bien fonctionné sur moi. Je suis allée le voir avec quelques idées préconçues (notamment sur l'emploi de la musique).
J'écris cette analyse alors que je m'apprête à revoir ce film. Je ne connais pas les subtilités de la civilisation américaine et encore moins le " vécu " des élèves ou étudiants dans les établissements scolaires. J'ai eu cependant le sentiment que bien que film de fiction, " Elephant " possédait quelque part de sérieuses connotations d'un " film documentaire ".
Si la vision de Gus Van Sant est réaliste, alors je suis contente d'enseigner dans un petit établissement où nous manquons souvent de place (nous râlons de manière quotidienne parce que nos espaces de travail sont trop petits, notre bibliothèque a tout à envier à celle du film !!!) cependant si Van Sant a voulu nous montrer la vie scolaire aux USA et si son film est réaliste j'en retire le sentiment d'une profonde déshumanisation, les élèves devraient être équipés de skate boards ou de patins à roulettes pour circuler dans ces immenses couloirs (la caméra nous les montrent avec des moyens techniques que je ne saurais analyser mais l'effet est réussi).
Il y a, comme le dit Madalen, une similitude certaine avec certains jeux vidéo (on voit d'ailleurs l'un des tueurs s'exercer à tuer dans la fiction du jeu vidéo) ce sentiment se conforte jusqu'à la fin du film : les tueurs sont à l'angle concret de la vie et de la mort (Certains élèves et adultes ont rendez vous avec la mort, d'autres non, c'est l'aléatoire du destin de chacun, un exemple : ceux qui peuvent sortir par la fenêtre de la salle de réunion sur l'homosexualité) pourtant il n'y a pas que de l'aléatoire dans la tuerie : l'un des tueurs cherche et trouve Nathan et Carrie dans la chambre froide de la cantine. Il y a d'ailleurs beaucoup à dire sur cette cantine. Finalement c'est un film sur lequel il y a des analyses à faire mais elles ne peuvent être que totalement subjectives.
Je crois aussi qu'outre le lien aux jeu vidéo, au vécu dans les établissements scolaires américains, il y a dans ce film, un clin d'œil au film " Shining " : le passage où le petit garçon circule dans des couloirs, où il disparaît à chaque angle avec un suspense traité par la bande son. Ici nous avons davantage un traitement par le jeu des caméras, je ne peux pas le décrire faute de compétences mais il me semble que Gus Van Sant joue sur la profondeur de champ et les effets de travelling. Il joue aussi sur les ellipses de temps, son langage cinématographique est morcelé de part en part : nous revoyons plusieurs scènes plusieurs fois sous des angles différents.
Un autre clin d'œil à " Shining " : la découverte du couple dans la chambre froide. Avant la projection du fillm nous avons eu le droit à un court métrage qui raconte " Shining " et qui nous soumet à un jeu vidéo, je ne sais cependant pas si ce court métrage fait partie du film ou non.
Nous avons quelques bribes d'histoire : John, émouvant dans le rôle du protecteur de son père, bribes d'émotion quand le père et le fils se rendent compte qu'ils ont l'un et l'autre échappé au carnage, Elias qui montre sa vision éthique de la photographie, le couple Nathan et Carrie. Nous pouvons aussi parler de Michelle qui est le souffre douleur des autres filles et qui s'occupe à la bibliothèque (peut-être pour donner un sens à sa vie).
Visiblement, c'est à nous de reconstituer les différentes histoires des personnages à partir de peu de données et avec les moyens qui sont en nous.
Il faut noter cependant que Van Sant nous montre des personnages féminins superficiels (leur dialogues sont niais au possible et elles sont caricaturés grossièrement, un exemple : les filles anorexiques et le passage dans les WC qui est à mon sens ridicule dans sa mise en scène. Peut-être en est-il ainsi aux States ???
Enfin j'ai été déçue par la musique, le premier passage de Beethoven (pendant la scène du terrain de sport) est intéressant mais sa mise en miroir avec la scène où le futur tueur " massacre " le morceau sur son piano ne m'a pas passionnée non pas parce que le passage est massacré mais parce que cette musique me semble grossièrement parachutée.
La musique " concrète " n'est pas réellement présente malgré tout ce qui en a été dit, il y a de bien meilleurs exemples dans d'autres films.
Pour une fois je ne critiquerai pas la trop grande présence musicale !!! Il m'est cependant étrange de constater que pendant le temps de projection je ne me suis jamais ennuyée comme je le fais pour les films qui ne me passionnent pas.
Cette interrogation me conduit vers la salle de ciné pour une 2ème vision d'un film qui me laisse perplexe.

Brigitte Boëdec Nov. 2003


3.
SUR ELEPHANT, UN FILM D'UNE EVIDENCE RARE ...
Je dédie cette première critique à Marie, une fille sympa qui a adoré The Hours (donc une fille bien et une cinéphile avertie potentielle) mais détesté Elephant !!! Mais comment est-ce possiiiiiiible ?!...(citation de Monstres et compagnie).


La première image d'un ciel bleu, presque originel en correspondance avec la dernière image d'un ciel noir apocalyptique...
Elephant tout entier est condensé dans ce merveilleux et bouleversant écho.
Entre ces deux images, l'adolescence et son mal-être crèvent l'écran. Jamais on ne nous a montré l'adolescence ainsi avec cette évidence-là, avec cette présence-là, dans toute sa diversité, dans toute sa fragilité et sa complexité...
Peu de dialogues mais du visuel, des expressions, des situations qu'on a tous connues ou vues et qui prennent ici une dimension rare parce que, tout d'un coup, elles ne sont plus banales ni ordinaires même si elles le restent fondamentalement.
Cette jeune fille si mal dans sa peau qu'elle ne peut se mettre en short...devant les autres.
Ce garçon amateur-photographe tellement passionné qu'il prend en photo son agresseur, ne réalisant pas ce qui est en train de passer devant ses yeux...
Cet adolescent aux cheveux jaune paille à qui une jeune fille brune donne un baiser, image qu'on aimerait arrêter comme elle l'est sur l'affiche, mais qui ,dans la vie, est noyée dans le temps...
Ce même adolescent aux cheveux jaune paille qui retrouve son père par un simple geste de la main sur l'épaule après l'horreur de la catastrophe...
Ce grand adolescent noir qui semble invincible dans sa démarche tranquille et sûre mais qui ne parviendra pas à arrêter la folie de la barbarie...
Ce couple amoureux qui ne parviendra pas à émouvoir celui qui a décidé de tirer sur toute personne présente à ce moment-là dans le lycée...
Et enfin cet adolescent qui reçoit des boulettes en cours de physique, joue du piano mais aussi à des jeux d'ordinateur ...et qui va tout d'un coup, on ne sait pourquoi et il n'y a pas d'explication rationnelle (c'est ce que peut-être Gus Van Sant veut nous dire et ce qui dérange tant!) à l'horreur absolue !
Oui, je crois que ce film rend palpables et précieux tous les petits riens de la vie parce qu'à chaque fois ils sont uniques et ne se reproduiront plus, surtout ici...d'où ces ralentis qui ne sont pas gratuits, d'où la même scène charnière tournée et retournée à plusieurs reprises selon des angles et des points de vue différents, comme si tout se trouvait là, dans ce noeud- là, à moins que ce ne soit pour savourer ce grand moment d'innocence et de charme avant le déclenchement de la terreur... même si la tension est constante dans le film par le fait qu'on colle aux pas des personnages, y compris dans la médiocrité de leurs dialogues, qu'on est habité par ce silence et ces couloirs vides et blancs.
On aimerait tant être bercé par la musique de Beethoven (lettre à Elise et sonate au clair de lune) mais on sait que cette douceur est impossible dans cette tragédie humaine qui nous apparaît alors par contraste d'autant plus insoutenable et terrifiante...

Béatrice A-C.

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