Hero
Chine
Réalisateur : Zhang Yimou
Acteurs : Jet Li, Maggie Cheung, Zhang Ziyi

 

1.
Les héros ne meurent jamais
On peut reconnaître une bonne chose à la trilogie Matrix : d'avoir accéléré la diffusion en Occident des grandes réalisations asiatiques. On peut lui reconnaître une autre qualité : d'avoir irrité les Asiatiques (rappelez-vous quelques critiques dithyrambiques faisant de ce film une œuvre visionnaire en niant l'apport asiatique). Avec Tigre et Dragon, Ang Lee rappelait que la chorégraphie visionnaire de Matrix reprenait ce que Honk Kong faisait depuis 20 ans et que les chorégraphes chinois étaient passés depuis à autre chose. Hero poursuit dans la même veine. 1ere force du film : loin de suivre tigre et dragon il se cantonne dans l'un des deux genres phares : le film de sabre. 2è force : le casting éblouissant. La méga star Jet li, la somptueuse Zhang Ziyi, l'éternelle Maggie Cheung entourés d'acteurs prodigieux (lame brisée éclatait déjà dans son rôle de manieur de lance dans La Princesse du désert). Le film propose comme Tigre et Dragon l'hommage à une génération bénie d'acteurs devenus stars par les arts martiaux. 3è force l'intrigue. Tortueuse, ambitieuse, bien maîtrisée, elle nous raconte trois versions d'une même histoire (petit clin d'œil à Rashomon de Kurosawa). le duel d'esprit entre l'assassin et l'empereur est bien mis en scène. Sobre, glacial, efficace. Nous sommes en plein cœur d'un jeu d'échecs. Le spectateur est lui-même perdu : comment trouver la vérité ? Les pistes se croisent, les indices s'accumulent, se contredisent. Toute la mécanique de l'invention joue à plein. Les combats méritent toute notre attention. Ils relèvent le défi imposé par Tigre et Dragon. La chorégraphie se libère de toute crédibilité pour libérer l'esprit des arts martiaux. Les guerriers planent, volent, marchent sur l'eau. il y a une touche poétique qui rappelle l'art des estampes. La combat sur le lac autour du tombeau est hypnotisant. 3è force : l'arrière plan historique. Il est intéressant de voie resurgir le personnage de Tsin Che Huang-ti, le 1er empereur et unificateur de la Chine. Présenté comme cruel, comme un dictateur, dans les vieux films chinois, voire plus récemment comme un fou mégalomane (cf L'Empereur et l'assassin), il est réhabilité au nom de la grandeur de son œuvre. D'ailleurs son traitement donne un relief particulier au film. Son contenu est éminemment politique : rappelle la grandeur de l'histoire chinoise et la noblesse du sacrifice pour la grandeur de l'Etat. Pour un peu le film est fascisant : l'homme n'est rien, l'homme doit tout à l'Etat. Film politique, Héro n'en reste pas moins un superbe spectacle qui cependant n'atteint pas les sommets de Tigre et Dragon.

Hervé L., vu en 2004


2. Un héro de propagande
Je serai un rien moins enthousiaste que Hervé sur ce Hero ô combien ambigu. Je n'ai rien à ajouter sur les chorégraphies, l'hommage aux films de sabre, etc. sinon pour dire que la complexité de l'intrigue m'a paru un rien forcée, parfois inutile, même si elle produit parfois de somptueux moments. Ce qui m'a gêné au plus haut point, c'est l'aspect vraiment "fascisant" - pour reprendre les termes d'Hervé - du film, qui nous laisse sur l'impression très désagréable d'avoir été manipulé. L'empereur tout puissant a raison, l'individu n'est rien et doit se sacrifier. Yimou justifie ainsi en quelques secondes tout un pan de l'histoire de la Chine et toute la période impériale. C'est du grand art, c'est aussi ce qu'on appelle de la propagande. A une période où la Chine s'ouvre économiquement sur l'occident, il est saisissant de voir avec quelle facilité le cinéma exonère opportunément les dirigeants du passé et justifie l'autoritarisme sous prétexte de grandeur et d'unification. Quand on sait qu'un film historique reflète beaucoup moins la période qu'il expose que la société qui l'a produit, on peut aisément et avec une certaine inquiétude, voir en ce Hero une justification auprès des occidentaux (car ce film nous est avant tout destiné) d'un néo-communisme qui n'a rien perdu de sa dimension répressive et autoritaire. Sous de fausses allures de film de sabre historique, Hero est une oeuvre de propagande au message très ambigu et vis-à-vis de laquelle il est indispensable de garder une certaine distance.

Laurent G., vu en 2003