1. Paris,
la nuit. Des ambulances, une boîte de nuit. Un homme est sauvagement
assassiné à coups d'extincteur après une bagarre.
On remonte le cours des événements pour comprendre le
déferlement de violence.
Admettons d'abord que Gaspard Noé n'est pas dénué
d'ambitions : sa structure scénaristique inversée, qui
n'est pas en elle-même originale (voir plus bas), participe du
caractère "irréversible" de l'histoire ; ses
acteurs font une formidable prestation (Cassel, Bellucci et Dupontel)
; son maniement de la caméra, si vomitoire soit-il (tout spectateur
normalement constitué se voit constamment contraint de tourner
la tête s'il ne veut pas décorer le siège de son
voisin avec son repas du soir) témoigne aussi de la folie et
de la spirale de violence du début du film.
Bon, arrêtons les éloges : derrière cette recherche
formelle, on a beau creuser, on peine à trouver un propos vraiment
original, et autre que ce "temps détruit tout", formule
dont la banalité fera pouffer de rire tout spectateur qui aura
surmonté ses maux d'estomac. Gaspard Noé n'a en fait pas
grand chose à nous dire, ce qui est tout de même fâcheux,
car du coup les scènes d'une violence insoutenable n'ont plus
aucune justification.
Une fois intégrée par le spectateur, la narration "à
l'envers" n'apporte plus grand chose au film, sinon un final grandiloquent
(et tout aussi vomitoire). Rien à voir avec le splendide récit
en flash-back de Peppermint
Candy, qui correspondait à une quête à rebours
d'une sérénité perdue (je renvoie à la critique
de ce film coréen sur le forum).
Le reste du film s'avère creux (malgré des citations kubrikiennes
un peu prétentieuses), même si partager l'intimité
de deux excellents acteurs n'est pas désagréable. En définitive,
Irréversible ressemble à un ballon gonflé
d'ambition qui se dégonfle très vite. Quant aux scènes
de violence, si elles correspondent à une volonté de créer
un scandale lucratif, ce n'est pas très malin. Si elles entendent
participer d'une "réflexion" (le mot est mal choisi)
sur le crime et sa vengeance, celle -ci, au regard de l'ensemble du
film, s'avère inconsistante. Irréversible,
peut-être, mais pas inoubliable.
Laurent
Goualle, vu au Méliès à Pau en 2002
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