Le Pacte des Loups
Réalisateur : Christophe Gans
Avec : Samuel Le Bihan, Mark Dacascos

 

1. L'expérience interdite
Christophe Gans est un réalisateur atypique. Admirateur du cinéma asiatique, son premier film Crying Freeman n'était sorti qu'en France et au Japon dans une totale discrétion, ce qui ne l'avait pas empêché de remporter un vif succès critique. Son nouvel opus sorti à grands fracas propose l'expérience ultime des mélanges de genre : Film historique, film d'aventure, film d'arts martiaux. Les 10 premières minutes du film donnent le ton puisque l'on retrouve pèle même Les Dents de la Mer, Il était une fois dans l'Ouest, 1789, la secte du Lotus Blanc. Le film se lit de trois façons. C'est d'abord une œuvre de cinéphile. Chaque plan scène est un hommage : le rêve de Samuel le Bihan par exemple. C'est un film à code qui se révèle un peu plus à chaque séance. C'est aussi un grand film d'aventure à la française. Gans sait tenir une caméra et exploite au maximum son débordement d'idée. L'histoire est passionnante et Gans utilise au mieux les données récentes de la recherche. Le Gévaudan fascine car nous sommes peut-être en présence du premier tueur en série. La force de gans consiste dans le traitement très moderne de l'intrigue à mi-chemin entre Sleepy Hollow et Le Silence des Agneaux. Gans se fait plaisir et nous enchante par son audace permanente. Aucune pause dans son film. Mais surtout Gans réussit son défi d'expérimenter le mélange des genres (pour ceux que le cinéma asiatique rebute, passez votre chemin). Les combats d'arts martiaux cadrent formidablement dans son film grâce il est vrai au personnage de l'Indien mais aussi par le talent de Gans. Il reprend à merveille le style de Hong Kong (gros plan, ralenti) sans forcer. La toute première donne le ton et lui permet d'avancer. Jusqu'à l'ultime duel, Gans saute du film historique, au film de sabre, à la romance, au film noir sans jamais perdre le fil. Que dire sinon que nous avons ici un ovni, une expérience unique (f les ratages complets de Vidocq ou d'Arsène Lupin), portée de main de maître par un grand cinéaste.

Hervé L., vu en 2001


2. Un monument d'égarement
Sans nier catégoriquement tout ce qui est dit ci-dessus, j'ai du film de Christophe Gans une vision tout à fait opposée. Si en effet le réalisateur n'est pas dénué de talent, ce film, c'est quand même du grand n'importe quoi. D'abord ce n'est pas parce qu'on se réfère à 15000 genres différents qu'on est forcément
bon. La référence cinématographique est devenue un sport chez beaucoup de cinéastes actuels et ne veut souvent plus rien dire. Or Christophe Gans ne se contente pas de multiplier les références, il y noie le spectateur, mélange tout et n'importe quoi, sans jamais faire le tri, si bien qu'on ne croit pas une seconde à son intrigue. Que l'on cite tel ou tel film, pourquoi pas, mais il faut que cela ait un minimum de sens. Or ici l'histoire, tout à fait sérieuse et documentée, ne justifiait en rien un tel déferlement de genres : le scénario, hormis deux ou trois éléments fantaisistes, est, comme l'a dit Hervé, est incroyablement fidèle à tout ce qu'on connaît sur l'histoire de la bête du Gévaudan à l'heure actuelle. Alors pourquoi nous égarer avec des arts martiaux gogo et des duels de far west si incongrus qu'ils en deviennent ridicules ? A l'arrivée on a un bien beau gâchis prétenteux et vain. Christophe Gans joue avec son film comme un enfant avec son jouet, il nous montre certes qu'il connaît le cinéma, mais sa cinéphilie l'égare, nous égare, et son film ne ressemble finalement à rien.

Laurent G., vu en 2001


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