les sentiers de la gloire
Beaucoup d'attente et d'ambition pour le nouveau long métrage de Jeunet.
Le film mélange de genres possède des qualités indéniables. Jeunet est
passionné par la Grande Guerre. Il a beaucoup lu et son film s'en ressent.
L'univers des tranchées de 1917 est très réaliste. Il se dégage de ses
images un univers sonore, mental : jeunet réussit son pari d'inscrire
sur sa bobine les témoignages de poilus. Nous découvrons avec stupeur
ce moment à part où, de la Champagne aux Vosges, les tranchées deviennent
le creuset de la république. La reconstitution et minutieuse dans les
moindres détails :architecture, abris précaires, profession des soldats,
origines géographiques. Toute la France est versée sans ménagement dans
le 1er conflit de l'âge des extrêmes (l'exécution à la guillotine revêt
un sens tout particulier : la violence quasi mécanique, institutionnalisée
matérialisée par le corps jeté sans égard dans une malle soulève les
ambiguïtés de cette France marquée par la Grande Guerre. Le passage
de la permission est touchant : toute la violence du conflit transparaît
dans les yeux de Jodie Foster découvrant ce qu'est devenu son homme.
Grande originalité du film, le côté allemand n'est pas oublié : la même
horreur, la même souffrance. On comprend mieux dès lors les errements
des années 20. Le monde de l'arrière permet à Jeunet de glisser adroitement
du film historique à la romance. Le Paris de 1920 est fidèlement reconstitué.
Par certains côté on a l'impression de se retrouver dans Amélie.
La touche de jeunet s'exprime dans ce subtil jeu de couleur, sépia,
verte. Le numérique vient à point nommé accréditer la vision de Jeunet
; mais loin des errements d'un Vidocq ou d'Arsène
Lupin, le numérique ne se surimpose pas à l'intrigue. la romance
raconte une jolie histoire d'amour, d'espoir et de fidélité agrémentée
de passages cocasses (cf. le postier ou le miracle de l'ascenseur !
!) et servie par une merveilleuse Audrey Tautou. D'ailleurs le casting,
somptueux, est superbement mis à profit. Notons le court passage de
Jodie Foster, lumineuse, formidable, ou les pérégrinations de Rouve
en facteur à cheval sur ses principes. Sommes-nous devant un chef d'œuvre
? Presque. D'abord l'histoire d'amour souffre de quelques longueurs,
(les passages sur l'enfance…..); quelques effets de style sont assez
mal venus (par exemple la scène du pont où Marion Cotillard ressemble
à Trinity de Matrix). Surtout les scènes de guerre sont un peu
trop retenues. Il n'y a ni le réalisme de la 1ere demi-heure de Il
faut sauver le soldat Ryan ni la portée de la Ligne rouge.
Surtout l'intrigue reste trop proche des Sentiers de la gloire. Toute
la dénonciation de la brutalité de la guerre, de l'inefficacité des
officiers reprend ce que Kubrick avait déjà montré. Mais ne boudons
notre plaisir. Le film est bon, très bon. Jeunet a tenu son pari de
mélanger les genres.. il s'impose comme un très grand cinéaste.
Hervé
L., vu en 2004
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