1.
Je viens d'aller voir le film coréen sur la vierge mise à nue etc. Moi
elle m'a mis par terre!
Bof... et encore je manque de superlatifs!
Allez je me permets même un : bof bof... (eh oui, parfois il faut avoir
le courage de ses opinions)
Impressionnant comment un mélange : image grain blanc pour faire cinéaste,
persos asiatiques décalés mais pas trop pour faire vague réalisateur
asiatique novateur, intrigue découpée façon Pulp Fiction poussif
ou Alain Resnais nerveux, et du cul, de la boisson, un soupçon d'amour
et une bonne critique au Télérama de la semaine, attire la foule des
quinquagénaires cinéphiles et autres boutonneux obsédés ou intellectuels
(c'est un peu pareil) des lundis après-midi parisiens propices aux tarifs
réduits évocateurs de culture pour tous.
C'est très très lent (c'est la deuxième fois dans ma vie que
je m'endors au cinéma ! véridique...), ça ne décolle jamais et
c'est insupportable lorsque le film recommence une deuxième fois pour
nous montrer un second point de vue sur l'histoire. Pendant un moment
je repensais au spectacle de Desproges où l'auteur interprète refait
le résumé du spectacle pour ceux qui se sont endormis... pas de chance,
on a le droit à toutes les scènes (enfin bon elles ont le mérite d'être
numérotées donc ça aide un peu lorsqu'on est un peu perdu lors du comptage
des moutons...).
Donc, si il pleut, que vous n'avez aucun film à aller voir, mais que
bon quand même vous êtes tentés parceque c'est la corée et que vous
êtes passionés de la coupe du monde mais n'avez pas pu y aller... eh
bien, choisissez la lecture, le tricot ou la pétanque ou toute autre
activité qui vous permet d'apaiser cette soif de culture qui vous ronge...
car vous risquez de vous trouver comme l'héroïne du film: bloqué
dans une cabine de téléphérique sans savoir pourquoi ni comment faire
pour vous en sortir (non ça ne finit pas comme les bronzés en
plus!)
PS : pour info, les passages les plus longs ne sont pas les extraits
des documentaires parascolaires Images d'Ailleurs "mon voyage en
Corée: entre modernité grise et passé gelé" mais les scènes de dialogues
parfois très très lentes entre le trinome de la mort et du choc des
paupières : les deux amoureux de la belle et cette dernière... qui il
est vrai est bien jolie mais bon ça suffit pas toujours comme aurait
dit Alice Sapritch.
Nicolas
P., vu en 2003
2.
Que répondre à une telle descente en flammes (qui me désole
tant j'ai aimé ce film)? Je ne suis pas quinquagénaire
(ça viendra un jour), je ne suis pas spécialement boutonneux,
je n'aime pas être classé parmi les cinéphiles (ça
fait secte) et je ne me fie jamais aux critiques de Télérama
pour aller voir les films ; cela ne m'empêche pas d'être
un ardent défenseur de celui-ci, même si je l'ai vu il
y a deux ans et si mes souvenirs ne sont pas aussi vifs (façon
de parler) que ceux de Nicolas P.
La Corée est un vivier de jeunes (et de vieux) talents, et le
réalisateur Hong Sangsoo en est certainement un des chefs de
file. Quelques-uns de leurs films s'intéressent à la narration
cinématographique, utilisant toutes les ressources de la mise
en scène pour raconter des histoires d'une façon originale.
Le chant de la fidèle Chunyang (Im-Kwon-Taek) se coulait
dans le moule du Pansori (chant traditionnel), Peppermint
Candy quant à lui prenait le récit à rebours.
Quant à La Vierge mise à nu..., elle est dotée
d'un système narratif particulièrement étonnant
et stimulant pour le spectateur un peu éveillé, qui rappelle
en effet ce qui était mis en place dans Pulp fiction ou
dans une certaine mesure, Smoking No Smoking (les références
de Nicolas sont finalement plutôt flatteuses) dans la mesure où
il nous raconte la même histoire (une jeune femme est courtisée
par plusieurs hommes) selon différents points de vue. Les scènes
de la première partie reviennent, parfois apparemment identiques,
parfois totalement différentes, d'autres scènes s'y rajoutent,
mais rien dans ce marivaudage n'est jamais totalement pareil.
Le début est certes un peu austère et déroutant
(le regard sur la vie quotidienne en Corée n'est pas des plus
réjouissants), mais dès lors que le film "repart",
porté par la subjectivité de chacun des protagonistes,
il suscite la participation active du spectateur qui observe avec attention
les détails qui changent dans ce qui devient un jeu stimulant
et drôle. Un vrai puzzle en trois dimensions que l'on reconstruit
avec jubilation et drôlerie, n'en déplaise aux grognons.
Ne manquez pas cet excellent exercice de style qui m'a laissé
un sentiment vivifiant.
Laurent
Goualle, vu à Nantes en 2000
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