L'arme fatale
Quand John Woo décide de montrer pourquoi Hong Kong a révolutionné le
polar, cela donne un film culte, déjanté et inventif.
Première qualité : l'histoire. L'affrontement et l'amitié entre
deux flics aux méthodes musclés dont l'un est infiltré dans la mafia (idée
qui inspire toujours les réalisateurs cf Infernal affairs). Woo profite
de cette situation pour aborder ses thèmes fétiches : la quête de l'identité,
le point de passage entre légalité et criminalité, le miroir déformant
dans lequel se cherchent les deux policiers. Il donne à Chow Yun Fat et
Tony Leung des rôles riches, physiques et extrêmement travaillés. Toute
l'ambivalence de la mission rejaillit sur Tonny Leung, flic/voyou en conflit
avec sa conscience. Tandis que Chow Yun Fat tente de percer le mystère
de ce voyou qui lui a épargné la vie. Woo a le talent d'enrichir son scénario
de moments d'anthologie : citons l'improbable code musical utilisé par
le policier et déchiffrable uniquement par un féru de jazz ; le gin Tonic
version Chow yun fat. La composition des acteurs est à la hauteur du projet
de John Woo. Chow Yun Fat est au sommet de son art : velléitaire, imposant,
charmeur. Son personnage tient à la fois du Killer et du syndicat
du crime : une désinvolture cohabitant avec un sens élevé de la morale
et de la justice. Woo lui taille un rôle hors norme, sorte d'inspecteur
Harry, en plus communicatif, en moins monolithique. Ombre dans le miroir,
Tony Leung joue sur son charme, son mystère et sa jeunesse. Derrière son
regard d'ange et de gendre modèle couve un mal-être, un désespoir. Et
il n'est pas innocent si 10 ans plus tard il triomphe encore dans la peau
d'un policier infiltré. Son regard, son sourire ont un petit quelque chose
de candide.
Deuxième qualité du film : les scènes d'action. Nombreuses sans être répétitives.
Les morts s'accumulent (peut-être est-ce le film alignant le plus de cadavres).
Woo multiplie les scènes d'anthologie depuis la première séquence
: la fusillade dans un salon de thé où les cages à oiseaux joue le rôle
d'arsenal jusqu'à l'épisode final, excentrique : la prise en otage d'un
hôpital, l'intervention des commandos de la police pour évacuer par les
fenêtres des nourrissons de la maternité, l'élimination des terroristes
par nos deux protagonistes. Le tout filmé par le maestro se transforme
en un ballet. L'extrême violence du propos (qui n'est pas sans rappeler
L'Enfer des armes) est dilué dans la mise en scène. Woo ne se prive
pas cependant d'égratigner la société et son culte de la force armée légitime
ou non. Testament prématuré d'un réalisateur en pleine ascension, A
toute épreuve reste une expérience policière unique et indépassable.
Hervé
L.
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