A toute épreuve
(Lashou shentan)
1991
Hong-Kong
Réal. : John Woo
Avec : Chow Yun Fat, Tony Leung.

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L'arme fatale
Quand John Woo décide de montrer pourquoi Hong Kong a révolutionné le polar, cela donne un film culte, déjanté et inventif.
Première qualité : l'histoire. L'affrontement et l'amitié entre deux flics aux méthodes musclés dont l'un est infiltré dans la mafia (idée qui inspire toujours les réalisateurs cf Infernal affairs). Woo profite de cette situation pour aborder ses thèmes fétiches : la quête de l'identité, le point de passage entre légalité et criminalité, le miroir déformant dans lequel se cherchent les deux policiers. Il donne à Chow Yun Fat et Tony Leung des rôles riches, physiques et extrêmement travaillés. Toute l'ambivalence de la mission rejaillit sur Tonny Leung, flic/voyou en conflit avec sa conscience. Tandis que Chow Yun Fat tente de percer le mystère de ce voyou qui lui a épargné la vie. Woo a le talent d'enrichir son scénario de moments d'anthologie : citons l'improbable code musical utilisé par le policier et déchiffrable uniquement par un féru de jazz ; le gin Tonic version Chow yun fat. La composition des acteurs est à la hauteur du projet de John Woo. Chow Yun Fat est au sommet de son art : velléitaire, imposant, charmeur. Son personnage tient à la fois du Killer et du syndicat du crime : une désinvolture cohabitant avec un sens élevé de la morale et de la justice. Woo lui taille un rôle hors norme, sorte d'inspecteur Harry, en plus communicatif, en moins monolithique. Ombre dans le miroir, Tony Leung joue sur son charme, son mystère et sa jeunesse. Derrière son regard d'ange et de gendre modèle couve un mal-être, un désespoir. Et il n'est pas innocent si 10 ans plus tard il triomphe encore dans la peau d'un policier infiltré. Son regard, son sourire ont un petit quelque chose de candide.
Deuxième qualité du film : les scènes d'action. Nombreuses sans être répétitives. Les morts s'accumulent (peut-être est-ce le film alignant le plus de cadavres). Woo multiplie les scènes d'anthologie depuis la première séquence : la fusillade dans un salon de thé où les cages à oiseaux joue le rôle d'arsenal jusqu'à l'épisode final, excentrique : la prise en otage d'un hôpital, l'intervention des commandos de la police pour évacuer par les fenêtres des nourrissons de la maternité, l'élimination des terroristes par nos deux protagonistes. Le tout filmé par le maestro se transforme en un ballet. L'extrême violence du propos (qui n'est pas sans rappeler L'Enfer des armes) est dilué dans la mise en scène. Woo ne se prive pas cependant d'égratigner la société et son culte de la force armée légitime ou non. Testament prématuré d'un réalisateur en pleine ascension, A toute épreuve reste une expérience policière unique et indépassable.

Hervé L.


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