20 ans après
Blade Runner, on attend toujours LE réalisateur qui sera
capable de tirer d'un roman de K. Dick une matière cinématographique
aussi intense que celle du chef d'oeuvre de Ridley Scott. Pourtant,
on ne peut pas dire que ceux qui ont tenté l'expérience
aient été des demi-pointures du cinéma américain.
Hélas, à chaque fois, un parfum d'inachevé entourait
ces films : le Minority Report de Spielberg avait quelques qualités
mais succombait trop vite à la Tom cruise mania et s'épuisait
dans une fin trop rocambolesque pour être crédible ; quant
au Total Recall de Verhoeven, il a particulièrement mal
vieilli.
On attendait donc avec un certain intérêt ce que ferait
un John Woo du matériau dickien, d'autant que le thème
de l'identité double chez Woo s'accommodait a priori assez bien
avec la schizophrénie latente des romans de l'américain.
Le résultat est mitigé : la mise en scène du réalisateur
de The Killer s'efface astucieusement derrière le scénario
machiavélique (un homme privé de mémoire essaie
de survivre dans un monde hostile, à l'aide d'indices qu'il s'est
lui-même laissé quand il pouvait encore se souvenir). Malgré
les inévitables courses de moto et les explosions finales un
peu lassantes, on savoure le jeu de piste bien rythmé par un
montage haletant, et la situation psychologiquement vertigineuse à
laquelle le héros se trouve confronté. Ben affleck, derrière
ses allures de bellâtre, arrive à faire exister son personnage
(si, si !) : un exploit authentique après le désastre
de Pearl Harbour. Woo restreint son goût pour le romantisme
sucré, mais sous-emploie Uma thurman, particulièrement
peu à son avantage. On regrettera aussi la scène finale
dans laquelle l'appât du gain et la morale du fric l'emportent
de façon écoeurante.
Bref, un résultat en demi-teinte, même si l'on ne s'ennuie
jamais. Eh non, pas encore
de chef d'oeuvre cette fois-ci ! A qui le tour désormais ? Je
fais un rêve : Cronenberg adaptant Ubik...
Laurent
G.
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