Technique
du coup d'Etat
Contrairement aux américains, les Japonais n'utilisent pas à l'excès
le principe de la suite. 4 ans après son 1er opus, Oshii remet le couvert
et signe l'œuvre la plus aboutie de la série. 1ere nouveauté, l'univers
des méca est relégué au second plan pour laisser l'intrigue prendre
le dessus. Au centre de la toile un certain Tsuge officier, créateur
des labors devenu conspirateur. La destruction du principal pont de
Tokyo met en scène une mécanique implacable menaçant la démocratie.
Le propos d'Oshii est clairement politique. Quelle valeur accordée à
nos institutions ? que reste-t-il des réflexes démocratiques ? Le personnage
du conspirateur est très intéressant car il met chaque citoyen en face
de ces responsabilités. L'atomisation extrême de la société apparaît
comme le principal danger de ce système politique. Son action vise à
réveiller : contre une déstabilisation passive il choisit une action
au grand jour pour voir si l'espoir est encore possible. Oshii est ici
sans concession pour son pays et laisse transparaître son passé politique.
Le film plonge ses racines dans l'univers politique si particulier du
Japon et en même temps son message est universel. D'ailleurs le film
est l'occasion pour Oshii d'exposer son point de vue sur la guerre.
Une paix injuste vaut-elle mieux qu'une guerre juste ? la paix des démocraties
du Nord n'est-elle pas construite sur les guerres de l'extérieur ? Oshii
prend clairement parti de dénoncer l'attitude suffisante et l'illusion
de sécurité de ces Etats. Sans être belliciste, Oshii rappelle que celui
qui laisse se prolonger la guerre ouvre la voie à la prochaine. Le film
est troublant : l'occupation des rues de Tokyo par l'armée reste l'un
des moments les plus forts du film ; fascinant par l'évocation des ramifications
du pouvoir, des luttes d'intérêt et de l'extrême fragilité de notre
système. Il dresse une galerie de portraits fascinants, de l'obscur
conseiller à la sécurité au capitaine des labors refusant le chantage
: on comprend aisément que plusieurs projets d'adaptation sur grand
écran ont été élaborés. Reste à la fin une note optimiste : l'échec
du projet grâce à l'énergie de quelques jeunes policiers, la nouvelle
génération. C'est sur ces termes qu'Oshii finit son film comme pour
bien insister sur ce lien de génération trop souvent dénigré.
Une réalisation exceptionnelle donc qui montre bien à ceux qui en doutaient
que les mangas riment avec réflexion.
Hervé
L.
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