Plaisirs inconnus
(Ren xiao yao)
2002
Chine
Réal. : Jia Zhang-Ke (réal. et scén.)
Scén. : Jia Zhang-Ke
Images : Yu Lik Wai
Son : Zhang Yang
Avec Zhao Tao (Qiao Qiao), Zhao Wei Wei (Bin Bin), Wu qiong (Xiao Ji), Zhou Qing Feng (Yuan Yuan), Wang Hong Wei (Xiao Wu)...

autres films de Jia Zhang-Ke sur le forum :
Platform


Jia Zhang Ke est le jeune chef de file (30 ans) d'une nouvelle génération de cinéastes chinois indépendants qui ont décidé de faire des films en dehors du système : échappant au couperet de la censure, ils bénéficient d'une très grande liberté de création. La rançon de la médaille est que leurs films ne sont pas distribués dans leur propre pays : ils circulent "sous le manteau" et ne sont connus que grâce aux projections privées organisées parfois par les réalisateurs eux-mêmes (on retrouve un clin d'oeil à cette situation à la fin de Plaisirs inconnus). Autre paradoxe, ces films obtiennent des prix dans les festivals internationaux et sont distribués à l'étranger (en France en particulier).
Ce que font Jia Zhang-Ke, Yu Lik Wai (Love will Tear Us Apart) ou encore Wang Chao (L'Orphelin d'Anyang) n'a rien à voir avec les beaux objets de Chen Kaige (Adieu ma concubine, L'empereur et l'assassin)ou Zhang Yimou (Epouses et concubines, Qiu Ju) qui appartiennent à la génération précédente de cinéastes : plus réalistes et moins "riches", ils sont ancrés dans la vie quotidienne chinoise, tournés en DV, et le regard qu'ils portent sur la société est sans doute plus incisif et plus pessimiste. Ils nes se font d'ailleurs guère d'illusions sur l'évolution future du cinéma et de la culture dans leur pays.*
Après Platform, formidable évocation de l'évolution d'une province de la Chine dans les années 80, Jia Zhang-Ke fait le portrait d'une génération qui entre dans l'âge adulte au début du 21ème siècle, dans un pays désormais ouvert à l'économie de marché. Coincés dans une ville moyenne de la province Shanxi (Nord de la Chine), ils doivent faire face aux difficultés économiques, tandis que leur avenir semble bouché. Désabusés, ils errent dans une ville industrielle poussiérieuse qui semble perpétuellement en chantier, promènent leur désarroi en se raccrochant à des relations amoureuses fragiles et à un désir de liberté et d'indépendance illusoires. En filigrane sont évoquées les évolutions actuelles du pays tout entier ; cette fois, c'est par les images de la télévision qu'elles parviennent aux personnages, marquant évidemment le décalage entre un pays en mouvement et la réalité du quotidien de ces laissés-pour compte de l'histoire.
Sans concession, dans un style dépouillé mais très soigné (les images sont splendides), le cinéma de Jia Zhang-Ke rappelle parfois étrangement le néo-réalisme italien, en plus austère encore ; ruines, terrains vagues, autoroutes en construction font le décor terne de ces tristes errances. Moins ambitieux peut-être que son précédent film, ce portrait collectif n'en est pas moins formidablement touchant et sensible. Ne manquez pas cette nouvelle expression d'un cinéma chinois libre et engagé.

Laurent Goualle, vu à Pau en 2002
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PS. Je suis à la recherche du premier film de Jia Zhang-Ke : Xiao-wu, artisan pickpocket. Si quelqu'un possède un enregistrement vidéo de ce film, j'aimerais beaucoup qu'il me contacte (email du webmaster du forum). Merci d'avance.

*Lisez à ce sujet "La Chine en caméras cachées", le reportage paru dans le Télérama en date du 15janvier 2003