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Le thème de la famille reconstruite (et de la famille tout court)
est vraiment universel : de la Bretagne (Les
femmes... ou les enfants d'abord) à la province du Henan (L'orphelin
d'Anyang) en passant par l'Aquitaine (Mischka),
beaucoup de personnages cinématographiques tentent de se recréer
une structure affective et familiale que l'évolution des moeurs,
la société ou encore les difficultés économiques
ont fait voler en éclat. A la différence près que
la tâche semble être nettement plus problématique pour
nos amis chinois. En effet, dans L'orphelin d'Anyang, la précarité
des personnages (un chômeur et une prostituée) rend difficile
l'adoption par le premier de l'enfant de la seconde. Mais, solidarité
oblige, ils réussissent à faire vivre tant bien que mal
ce lien qu'a créé entre eux le nouveau-né. La mise
en scène de Wang Chao est d'un dépouillement total, faite
de longs plans fixes qui captent merveilleusement la réalité
triste d'une ville de province chinoise. Mais cette simplicité
n'empêchent pas d'excellents choix esthétiques de mise en
scène : la présence constante et obsédante du drap
rouge qui entoure le bébé, mince espoir dans le triste quotidien
; la construction précise de certains plans (les mafieux sur les
bords du Fleuve Jaune), l'importance donnée aux différents
lieux (la rue, le restaurant), et la bande-son (incessant tumulte des
klaxons noyant parfois les dialogues). Le réalisateur capte derrière
les silences des personnages une quête d'affection qui vaut aussi
pour le malheureux gangster leucémique en quête de descendance.
Après Un taxi à
Pékin, Le quai, Shower,
Little Cheung (Hong-Kong),
voici un autre excellent film, dépouillé et tendre, sur
la réalité de la société chinoise.
Laurent
Goualle, vu au Méliès à Pau en mai 2002
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