A couteaux
tirés
Présenté à Cannes, le dernier film de Zhang Yimou (réalisateur de Hero)
offre une variation intéressante du film d'arts martiaux de la vague
post Tigre et Dragon. Précision
d'importance son titre original devait être The Lovers, ce qui
place bien l'ambiance: loin de l'héroïsme sacrificiel de Hero,
Zhang Yimou se penche sur l'amour. Son film possède d'indéniables qualités.
La photographie est tout simplement époustouflante grâce à l'usage judicieux
des filtres. Le bleu de la cour de danse est remarquable et tranche
avec le vert quasi intégral de la forêt. La beauté des plans est quasi
hypnotisant (cf le duel dans la neige rappelle l'esthétique des estampes
japonaises reprise dans les films de sabre nippons). Les combats évitent
l'écueil d'être une pâle copie de Tigre
et Dragon. Chi Siu Tung nous épate une fois encore. Moins aériennes
que celles des films précédents, les scènes d'arts martiaux donnent
l'illusion d'un mouvement perpétuel : aucune pause, les personnages
combattent en se déplaçant. Chi Siu Tung ne tombe pas dans le piège
d'une chorégraphie répétitive qui pouvait lasser dans Hero. L'usage
du numérique donne pleinement satisfaction pour suivre les dagues volantes
et atteint même des sommets lors du combat de la forêt de bambous. Hommage
à King Hu et à Histoire de fantômes chinois, le duel de branche
en branche, l'envolé des soldats, égalent visuellement le face à face
Chow Yun Fat/Zhang Ziyi de Tigre et Dragon. Cette chorégraphie
spectaculaire n'est d'ailleurs pas réservée aux scènes d'action : l'étrange
jeu de l'écho permet à Zhang Ziyi d'effectuer un ballet, élégant, vif,
enivrant à mi-chemin entre danse et le Kung Fu où chaque drapée de sa
robe évoque une figure onirique.
L'histoire est à la fois un défaut et une qualité du film. Qualité car
à la différence de Hero¸ les combats n'étouffent pas l'intrigue.
Les personnages sont très intéressants et bénéficient de la qualité
de leur interprétation en particuliers de Takeshiro. Zhang Ziyi peut
enfin élargir son registre : son personnage de sabreuses aveugle rappelle
Zatoichi, sa tenue d'homme est une allusion
aux ambiguïtés sexuelles des grandes figures féminines des production
de Hong Kong ; l'évocation de sa nudité rappelle la dimension érotique
des 1ers films de sabre. Andy Lau confirme sa forme actuelle et joue
à merveille son personnage à multiple facette limite schizo qui n'est
pas loin de celui de flic infiltré dans Infernal
Affairs. L'émotion de la 2nde partie de film est crédible : on se
plait dans ce jeu de miroir à décrypter la vérité. Simplement les rebondissements
multiples de la seconde partie du film viennent embrouiller quelque
peu la réalisation. Le rythme tombe, les révélations sont mal orchestrées,
les scènes intimistes obscurcissent l'intrigue et seule l'interprétation
sans faille des acteurs permet au film de tenir. On en oublie même le
sort de la secte des poignards volants. Yimou se focalise sur le triangle
amoureux mais sa mise en scène trop statique n'arrive pas à faire écho
aux déchirements passionnels. Il reste que le film reste une divertissement
à gros budget remplissant pleinement son rôle. Loin d'être une pâle
copie de Tigre et Dragon ou de Hero, il propose un renouvellement
du film de sabre à qui ne manque qu'une touche de zen.
Hervé
L.
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