A toute vapeur
Disons-le d'entrée. Il est inutile de venir rechercher dans la dernière
production d'Otomo une suite à Akira. Les deux films sont par trop différents.
Steamboy offre une uchronie (période de l'histoire réécrite par rapport
à un fait historique : ex Léonard de Vinci découvre la vapeur) séduisante.
Otomo évoque avec charme et nostalgie l'Angleterre du 19è siècle stupéfaite
et admirative devant les inventions de la Révolution Industrielle. Otomo
s'est démené pour créer un univers de machines volantes, fumantes ou roulantes
aussi réel que possible. Son travail graphique remarquable rappelle par
sa diversité celui de Myazaki dans Laputa.
Le film se voit de plusieurs angles. C'est d'abord un film d'aventure.
Celui d'un garçon parti à la recherche de son père et qui tente de maîtriser
l'invention de celui-ci. Otomo a le chic pour utiliser à bon escient son
goût de l'aventure. La poursuite en train/méchanoïde restera un moment
unique du film d'animation. Son film glisse cependant imperceptiblement
vers l'évocation de la science, thème cher au réalisateur. La tour mécanique
nous entraîne dans une vision psychanalytique de ce progrès. Cette tour
(tour de Babel des temps modernes) rappelle celle de Métropolis. Mais
autant dans Métropolis la tour est faite pour asservir, celle de Steamboy
est conçue pour libérer. L'homme pourra-t-il rester le même après avoir
vu cette création? Le film d'Otomo est moins pessimiste que sa dernière
création. Il remet l'homme au centre de sa création et dénonce la croyance
aveugle en la machine qui ne pourra jamais se contrôler (cf les échecs
pour retenir la tour steam). Loin de critiquer la science, Otomo pose
une question. (un conseil regarder le générique de fin, il éclaire à merveille
le propos du film). Que ferions-nous si l'on nous indiquait à l'avance
les conséquences de nos créations ? Car la tour steam incarne à la fois
la quête des cieux, de la lumière, (la ressemblance avec la tour Eiffel
est évidente) le progrès sanitaire (la fée électricité) et la recherche
de la nouvelle frontière ; mais en même temps ce sont les ombres de la
guerre, de l'exploitation. Film fort qui nous remet en face de notre choix.