Traffic
2001
Etats-Unis
Réal. : Steven Soderbergh
Avec : Benicio Del Toro, Michael Douglas, Catherine Zeta-Jones...
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Un film non manichéen sur le problème de l'industrie de la drogue, a fortiori américain (alors que ceux-ci sont d'abord les champions de ce domaine), mérite d'être vu. Et celui-ci plus que bien d'autres. Traffic est tout simplement remarquable. Dans son choix de réalisation d'abord : analyser le problème de la drogue dans sa complexité, sans parti-pris, sans moralisme ni simplisme. Cela sous différents points de vue : celui des flics de base aux Etats-Unis et au Mexique, perdus entre sens du devoir et tentation de la corruption ; celui du juge de la Cour Suprême américain, pétri de certitudes, parachuté par le Président champion de la lutte anti-drogue, s'apercevant finalement que sa propre fille est une droguée ; celui des trafiquants mexicains et américains ; obsédés par les enjeux de pouvoir et d'argent, ayant la violence pour code de vie ; celui des petits consommateurs, dont, donc, la propre fille du brillant juge ; celui de la femme d'un trafiquant, d'abord choquée d'apprendre la nature des activités de son mari, puis prête à tout pour défendre son mode de vie bourgeois, y compris au meurtre commandité. Tous les acteurs incarnant ces personnages sont prodigieux. Leurs personnages ont tous en commun d'évoluer au fur et à mesure de leur contact avec le monde de la drogue, en bien ou en mal. Cette évolution se fait dans un environnement différencié selon le théâtre de l'action, trouvaille simple mais ingénieuse (l'image prend une tonalité jaune pour souligner le côté poussiéreux et torride du Mexique ; bleue pour l'action du juge ; et la photographie est normale pour l'action quotidienne des flics).
Que vous reste-t-il lorsque vous avez vu ce film ? Des phrases, terribles : " J'ai choisi de consommer de la drogue parce c'est beaucoup plus facile chez nous que l'alcool " (fille du juge, accro au crack et à la cocaïne). Des images, choquantes, atteignant presque le réalisme cru et sordide de Trainspotting ou Moi, Christiane F (exécution de policiers, overdose, torture d'un trafiquant par un autre). Un peu d'espoir après beaucoup de désillusions, comme celui de ce jeune inspecteur qui sans doute parviendra à coincer un trafiquant, responsable de la mort de son co-équiper. Et surtout, des questions. Que ferai-je à leur place ? Et puis quelles solutions ? La vie plutôt que le profit, pour reprendre un slogan dit dans d'autres contextes. Donc plus de profit du tout pour sauver la vie, en légalisant, en nationalisant ? Plus d'argent sale, donc plus de traffic illégal. Mais imagine-t-on l'Etat organisant et coordonnant le traffic de drogue ? Doit-on laisser alors cette question dans les mains du marché, et finalement faire passer le profit dans d'autres mains plus propres ? Faut-il jouer les censeurs des pays qui cultivent et exportent la drogue, sans leur offrir d'alternative ?
Le film nous laisse ces interrogations, en brossant le constat implacable de l'absence de solutions simples, à travers des destins individuels finement décrits. Tout cela avec sobriété et efficacité.

AG, vu en 2001 à Grenoble


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