Solaris
2002
Etats-Unis
1H34

Réal. : Steven Soderbergh
Photo : Peter Andrews (Steven Soderbergh)
Musique :Cliff Martinez
Avec : George Clooney, Natascha McElhone, Jeremy Davies, Viola Davis.

Cercle (Le)
The Ring
2002
Etats-Unis
Réal. : Gore Verbinski
Avec : Naomi Watts,
Martin Henderson, David Dorfman, Brian Cox, Jane Alexander, Lindsay Frost, ...

Autres films de Steven Soderbergh sur le site :

Traffic

Ocean's Eleven

Naomi Watts regarde trop la télévison
George admire Natascha... Moi aussi

 

Une fois n'est pas coutume, voici deux critiques en une, à propos de deux films américains tournés la même année et qui répondent à l'appellation de remake. Il m'a semblé intéressant de comparer les démarches de chacun de ces films en apparence très proches, car elles correspondent en réalité à deux conceptions du cinéma totalement opposées.
Tout d'abord, examinons Le Cercle. Le mot remake est en fait assez mal choisi car ce film est la véritable copie d'une excellente réalisation japonaise de Hideo Nakata, Ring, sorti en 1998 et qui fut un succès sans précédent au Japon. Ring racontait les conséquences fâcheuses de la découverte d'une cassette vidéo maudite par un groupe d'adolescents en vacances à la montagne. Après visionnement de ladite cassette, le téléphone sonne, et une voix vous annonce qu'il vous reste 7 jours à vivre... Je n'en dis pas plus. A partir de ce sujet simple, Hideo Nakata avait concocté un objet filmique totalement terrifiant, caractérisé par une économie d'effets particulièrement efficace et une mise en scène austère et angoissante.
La décision de refaire entièrement le film pour le public américain, plutôt que de distribuer plus largement le japonais, relève d'une habitude particulièrement détestable des Majors (les films français en sont les premières victimes consentantes), d'autant plus détestable que le film original est excellent, et constitue une insulte au public de cinéma, que l'on ne cesse de niveler par le bas.
Passons.
Enfin, non, ne passons pas : après cette objection sur le principe même de la démarche, intéressons nous à cette "copie" (la notion de copie étant curieusement centrale dans l'intrigue des deux films). Première impression : cela aurait pu être pire. La version américaine sait aussi susciter l'angoisse, mais rajoute par-ci par là quelques effets "spectaculaires", contredisant souvent tout ce qui faisait l'intérêt de son original. La signification exacte du contenu symbolique de la cassette est consciencieusement expliquée au public, et perd ainsi beaucoup de son mystère et de son étrangeté. Enfin, on pouvait espérer que la "pirouette" finale (que je ne révèlerai pas ici, ne vous inquiétez pas), bénéficie des meilleurs effets spéciaux, et soit plus impressionnante encore que chez Nakata. Or, il n'en est rien, et on préfèrera de loin la version japonaise. Bref, voici une imitation pas totalement ratée, mais d'un intérêt égal à 0 - le premier de tous les cercles - et que l'existence de l'original doit dissuader d'aller voir (la vidéo-dvd japonaise est disponible, alors ne vous privez pas).


Solaris est la seconde adaptation d'un roman de science-fiction de Stanislaw Lem. Contrairement au Cercle, il s'agit cette fois d'une démarche artistique ambitieuse et originale. Lent, dépourvu d'action, ponctué de nombreux dialogues, le film a été un bide aux Etats-Unis. Son réalisateur, Steven Soderbergh, à la fois chouchou d'Hollywood et auteur complet, n'est jamais là où on l'attend : inclassable, le réalisateur surprend constamment par ses choix, sautant d'un genre à l'autre avec une aisance insolente, imposant sa mise en scène partout où il frappe. Cette fois, il refait le Solaris du maître Andreï Tarkovski (1972) à sa manière, et dans l'ensemble c'est réussi. L'histoire : un psychologue est appelé sur une mission interstellaire en détresse. L'équipage chargé d'étudier une planète mystérieuse, ne donne plus aucun signe de vie. Arrivé sur place, notre homme est lui-même victime d'hallucinations : sa femme décédée quelques années auparavant lui revient, bien vivante.
Le point de vue de Soderbergh est plus intimiste que celui de Tarkovski, qui faisait de son film une réflexion métaphysique profonde sur les rapports de l'homme et du cosmos, de sa perception de Dieu et de l'univers. Plus modestement, le réalisateur de Sex, Lies and Videotapes et de Traffic se place d'un point de vue individuel, insistant sur les conséquences psychologiques de l'intrusion des "visiteurs" sur les humains, révélant alors toutes les fragilités et les cassures de chacun. Mais cela n'empêche personne de continuer la réflexion après le film, les mystères de la planète Solaris posant d'évidents problèmes philosophiques. L'autre qualité du film réside dans sa mise en scène dépeignant un monde claustrophobique et pessimiste (les plans d'extérieurs sont quasi-inexistants) mais aussi doucement hypnotique. Comme George Clooney, nous plongeons dans un rêve bien réel et dans le regard pénétrant de Natascha McElhone.
A l'inverse de Gore Verbinski, Steven Soderbergh réinterprète le matériau premier du roman de Lem pour en faire un film sans doute moins profond que celui de son prédécesseur, mais tout aussi troublant et tout aussi personnel. Aux Etats-Unis, la manie du remake engendre le pire comme le meilleur.

Laurent Goualle, vu à Pau en 2003

PS. Le dernier point commun entre ces deux films est bien sûr la présence de très belles actrices, Naomi Watts (héroïne de Mullholland Drive) et Natascha McElhone.