Voyage de chihiro (Le)
(Sen to Chihiro no kamikakushi)
Japon
2001
animation
réal., scén., : Hayao Miyazaki
Directeur de l'animation : Masashi Andô
Directeur artistique : Yoji Takeshige
Musique : Joe Hisaichi

Autres films de Miyazaki sur le forum :
Mon voisin Totoro
Le Château dans le ciel
Porco Rosso
Kiki la petite sorcière
Nausicaa

 

Résumé
Chihiro est une petite fille de dix ans un peu boudeuse qui s'apprête à emménager dans une nouvelle ville avec ses parents. Sur la route, la voiture s'égare dans une forêt mystérieuse. Arrivés dans un village étrange et désertique, les parents affamés s'arrêtent pour déjeuner dans un restaurant plein de mets succulents. Ils se retrouvent bien vite changés en cochons. C'est le début d'un étrange voyage pour Chihiro.

1.
On utilise parfois le mot génie à tort et à travers. Pour ce qui est de Miyazaki, pas de doute : après Ozu, Kurosawa, Mizoguchi, le cinéma japonais s'est trouvé un nouveau "grand", bien que ce dernier officie dans un domaine souvent considéré comme marginal, le cinéma d'animation.
On hésiterait à qualifier le voyage de Chihiro de chef d'oeuvre de Miyazaki, tant sa précédente réalisation (Princesse Mononoke) était éblouissante, et tant on espère qu'il saura produire d'autres oeuvres de la même qualité. Pourtant Chihiro est bel et bien un grand film d'animation, et un grand film tout court. Après la fresque épique, Miyazaki change de registre, sans pour autant abandonner le merveilleux et l'imaginaire, et s'en va explorer l'inconscient d'une petite fille de dix ans.
Telle Alice, Chihiro passe de l'autre côté du miroir. Exploitée et réduite à l'esclavage par une sorcière propriétaire d'un établissement de bains douches bien particulier, elle tente de survivre (eh non, ce n'est pas du Disney) dans un monde peuplé d'esprits plus ou moins bienveillants.
Ce rêve dont elle ne peut s'échapper sort tout droit de l'imagination incroyable du réalisateur, véritable créateur-démiurge (un vrai Kubrick japonais). Malgré un cadre scénaristique de départ classique (le parcours initiatique à la Lewis Carroll), l'intrigue qui se déroule sous nous yeux ne ressemble à rien de ce que l'on connaît, si ce n'est au bestiaire et à certains thèmes développés dans Totoro, Princesse Mononoke et Porco Rosso... : l'univers animiste, l'esprit dévoreur, le bestiaire hilarant, etc... S'y ajoutent des personnages jamais manichéens (une constante chez Miyazaki, qui le rend bien supérieur aux créateurs d'animation américains) des éléments psychanalytiques que d'autres analyseront mieux que moi (voir plus bas), une très grande richesse symbolique (l'eau, le feu, le dragon, le train...) et une étrange et merveilleuse poésie (dont la scène du train est la plus formidable illustration). De quoi maintenir le spectateur bouche-bée pendant les deux heures que dure la projection.

Miyazaki affirme avoir fait ce film pour sa fille de 10 ans. Le temps d'une séance, nous devenons tous un peu ses enfants.

Laurent Goualle, vu à Pau en vf en 2002


2.
Le voyage de Chihiro ou la pathologie boulimique dans le processus du devenir soi. (vue extrêmement partielle, j'en conviens, en fait plutôt une pensée qu'une critique pour les indulgents, une fabulation de comptoir pour les autres certainement…)

Notre vie est mise en suspens par l'excès alimentaire alors que nous nous sommes laissés guidés par le bout des narines. Qui sommes nous ?
Rond, potelé et excessif, ce sont mes imitateurs qui engloutissent mes réserves de nourriture. Qui suis-je ? Dans un environnement malsain pour moi tel le yuya, je me remplis et me construis uniquement à travers mon contact phytophage avec les autres, je m'exprime grâce à leurs voix et puis ensuite, je vomis. Qui suis-je ?
Je refuse les mets que l'on m'offre ou je tente de m'assurer de leur pureté (s'ils sont blanc, c'est encore mieux). L'enrichissement ne m'intéresse pas. Qui suis-je ?
Lutte contre le putride, expulsion des désordres intérieurs, liquides anti-bactériens, lavements internes et externes…
Tout esprit mérite son nettoyage. Bon, vous reprendrez bien un beignet ?

Sophie D., vu à Pau en 2002

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3.
ALLO !

plusieurs pistes au sujet de ce film.

Vous pouvez cliquer sur les rubriques qui vous intéressent plus particulièrement.

1) Une analyse du film
2) Une analyse musicale :
A partir du monde auditif, cette analyse tente d’installer un débat :

Avec Alexis qui m’a parlé de la musique de ce film.
Avec Laurent

    Une analyse du film :

    Dans la mesure où il s’agit d’un conte, les lectures de ce film sont multiples.
    Les critiques de " professionnels " : Télérama , Ecran Noir etc ont déjà souligné la parenté avec " Alice au Pays des Merveilles ". Je ne suis pas entièrement d’accord avec cette comparaison et, en ceci, je rejoins Laurent, quoique nos visions semblent différentes.
    Cette comparaison est, à mon avis, réductrice car elle laisse de côté deux thématiques importantes : la polarité masculine de Haku et son rôle d’Apprenti Sorcier.

    J’ai centré mon analyse du film sur un plan  particulier :le processus de TRANSFORMATION.
    s le début, Chihiro est confrontée à la transformation de sa vie : elle quitte l’univers de son enfance d’une manière banale : ses parents ont décidé de déménager.
    Ce déménagement est également symbolique dans la mesure où il s’agit de l’anniversaire de Chihiro (il en est question 2 fois dans le film).

    A partir de ces deux faits divers, Miyazaki construit un film qui tourne autour l’alchimie symbolique des " transformations ". Celles ci se succèdent à un rythme difficile à suivre :

    En voici quelques exemples  seulement:
    - l’esprit putride se transforme en vision écologique de notre ère.
    -le dragon : une facette de Haku
    -le " rat volant " qui provient des 3 têtes vertes
    - son compagnon de voyage
    - le bébé de Yubaba( plusieurs fois transformé) qui n’a pas la possibilité de grandir …

    Miyazaki nous met très vite face à sa maîtrise époustouflante de l’art visuel , un seul exemple qui montre aussi la maîtrise de l’effet de surprise :
    -la transformation porcine des parents (ils étaient aussi l’entité nourricière primitive)
    Sur un plan simplement biologique, ingurgiter de la nourriture entraîne un processus de transformation chimique.
    Les refus de manger ( chihiro en début de film) la consommation de nourriture sacrée (les boulettes blanches) la boulimie ambiante (consommation pathologique dont parle Sophie D dans sa critique) l’aspect médicinal ( cf ce que Chihiro fait ingurgiter au dragon-Haku inconscient, pour le sauver)ont des implications et des racines dans l’inconscient humain.
    Chihiro refuse de manger avec ses parents, ceci n’est pas anodin mais symbolique (refus du modèles social que représente le père dont le compte en banque est bien garni) elle est aussi dans un processus personnel d’appréhension du monde et, à travers sa relation à la nourriture, elle acquiert son autonomie.
    On peut penser que les différents personnages du film concernent chacun des facettes de la personnalité de Chihiro et de son évolution :
    -Elle va devoir, notamment, cohabiter avec différents vices et surtout, gérer, face à eux, son comportement en toute autonomie.

    Un exemple : elle est entièrement responsable de l’entrée, dans la cité, de l’esprit " sans visage ". En lui laissant la porte ouverte, elle a généré une transformation sociale des comportements : la cupidité matérielle a pu s’installer.
    Face à chaque transformation de son univers, Chihiro doit trouver elle-même la solution.

    Ce film est tout à fait intéressant mais je ne suis pas prête à crier "au génie" comme Laurent :
    Je m’y suis ennuyée quand il s’enlise dans les vomis répétés de "l’Esprit sans visage". Heureusement, dès que Chihiro quitte la cité et grâce à des interventions poético-humouristiques (le fameux voyage en train) on trouve un second souffle.
    Laurent a –t-il raison quand il dit qu’il n’y a pas de manichéisme dans ce film ? Je n’en suis pas persuadée pour les raisons suivantes :
    - Très vite, le personnage de Chihiro devient exclusivement positif.
    -la gémellité de la sorcière : Yubaba et de sa sœur, la grand-mère , est un procédé rusé mais le leurre ne fonctionne pas : il y a quand même la "gentille" et la "méchante".
    -le personnage de Haku reste assez primaire: il aide Chihiro, "c’est bien !". Il joue à l’Apprenti Sorcier, "c’est pas bien ! "

    EN CONCLUSION :
    -Ce conte est plus philosophique qu’il n’y paraît, il faudrait connaître de manière plus exacte la culture japonaise traditionnelle et le Japon d’aujourd’hui (clin d’œil avec la scène de "l’esprit putride")
    -Un film à voir même si l’œuvre semble un peu décousue et laisse un sentiment d’inachevé.
    -Une grande déception : son côté extrêmement occidental.


    Une analyse musicale

    Il ne s’agit pas d’une musique de " super marché " je suis OK avec ce qu’a dit Alexis au sortir du film. Elle est écrite avec sensibilité, avec une réserve, souvent proche des œuvres pianistiques d’E. Satie. Elle est de bon ton, elle n’envahit pas non plus l’espace imaginaire.

    MAIS  hélas :
    Elle possède, à mon avis, quelques aspects pernicieux.
    a)elle est plutôt conventionnelle.
    b) elle est illustrative et sans surprise dans ses apparitions

    c) Elle est en quasi totalité occidentale et à ce titre décevante pour qui a fait le choix de voir un film japonais. Ce qui est qualifié d’occidental concerne bien sûr les U.S.A : Miyazaki a-t-il voulu choyer ce public ?
    -Pourquoi le film de Miyazaki occulte-t-il donc autant la musique traditionnelle du Japon  : telle est la question qu’il est possible de se poser. De nombreux critiques ont salué ce film comme un "  incontournable " de la culture japonaise "traditionnelle". pour ceux que la culture japonaise intéresse réellement, voici le titre d’un ouvrage, à lire et à écouter (puisqu’il y a aussi un CD) " Musiques traditionnelles du Japon" éd musiques du monde chez ACTES SUD. On le trouve dans les FNAC et dans les librairies qui proposent une littérature sur la musique.

    -Laurent a ébauché une comparaison avec Disney. J’aimerais être un peu mieux éclairée sur le sujet et peut-être aura-t-il envie d’argumenter ses propos? Le chemin musical accepté par Miyazaki montre que, sur le plan auditif en tous cas, "Disney" n’est peut-être pas si loin que cela :
    Un exemple très parlant: Le générique de fin trotte dans nos oreilles occidentales pendant de nombreuses heures parce qu’il est construit sur un schéma bien rodé (c’est la raison pour laquelle cela fonctionne aussi bien)
    La musique traditionnelle japonaise n’est pas mémorisable aussi rapidement.
    -On pourrait aussi parler du graphisme des visages, des yeux bien ronds.. etc)
    -Je vais maintenant m’amuser à tenir des propos qu’on peur qualifier de " culturellement non corrects "
    Ce que Disney a apporté au film d’animation, sur le plan technique, n’est pas dénué d’intérêt or les mouvements des personnages dans " Le voyage.. " sont gauches et c’est dérangeant.

 

Brigitte B. Gaumont mai 2002 (en v.f)


4.
Il reste peu à dire sur ce film après les analyses précédentes, surtout celle de Brigitte, fine et détaillée. Nous avons d'ailleurs débattu de ce film avec Brigitte et Morgane après l'avoir vu ensemble. C'est la première fois que je me rendais au cinéma pour voir le travail de Miyazaki et je n'ai pas été déçu, sans pour autant acclamer l'ensemble comme un chef d'œuvre. Le trait est sensible et les couleurs subtiles, mais l'expression et les mouvements sont en effet parfois gauches. J'ai été frappé par l'extraordinaire bestiaire du film, intrigué par l'obsession de l'appétit et de la nourriture qui y figure - un trait commun à beaucoup de dessins animés japonais : on y trouve toujours une scène où les personnages s'empiffrent -, apaisé comme Laurent par la séquence du train traversant l'océan qui borde le palais des bains de Yubaba. Cette séquence est toute de sérénité et de paix, les personnages gardent un silence qui n'est troublé que par les entrées et sorties des passagers fantômes, silence bienvenu après des scènes de poursuite fatigantes au sein du palais. Le personnage du " sans-visage " est assez fascinant, dans son attirance pour la pureté que représente Chihiro, d'abord ombre furtive et silencieuse, puis se transformant brutalement en un monstre à l'appétit sans fin - pour prendre chair, comme l'a analysé Sophie D. (dont je comprends enfin le jeu de devinettes !). Une âme qui erre et qui finit par trouver le repos auprès de la sœur de Yubaba, tour à tour sorcière vengeresse et aimable vieille dame.
Brigitte vous espérez un débat contradictoire sur la musique de ce film ? Oui, j'ai dit que celle-ci n'était pas celle d'un supermarché. Oui, comme vous j'ai fredonné toute la soirée l'entêtant air final. Mais, pour le reste, je dois vous avouer fort piteusement, chère Brigitte, que je l'ai complètement, radicalement, définitivement… oubliée ! C'est là un signe sans doute de son caractère conventionnel… ou d'une mémoire auditive défaillante de ma part. Quoi qu'il en soit, vous remportez ce round par K.O. Mais, foi de S.C.R*, il y en aura d'autres !

Alexis G., Gaumont mai 2002

* Certains sur ce site connaissent les initiales de ce sigle. Je m'excuse de cette private joke auprès des autres.


4.
Je ne suis pas d'accord avec Alexis : il y a encore beaucoup de choses à dire sur ce film tant la richesse des symboles et des interprétations possibles est immense. Nous y sommes allés à trois et les discussions à la sortie allaient bon train pendant deux bonnes heures... le temps de digérer ce plateau copieux en couleurs, images, décors, personnages et symboles. Deux semaines après l'avoir vu, de nombreux éléments me restent en mémoire et en particulier le décor finement travaillé et dessiné.

Le palais construit sur plusieurs étages, et le fonctionnement et le rôle de chacun des étages sont oniriques et ont exalté mon imaginaire. Bien sûr, au-delà de cette impression liminaire, c'est peut être la symbolique de notre être qui est ainsi retranscrite (interprétation possible que j'ai pillée à Brigitte en y annexant ma sauce) : tout en haut, Yababa qui gouverne et donne les ordres à l'image de notre cerveau. Elle peut déplacer et transformer magiquement les objets sans les toucher, comme notre cerveau gouverne nos gestes de façon prodigieuse, nos actes et nos propos ! Puis dans les étages inférieurs, les lieux recevant les clients. Les clients, c'est l'extérieur et l'énergie du palais, sans les clients il n'y a pas de vie possible. Sans nourriture et sans contact avec le monde extérieur, nous ne vivons pas : en brûlant les victuailles que nous engloutissons et en rencontrant des Hommes, nous créons notre propre énergie,. Plusieurs niveaux d'interprétation sont possibles sur les scènes de Bains d'Aburaya : on peut y voir la fonction d'assainissement nécessaire à tout être, comme on peut y voir une métaphore de l'écologie… Est-ce un hasard cette opposition entre le lieu de vie de la sorcière tout en haut du palais et celui du vieux sage tout en bas ? J'en doute fort. Une connaissance des mythes nippons me fait défaut pour comprendre ces choix… mais cela me donne envie d'explorer cette culture.

Mon analyse est très partielle, j'en conviens car il reste bien d'autres thèmes à explorer :
- celui de l'apprenti sorcier évoqué par Brigitte,
- celui du mélange mythe nippons/culture occidentale car cela ne doit pas être présenté comme une critique mais comme le reflet d'une composante fondamentale de la société japonaise ;
- celui des polarités (masculin/féminin, enfant/adulte, réalité/imaginaire, bien/mal, mouvement par le biais des transformations de certains personnages/immobilité d'autres personnages).
- Celui des tentations : cupidité, gourmandise, orgueil …
- Celui de la séquestration par Yubaba : du bébé, des parents, des humains. - Celui de la taille et de la dimension des personnages : qui n'est pas surpris par la tête de la sorcière, démesurée à côté du corps frêle de Chihiro ou encore par la taille du bébé ? D'après Brigitte, la taille elle-même de Chihiro évolue pendant le film : inférieure à celle de Haku au début elle semble être supérieure à la fin. Et sans compter les thèmes déjà abordés par les internautes de ce site…

Morgane LD vu à Gaumont, mai 2002.


5.
La musique du film de Miyazaki est signée Joe Hisaichi
, un musicien dont on peut entendre les mélodies dans la plupart des films de Takeshi Kitano, et dans les précédents longs-métrages de Miyazaki. Je ne suis pas un inconditionnel de ce musicien dont les musiques me semblent inégales (il s'agit ici d'un jugement totalement subjectif). J'ai en mémoire des mélodies simples et "efficaces" avec une orchestration limitée, des airs qui trottent longtemps dans la tête (Hana Bi, l'été de Kikujiro...), parfois réussis, parfois un peu faciles et répétitifs, mais aussi des morceaux symphoniques plus ambitieux et un peu plus ennuyeux (Princesse Mononoke). J'adore en revanche les thèmes musicaux de Mon voisin Totoro (que j'avais intégrés à mon message de répondeur il y a quelque temps).
Je ne suis pas assez musicien pour juger vraiment de la qualité des oeuvres de ce compositeur. Son omniprésence dans les films de ces deux réalisateurs importants peut agacer (vive la diversité !), en revanche, je ne comprends pas la critique de Brigitte disant qu'il s'agit d'une musique "occidentale". D'abord qu'est-ce qu'une musique "occidentale" ou "orientale"" ? Et puis Je ne vois pas pourquoi il faudrait nécessairement une musique traditionnelle japonaise pour accompagner un film dont les thèmes m'apparaissent aussi universels. Je ne demande pas aux films français d'utiliser obligatoirement une musique française ! En revanche se pose la question du rôle de la musique au coeur du film. Remplit-elle son rôle ? Il me semble que oui. Il me semble que le piano du début (quand Chihiro et ses parents entrent dans le "parc d'attractions" souligne discrètement l'étrangeté et le mystère du lieu. La marche des esprits est aussi parfaitement accompagnée par les les flonflons inquiétant d'une parade à la fois drôlatique et terrifiante (pour Chihiro c'est un vrai cauchemar !). En revanche, j'ai aussi oublié le thème final. Mais cela ne veut pas dire, n'est-ce pas Alexis, qu'il est conventionnel. Une musique n'est pas forcément bonne parce qu'elle vous trotte dans la tête (où alors Britney Spears est une diva !)

Pour ce qui est de mon enthousiasme pour l'oeuvre de Miyazaki, je sais que je m'enflamme vite, mais pour qui aime le dessin animé, les contes, l'univers de l'enfance, ses films sont totalement irrésistibles, même si je concède, çà et là, quelques aspects un peu faciles (entre autres, les grimaces assez laides de certains personnages rappellent que Miyazaki a fait ses armes dans la série animée télévisée. D'ailleurs, je me demande si toutes ces mimiques ne sont pas directement héritées du théâtre kabuki ? - à vérifier bien sûr)
Mais cette critique est vraiment secondaire. Pour ce qui est du manichéisme du film, il me faut préciser mon opinion. J'admets volontiers qu'il existe une polarisation très nette entre entre le Bien et le Mal dans le film.
Néanmoins, premier point, on retrouve cela dans tous les contes. Deuxième point, ce n'est pas le plus important. Ce qui intéresse le réalisateur, ce sont les interactions entre les personnages, et la façon dont ils tentent de résoudre leurs problèmes et leurs antagonismes.

Ce qui sépare Chihiro des films d'animation hérités de Disney, c'est la subtilité et l'absence de morale assénée. Dans une version hollywoodienne imaginaire de Chihiro, le film se serait probablement terminé sur les leçons qu'aurait tirées la petite fille capricieuse pour sa vie réelle. On aurait eu droit à trois ou quatre morceaux chantés mièvres, et tous les aspects oniriques auraient été expliqués. Le cinéma américain d'animation actuel, malgré des qualités indéniables et quelques réussites (Pixar), souffre encore d'un formatage scénaristique trop lourd, de morales à trois sous, et de préoccupations commerciales trop évidentes.
Miyazaki, quitte à avoir une réputation de tyran, est l'auteur absolu de son film. Tout est fait artisanalement, sauf quelques plans numériques ; il contrôle tout et exécute les trois quarts des dessins du films (ce qui est un tour de force). Même si les films des studios Ghibli bénéficient d'une extraordinaire popularité au Japon (qui semble bien s'exporter), on ne peut pas lui reprocher de brosser le public dans le sens du poil. Il impose un univers au spectateur dans lequel ce dernier plonge avec des yeux émerveillés
. Pour ce qui est du fond, je renvoie aux interprétations fort intéressantes de Morgane, Brigitte Alexis et Sophie.

Laurent Goualle (2)


6.
Réponses à Laurent et Alexis, s'agit-t-il d'un contre débat ? je crois qu'il s'agit plutôt d'échanges positifs : allez voir ce film et, comme Morgane, vous direz : il y a encore beaucoup à dire.

Je suis ravie d'avoir déclenché des débats au sujet de ce film. C'est ainsi que je conçois l'interactivité du site. Je remercie Alexis et Laurent de participer à cette manière de voir les choses.
La deuxième intervention de Laurent (LG2) est riche à plusieurs titres :

Je n'ai aucune référence pour ce qui concerne le travail musical de Hisaishi Laurent fait part de ses connaissances en la matière et c'est à lire.
Je me contenterai donc de répondre au sujet de la musique de " Chihiro "
Je me suis révoltée parce que je m'attendais à être plongée dans un univers totalement étranger à ma propre culture sous tous les plans, y compris, bien sûr, celui de la musique. Je m' étais fourvoyée en la matière à cause de critiques éditées dans des revues flamboyantes qui qualifient le film de fleuron de la culture traditionnelle japonaise. (cf mon " coup de gueule " dans le site sur les avis des revues de cinéma , je ne me suis pas calmée, bien au contraire.)
Laurent a raison lorsqu'il dit qu'un film français ne nécessite pas une musique traditionnelle française (il n'y en a d'ailleurs pas, il y a certes des musiques traditionnelles encore bien vivantes, heureusement, mais elles sont régionales).
Il a raison également lorsqu'il parle de la dimension universelle du conte, ce qui suppose qu'on ne se restreint pas à un style musical prédéterminé. Encore raison quand il s'exprime au sujet de la partie pianistique du début de film (c'est à elle que je pense lorsque je lui trouve des connivences avec E. Satie… opinion très personnelle d'ailleurs et facilement critiquable mais j' assume)
Petite remarque : tout le monde a des oreilles, en matière de musique de cinéma, je l'ai précisé dans " l'introduction du monde sonore au cinéma ". Un fait réel : le subjectif est d'importance, c'est d'ailleurs le domaine privilégié de la musique de cinéma : elle nous taraude essentiellement dans l'inconscient. Quoi de plus subjectif, de moins rationnel?

La musique n'est pas au cœur du débat cinématographique, elle en est l'une des voies d'accès mais, comme l'a souligné J.Douchet à Annecy en mars 2002 : " une bonne critique de film suppose que de nombreux éléments soient pris en compte : le choix des couleurs qui ont une importance symbolique, le choix de la musique… " il répondait à la question " qu'est ce qu'une bonne critique de film ". Il présidait alors le jury de la meilleure critique du " Pirate " de Minelli , pour les collégiens et lycéens qui participaient à cette opération.

L'oubli du thème final est une constante, qu' Alexis, Laurent se rassurent, j'en suis au même point. Je n'ai pas dit qu'une musique est bonne parce qu'elle trotte dans la tête, je me suis sans doute mal exprimée , je dis que cette musique trotte dans la tête parce qu'elle est construite sur un schéma bien rodé et celui ci est fondé sur des stéréotypes, ceux ci fonctionnent à merveille parce qu'on nous les bassine sans cesse (radio, séries TV, pub..) Je parle de la structure mélodique qui est simpliste et de la structure harmonique qui l'est tout autant.
Je suis un peu vache car c'est la seule musique du film que je qualifie de musique de " super marché ". Et j'en profite pour redire à Alexis que son intervention m'a semblé judicieuse. Il a modéré ma rancœur à la sortie de la projection. Hélas, on reste souvent sur la dernière impression, c'est une des raisons pour lesquelles le dernier mouvement d'un concerto est en général plus vif que les autres.

Pour Laurent, qui pose la question fondamentale de la différence entre musique occidentale et celle que je qualifie globalement de musique asiatique : il y aurait de quoi écrire un bouquin , le site n'est pas un lieu pour cela et je me sens bien incapable de le faire, je le reconnais aisément (c'est la raison pour laquelle j'ai donné des références à lire et à entendre qui sont de bonne qualité : chacun peut ainsi se documenter.)

Je peux cependant dire rapidement qu'il y a, dans la musique japonaise traditionnelle, des intervalles entre les sons qui n'existent pas dans la musique occidentale ( je ne parle pas de la musique contemporaine qui prend ces nouveaux paramètres en compte) nos instruments sont incapables de les reproduire, à commencer par le piano (largement utilisé dans le film) qui est un instrument qu'on appelle " tempéré" , les timbres (des voix et des instruments traditionnels japonais) sont également d'une infinie complexité et ils sont aux antipodes de ce que nous avons l'habitude d'entendre, ils sont très particuliers, la gestion de la pulsation et l'imprégnation rythmique qui en découle, l'accompagnement harmonique(qui concerne les accords que nous entendons) l'écriture horizontale( utilisation de doubles voix, inhabituelles à nos oreilles occidentales) la structure même des œuvres nous déroutent totalement : notre confort auditif est perturbé, notre rationalité (tant européenne qu'américaine… qui est la même) notre logique d'écoute, préformée par nos habitudes ancestrales (qu'on peut appeler culture commune à un peuple , au sens large du terme) ont de la difficulté à s'y retrouver : il nous faut faire de réels efforts et accepter d'écouter mille et une fois la même oeuvre.
Rien ne remplacera l'audition personnelle ( chacun a de bonnes oreilles, il faut se mettre ceci dans la tête une fois pour toutes) avec ouverture à autre chose, à quelque chose qui dérange. Chacun a la possibilité d'en faire l'expérience. Pour moi, la "mondialisation" n'est positive que si elle s'occupe de cette richesse dans la différence.

A cette question de Laurent "qu'est ce que la musique occidentale ou orientale" je réponds simplement : écoute de la musique japonaise, prends du temps, arme toi de patience, écoute ce qui, à première audition, te hérissera peut-être et la question aura trouvé réponse auditive.

La musique remplit- elle son rôle dans le film ? je le pense autant que Laurent : elle a le mérite d'être discrète, de bonne qualité, je l'ai déjà souligné, il n'empêche qu'on peut regretter certains aspects conventionnels (que j'ai notés) dans sa composition, dans le choix de ses apparitions, une bonne référence : les musiques de Hermann chez Hitchcock (voir mes notes dans la rubrique monde sonore au cinéma)

OK avec Laurent pour son argumentation concernant le manichéisme du film. Il nous donne une explication fine : le film est intrinsèquement lié à la structure du conte, (il y n'y a donc pas absence de manichéisme) je préfère cette vision des choses.
L'interaction des personnages est un point intéressant qui méritait d'être soulevé et il y a richesse en la matière, je n'y avais pas prêté suffisamment d'attention.
Je retiens l'argumentation concernant la comparaison avec Disney, il est vrai que la fin du film nous laisse toute liberté et multiplicité dans nos choix d'interprétations : la " morale " , s'il y en a une, émanant du périple de Chihiro, n'est pas assénée mais suggérée, elle a déjà donné lieu à de nombreuses pistes et discussions (cf Alexis et sa lecture de Sophie D).
Je reste quand même un peu triste sur ce choix de musique : nous avons besoin de nous enrichir au contact des musiques " extra occidentales " les médias ne nous aident pas en ce domaine et le film n'aurait sans doute pas perdu de son intérêt si, en supplément, nous avions eu la possibilité de la fréquenter. Je repense à ce qu'a écrit Morgane, qui est en lien avec le Japon contemporain. Je regrette que les minorités culturelles se fassent définitivement avoir par les nécessités du marché et, comme le dit Laurent, qu'il soit obligatoire de caresser " dans le sens du poil " pour survivre.

Qu'Alexis se rassure (ou bien devrais-je m'inquiéter aussi pour ma propre mémoire ?) j'ai complètement oublié ce thème qui nous a tant fait rire par sa niaiserie. Je vais m'en sortir par une pirouette : il était trop nul pour qu'on le garde en mémoire !! Tu ne sors pas KO de ma joute contre le SCR* *(je réitère la "private joke")

Pour terminer, je découvre avec intérêt ce que Laurent explique sur l'aspect artisanal du travail de Miyasaki, qui n'est pas pour me déplaire, bien au contraire.

Eh bien voici un film d'animation qui a suscité bien des débats : preuve de l'intérêt polymorphe qu'il a su produire.

B.B 2


7.
J'aimerais vous parler d'un film magnifique ou plutot d'un dessin animé : Le voyage de Chihiro. Ca vous dit quelque chose ?!
Bref ce film vous change des habituels Disney à l'eau de rose avec leur morale à 2 balles, leurs éternels animaux super intelligents, les meufs toujours super bien gaulées qui se tapent toujours le beau mec etc... C'EST FINI grâce au sauveur de l'animation HAYAO MIYAZAKI !! Souvenez vous de Princesse Mononoke, de Mon voisin Totoro(c'est les seuls que j'ai vus faut dire que y en a pas beaucoup). Ce que j'adore dans ses animations c'est l'onirisme qui s'en dégage, quand on sort de la salle de cinéma on est encore dans le film. Moi à chaque fois que je vais voir un Miyazaki j'me remets toujours en question, pendant 2 jours je comate (c'est pour cette raison que je vais au cinéma le week-end). Bref c'est génial!! Je recommande Princesse Mononoke pour les amoureux des animaux et de la nature...
Sinon ne manquez pas ma prochaine critique sur le dernier Woody Allen.

Nils (alias Madalen P.)

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